Investir dans la pierre à Chypre attire de plus en plus d’épargnants étrangers. Mais dès qu’il est question de la ville de [Morphou], les choses se compliquent vite. Sur le papier, cette petite ville agricole du nord-ouest de l’île a tout pour plaire : terres fertiles, projets d’infrastructures financés par l’Union européenne, universités, proximité de la mer, climat doux. Dans la réalité, [Morphou] se trouve dans la partie nord de Chypre, sous contrôle de la République turque de Chypre du Nord (RTCN), entité reconnue uniquement par la Turquie. Et ce contexte politique change complètement la nature du risque immobilier.
Cet article fournit une analyse complète pour un investisseur, couvrant le contexte géopolitique, le cadre juridique, les risques sur les titres de propriété, une comparaison avec le sud de Chypre, la fiscalité et la rentabilité locative comparée à d’autres marchés (Kyrenia, Paphos, Limassol, Larnaca, Nicosie, Athènes et les îles grecques). Son objectif est de permettre une décision éclairée, sans parti pris.
Comprendre [Morphou] : une ville agricole au cœur d’un conflit gelé
[Morphou] – appelée Güzelyurt en turc – se trouve dans le nord-ouest de Chypre, dans la zone contrôlée de facto par les autorités de Chypre du Nord. Avant 1974, la ville était majoritairement habitée par des Chypriotes grecs ; après l’intervention militaire turque et la division de l’île, la population s’est entièrement recomposée. Les habitants actuels sont essentiellement des Chypriotes turcs déplacés du sud (notamment du district de Paphos et de la ville de Limassol) et des colons venus de Turquie.
La pluviométrie annuelle moyenne de la ville est d’environ 400 mm.
Économiquement, [Morphou] est un bastion agricole : la région produisait historiquement plus de la moitié des agrumes chypriotes. Oranges, pommes, pamplemousses, melons… Une part significative de cette production est exportée, le reste étant transformé en jus ou en produits agroalimentaires. L’arrivée d’une conduite d’eau depuis la Turquie est censée renforcer l’irrigation et donc la productivité, ce qui donne un certain potentiel aux terres agricoles et aux projets liés à l’agro-industrie.
La ville accueille des institutions universitaires, créant une demande structurelle de logements pour étudiants et personnels académiques. Le campus nord de l’Université technique du Moyen-Orient (METU) a ouvert en 2005, et une université privée dédiée aux sciences de la santé et sociales a été inaugurée au centre-ville en 2016.
Sur le plan culturel, [Morphou] dispose d’un patrimoine notable : l’église de Saint-Mamas (aujourd’hui musée d’icônes mais encore lieu d’un office grec orthodoxe annuel), un musée d’histoire naturelle et d’archéologie, un ancien marché couvert (Bandabuliya) de style colonial britannique, une compagnie théâtrale municipale, et des clubs de football bien implantés. Chaque année, un festival de l’orange sur deux semaines anime la ville, avec concerts, spectacles, compétitions sportives et même tournoi de golf.
Autrement dit, si l’on ne regardait que l’économie locale, les infrastructures et la vie culturelle, [Morphou] ressemblerait à beaucoup de petites villes méditerranéennes attractives pour un investissement à long terme.
Un environnement politique et juridique fondamentalement particulier
Là où [Morphou] se distingue radicalement d’autres villes chypriotes comme Paphos ou Limassol, c’est sur le plan politique et juridique. Depuis 1974, l’île de Chypre est coupée en deux. Au sud : la République de Chypre, membre de l’Union européenne, internationalement reconnue. Au nord : la République turque de Chypre du Nord, autoproclamée et seulement reconnue par Ankara.
La division de Chypre a entraîné le déplacement de plus de 215 000 personnes (170 000 Chypriotes grecs et 45 000 Chypriotes turcs), qui ont dû abandonner leurs biens. Environ 78 % des terres privées du nord appartenaient à des Chypriotes grecs. Par conséquent, une grande partie des constructions et ventes actuelles dans cette zone repose sur des titres de propriété contestés au regard du droit chypriote et européen.
Pour un investisseur à [Morphou], cela signifie que l’on achète dans une entité dont l’ordre juridique n’est pas reconnu par la communauté internationale. Des titres de propriété peuvent être délivrés par les autorités du nord, mais ils ne sont pas reconnus par la République de Chypre, qui reste, aux yeux de l’ONU et de l’UE, le seul État légitime sur l’ensemble de l’île.
Ce décalage entre légalité locale et légalité internationale est au cœur du risque immobilier dans toute la partie nord, [Morphou] incluse.
Titres de propriété et risques de contentieux
Plusieurs États (Royaume‑Uni, États‑Unis, Canada, Australie, États membres de l’UE, etc.) ont publié des mises en garde officielles sur l’acquisition de biens dans le nord de Chypre. Le motif principal : la question des droits de propriété des anciens propriétaires chypriotes grecs et les décisions de justice rendues à leur avantage.
Le cadre pénal du sud qui vise les transactions au nord
Le Parlement de la République de Chypre a modifié en 2006 son Code pénal pour viser explicitement les transactions portant sur des biens dont le propriétaire légal est enregistré au cadastre chypriote mais se trouve dépossédé de fait au nord. Le simple fait d’acheter, louer, hypothéquer ou occuper un bien dont le titre reste au nom d’un autre est considéré comme une infraction passible de plusieurs années de prison. La loi s’applique également aux actes commis à l’étranger, dès lors qu’ils concernent un bien situé sur le territoire de la République de Chypre – donc potentiellement dans le nord.
En théorie, un investisseur étranger qui achète un appartement construit sur un terrain enregistré au nom d’un Chypriote grec court le risque d’être poursuivi devant les tribunaux de la République de Chypre et de voir cette décision reconnue et exécutée dans d’autres pays de l’UE.
Risque juridique pour un investisseur étranger
Des décisions de justice emblématiques
Plusieurs affaires ont marqué la jurisprudence européenne sur ce sujet. La plus citée est celle d’Apostolides contre Orams (2009). Un couple britannique avait construit une maison sur un terrain au nord appartenant légalement à un Chypriote grec. Ce dernier a obtenu une décision devant les tribunaux de la République de Chypre ordonnant la démolition de la maison et la restitution du terrain. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que ce jugement devait être reconnu et exécuté au Royaume‑Uni, même si la maison se trouvait dans une zone où le gouvernement chypriote n’exerce pas son contrôle effectif. Les Orams se sont retrouvés exposés à la saisie de leurs biens au Royaume‑Uni pour satisfaire cette décision.
Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu la responsabilité de la Turquie pour la violation du droit de propriété d’une réfugiée chypriote grecque. La Cour a condamné l’État turc à verser une indemnisation à la requérante.
Ces arrêts n’ont pas réglé le problème de manière globale, mais ils envoient un message clair : les droits des propriétaires d’avant 1974 restent juridiquement reconnus, et les nouveaux acquéreurs de biens bâtis sur ces terres ne peuvent pas se considérer comme à l’abri.
Pour [Morphou], où une très grande part des terrains appartenaient aux Chypriotes grecs avant 1974, la probabilité que des droits antagonistes existent est donc particulièrement élevée.
Risques spécifiques à l’investissement immobilier dans la partie nord
Au-delà du contentieux foncier, d’autres facteurs rendent l’investissement plus aléatoire à [Morphou] que dans le sud de l’île.
La monnaie officielle est la livre turque, très volatile, ce qui expose les loyers comme la valeur patrimoniale à un risque de change important, surtout pour un investisseur qui raisonne en euros ou en dollars. L’économie du nord est largement dépendante de la Turquie, avec un accès limité aux marchés et réglementations européens.
Un aperçu des défis d’infrastructure et de connectivité qui impactent la qualité de vie et l’attractivité économique de la région.
Les voies de communication et les services publics sont globalement moins développés que dans le sud de l’île, avec une intégration limitée aux réseaux européens.
L’accès à internet haut débit est moins performant et moins bien intégré aux infrastructures européennes.
Les résidents, comme à Morphou, ne bénéficient pas des mécanismes d’assurance santé de l’Union européenne.
Ces lacunes pèsent sur l’attractivité à long terme auprès d’une clientèle internationale aisée, contrairement à des villes comme Limassol ou Paphos.
S’ajoute un risque de « rupture de régime » : toute évolution politique majeure sur la question chypriote (accord de réunification, nouveau cadre institutionnel) pourrait rouvrir la question du statut des biens acquis par des étrangers au nord. Dans le meilleur des cas, cela se traduirait par des mécanismes de compensation complexes ; dans le pire, par des contestations massives de titres.
Enfin, l’environnement des affaires manque de transparence, avec des pratiques parfois opaques en matière de comptabilité, de réglementation ou de solution des litiges. Là encore, l’investisseur international dispose de beaucoup moins de garde-fous qu’au sud, où le système judiciaire est aligné sur le droit européen et où les tribunaux sont reconnus.
Ce que montre l’exemple de Kyrenia pour la rentabilité
Les données disponibles sur la rentabilité locative dans la partie nord concernent surtout Kyrenia (Girne), grande ville côtière touristique. Elles donnent toutefois un ordre de grandeur utile pour se faire une idée de ce que pourrait produire un investissement à [Morphou], en ajustant pour un environnement moins touristique.
Pourcentage de retour sur investissement cumulé sur dix ans pour des appartements à Kyrenia, selon des calculs promotionnels.
Ces chiffres supposent des taux d’occupation très élevés, liés à la combinaison tourisme‑universités‑expatriés, et des loyers perçus en devises étrangères (livre sterling). [Morphou], elle, reste une ville principalement agricole et universitaire, sans la notoriété balnéaire de Kyrenia. On peut donc raisonnablement s’attendre à des loyers plus modestes et à une demande moins internationale, mais portée par les étudiants, les enseignants et les travailleurs locaux.
Le problème n’est pas tant la rentabilité brute potentielle (qui peut, sur le papier, être intéressante compte tenu des prix plus bas qu’au sud), que la sécurité du titre et la liquidité du bien à moyen ou long terme.
Infrastructures et projets à [Morphou] : un potentiel réel sur le terrain
Si l’on met de côté la question politico‑juridique, la trajectoire de [Morphou] ressemble à celle d’une petite ville en développement. L’Union européenne finance ainsi des projets d’infrastructures, via le Programme d’aide aux Chypriotes turcs. L’extension de la station d’épuration de [Morphou] en est un exemple frappant.
Ce projet, lancé par le PNUD avec des fonds européens, vise à protéger la plus grande nappe phréatique de l’île contre la pollution. Il permet également la réutilisation des eaux traitées pour irriguer les plantations d’agrumes locales, combinant ainsi protection de la ressource en eau, soutien à l’agriculture et amélioration de l’environnement.
Concrètement, cela signifie que la zone est appelée à bénéficier d’une irrigation plus fiable, ce qui valorise les terres agricoles et, par ricochet, les terrains constructibles ou agro‑industriels. Des acteurs locaux, comme le maire de [Morphou], ont publiquement soutenu ce type de projets, ce qui montre une certaine stabilité institutionnelle à l’échelle municipale.
La présence d’universités renforce, elle, l’attrait pour des logements étudiants, des résidences à l’année et des petits commerces de proximité. Dans d’autres contextes, ce type de micro‑marché peut être très intéressant pour des investisseurs qui privilégient les revenus locatifs réguliers à la plus‑value spéculative.
La question demeure toutefois : ce potentiel suffit‑il à compenser les risques politico‑juridiques analysés plus haut ?
Le contraste avec le sud de Chypre : un marché dynamique, mais plus cher
Pour comprendre si le jeu en vaut la chandelle à [Morphou], il est utile de confronter le profil de risque du nord à celui du sud, où se trouvent les grandes villes comme Limassol, Paphos, Larnaca ou Nicosie.
Dans la République de Chypre, les règles sont claires : les achats sont sécurisés par le Land Registry, la législation est harmonisée avec le droit de l’Union européenne et inspirée du système britannique, les tribunaux sont reconnus à l’international, et les questions de propriété liées à 1974 sont encadrées par des mécanismes politiques et juridiques connus. Les investisseurs étrangers, notamment non‑européens, bénéficient même de dispositifs de résidence (Golden Visa à partir de 300 000 € d’investissement pour certains programmes de résidence permanente).
La valeur totale des transactions immobilières à Chypre en 2023 s’élève à 5,6 milliards d’euros.
Les grandes villes du sud affichent des profils très différenciés mais globalement attractifs :
| Ville / secteur | Prix moyen appart. (approx.) | Prix moyen maison (approx.) | Prix moyen m² résidentiel (fourchette) | Yields locatives indicatives |
|---|---|---|---|---|
| Limassol | ~240 000 € | ~430 000 € | 3 500 – 6 000 €/m² | 5–7 % (appart., selon zone) |
| Paphos | ~150 000 € | ~270 000 € | 2 200 – 2 400 €/m² | ~5–8 % (zones touristiques) |
| Larnaca | ~170 000 € | ~250 000 € | 1 800 – 2 500 €/m² (hausse rapide) | 5–7 % (zones plage) |
| Nicosie | 3 400–5 200 €/m² (centre) | n.d. | 2 000–3 000 €/m² (moyenne globale) | 4–6 % (résidentiel) |
À Limassol, les appartements se négocient autour de 5 446 €/m² et les maisons à près de 3 889 €/m², avec des loyers de 900–1 200 €/mois pour un T1 et 1 500–2 000 €/mois pour un T2 en longue durée, et des locations saisonnières oscillant entre 80 et 120 €/nuit pour un T2 en haute saison. Paphos, de son côté, séduit particulièrement les étrangers : 23 % de toutes les transactions chypriotes y ont lieu, et 35 % des biens vendus vont à des non‑nationaux. Les rendements locatifs à Kato Paphos, très touristique, peuvent atteindre 5–8 % par an, avec des loyers de 1 200 €/mois pour un T2 en centre‑ville et des villas pouvant générer 72 000 € bruts par an.
Le prix au mètre carré à Larnaca a atteint ce niveau, en hausse par rapport à 1 800 €/m² il y a quelques années, dopé par la rénovation du front de mer et un nouveau projet de marina.
Nicosie, capitale administrative et universitaire, affiche des prix au mètre carré plus élevés en centre‑ville (jusqu’à 5 200 €/m²), mais globalement inférieurs à Limassol pour les logements familiaux, ce qui la rend attractive pour les résidents permanents. Les yields y sont plus modérés, mais stables, portés par une demande de location longue durée (étudiants, fonctionnaires, salariés du secteur financier).
Autrement dit, le sud présente un couple rendement‑risque très différent de celui qu’offre [Morphou].
Cadre légal et fiscal au sud : ce que l’on ne retrouve pas au nord
Toute réflexion sur [Morphou] implique de comparer le cadre juridique du nord, non reconnu, avec celui du sud, qui sert de référence pour la plupart des investisseurs internationaux.
L’acquisition de biens par des étrangers est régie par la loi Cap 109 et la loi Cap 224. Le Land Registry centralise tous les enregistrements. Les citoyens de l’UE peuvent acheter librement. Les non-Européens doivent obtenir une autorisation du Conseil des ministres, généralement accordée pour un premier logement (maison, appartement ou terrain jusqu’à environ 4 000 m²).
Le processus d’achat est balisé : accord de réservation, due diligence juridique sur le titre (vérification de l’absence de charges, de litiges, de permis de construire), contrat de vente, enregistrement au Land Registry, et, à terme, délivrance du titre au nom de l’acquéreur. Le système de « Specific Performance » protège le droit de l’acheteur une fois le contrat enregistré, même si le titre initial est au nom du promoteur, pratique courante sur les programmes neufs.
Sur la fiscalité, les règles sont connues et stables :
| Type de taxe / frais | Sud de Chypre – paramètres principaux |
|---|---|
| TVA sur neuf | 19 % standard ; 5 % pour résidence principale (sous conditions de surface) |
| Droits de timbre | 0 % jusqu’à 5 000 € ; 0,15 % entre 5 001 et 170 000 € ; 0,20 % au‑delà |
| Droits de transfert | 3 % jusqu’à 85 000 € ; 5 % jusqu’à 170 000 € ; 8 % au‑delà (souvent réduits) |
| Impôt foncier national | Aboli depuis 2017 |
| Taxes municipales & égout | Environ 85–500 €/an selon taille du bien |
| Plus‑value immobilière | 20 % sur le gain net, avec abattements à vie (17 086 € ou plus pour RP) |
| Impôt sur revenus locatifs | Progressif (0–35 %), abattement forfaitaire de 20 % sur les loyers |
| TVA réduite travaux rénovation | 5 % sur certains travaux dans résidence occupée depuis 3 ans |
À cela s’ajoutent des régimes favorables : taux d’impôt sur les sociétés à 12,5 %, absence d’impôt sur la fortune, pas de droits de succession, double imposition couverte par de nombreux traités. Les non‑domiciliés bénéficient en plus d’exonérations sur certains revenus de source étrangère.
Au nord, aucune de ces garanties adossées au droit de l’UE n’est pleinement applicable. Des impôts et droits locaux existent, mais ils ne confèrent pas la même sécurité juridique, notamment en matière de reconnaissance internationale des titres et des décisions de justice.
Contexte macroéconomique : Chypre et la Grèce comme repères régionaux
Un investissement immobilier ne se juge pas seulement sur la micro‑situation d’une ville, mais aussi sur la trajectoire économique du pays et de sa région.
Croissance économique de Chypre au premier semestre 2023, portée par la consommation et l’investissement.
Le taux de chômage a reculé à 6,4 %, avec un chômage de longue durée à 2 % et un chômage des jeunes autour de 15,6 %. L’État investit dans la transition verte et numérique, dans les infrastructures (transport, énergie, santé, éducation, tourisme), et développe une stratégie nationale de « smart cities » (parkings intelligents, éclairage, gestion des déchets). L’UE anticipe une croissance de 2,6 % en 2024 et 2,9 % en 2025.
Sur les îles grecques, le prix moyen des logements neufs s’élève à 3 000 €/m².
Ces repères montrent que, dans la région, la tendance de long terme est clairement haussière pour les valeurs immobilières bien situées, dans des cadres juridiques reconnus. Le nord de Chypre, y compris [Morphou], profite indirectement de ce mouvement (flux touristiques en hausse, intérêt pour les destinations méditerranéennes plus abordables), mais reste à l’écart des bénéfices liés à l’appartenance à l’UE.
Entre rendement et sécurité : comment positionner [Morphou] face aux autres options ?
Du point de vue strictement financier, la tentation de regarder vers [Morphou] est compréhensible. Dans un contexte où, au sud, les prix dans les villes les plus recherchées frôlent ou dépassent 4 000–5 000 €/m², et où les loyers se sont envolés, l’idée d’acheter beaucoup moins cher dans une ville agricole en développement, avec universités et soutien indirect de l’UE via des projets d’infrastructure, a de quoi séduire.
Cependant, il faut replacer ce potentiel de rendement dans sa matrice de risque. Un investisseur rationnel peut résumer ainsi les alternatives :
| Option d’investissement | Sécurité juridique internationale | Potentiel de rendement locatif | Liquidité à moyen terme | Risque politique/foncier |
|---|---|---|---|---|
| [Morphou] (nord, titres contestés) | Faible | Potentiellement élevé (théorique) | Faible à moyenne | Très élevé |
| Kyrenia (nord, ville touristique) | Faible | Élevé (rentes en devises, forte demande) | Moyenne | Très élevé |
| Paphos (sud, marché étranger) | Élevée | Élevé (5–8 %, forte demande étrangère) | Élevée | Faible |
| Limassol (sud, business hub) | Élevée | Moyen à élevé (5–7 % selon zone) | Très élevée | Faible |
| Larnaca (sud, front de mer) | Élevée | Moyen à élevé (5–7 %) | Élevée | Faible |
| Athènes (Grèce, centre) | Élevée | Élevé (6–9 % selon quartier) | Très élevée | Faible à moyen (macro‑éco) |
Dans cette comparaison, [Morphou] n’est pas la seule destination risquée, mais elle se situe à l’extrémité du spectre sur le plan juridique. L’investisseur qui accepterait ce niveau de risque doit être conscient que :
Le bien pourrait faire l’objet d’une revendication future par un propriétaire chypriote grec reconnu par les tribunaux européens. Un règlement global de la question chypriote pourrait modifier la situation foncière et entraîner des mécanismes de restitution ou de compensation incertains. De plus, la revente à un acheteur prudent sera difficile, ce qui affecte la liquidité. Enfin, des contentieux pourraient se dérouler dans des juridictions de l’UE, où les décisions des tribunaux du sud de Nicosie sont reconnues et exécutées.
À l’inverse, investir dans une ville comme Paphos, Larnaca ou Limassol offre des rendements certes moins « spectaculaires » sur le papier, mais avec une sécurité des titres reconnue dans toute l’UE, un accès à des financements bancaires européens, une fiscalité stable, et un marché secondaire actif.
Quel profil d’investisseur peut envisager [Morphou] ?
Au vu de l’ensemble des éléments, l’investissement immobilier à [Morphou] n’est pas un produit de base pour particulier prudent, mais plutôt une niche pour investisseur très averti, qui :
– comprend les implications du non‑reconnaissance internationale de la RTCN ;
– accepte expressément le risque d’un litige futur sur la propriété ;
– est prêt à immobiliser du capital pendant longtemps sans certitude de revente ;
– et, surtout, ne s’expose pas avec des actifs significatifs dans des juridictions où des décisions de la République de Chypre pourraient être exécutées (autres biens en Europe, comptes bancaires, etc.).
L’achat de biens dans le nord de Chypre peut être vu comme un pari spéculatif à très long terme. En effet, si un futur règlement politique venait à reconnaître les titres de propriété actuels, la forte décote appliquée à ces biens pourrait entraîner une hausse significative de leur valeur. Cependant, ce scénario reste purement hypothétique, car il dépend d’un processus politique dont ni le calendrier ni les conditions finales ne sont garantis aujourd’hui.
Pour un investisseur qui recherche avant tout une rente locative sûre et une protection de son capital, la majorité des données disponibles invite plutôt à regarder vers le sud de l’île ou vers d’autres marchés méditerranéens (Athènes, îles grecques), où les rendements affichés restent attractifs et les risques juridiques nettement plus faibles.
Conclusion : [Morphou], une opportunité à manier avec une extrême prudence
La ville de [Morphou] concentre des atouts locaux indéniables : une base agricole solide, des projets d’infrastructure soutenus par l’UE, un tissu universitaire, une vie culturelle active et une situation géographique intéressante à l’échelle de l’île. Si l’on ne tenait compte que des fondamentaux économiques, elle pourrait apparaître comme une pépite à découvrir avant les autres.
La solidité d’un investissement immobilier dépend avant tout de la sécurité du droit de propriété et de la reconnaissance officielle du titre de propriété par les autorités judiciaires et étatiques, un critère qui n’est pas garanti dans le nord de Chypre, notamment à Morphou.
Les statistiques sur la vigueur du marché chypriote au sud, le dynamisme des villes comme Paphos, Limassol ou Larnaca, les rendements élevés observés à Athènes ou dans les îles grecques, montrent qu’il existe dans la région de nombreuses alternatives capables de combiner rendement intéressant et sécurité juridique.
Investir à Morphou présente un prix d’entrée attractif et une rentabilité potentielle liée à l’agriculture et aux universités. Cependant, cette opportunité s’accompagne d’un risque foncier et politique structurellement très élevé. Une telle décision d’investissement nécessite impérativement une expertise juridique indépendante, une compréhension fine de l’historique de la parcelle visée et une forte tolérance au risque, ce qui la rend difficilement justifiable pour un particulier.
Pour qui souhaite exposer une partie de son patrimoine à la croissance chypriote ou à l’essor touristique du bassin méditerranéen, les données disponibles suggèrent que la voie la plus prudente passe encore par les marchés du sud de Chypre ou par la Grèce, plutôt que par les ruelles ensoleillées de [Morphou], aussi attachantes soient‑elles.
Cas pratique : un investisseur français qui diversifie à Chypre du Nord
Un chef d’entreprise français d’environ 50 ans, avec un patrimoine financier déjà bien structuré en Europe, souhaitait diversifier une partie de son capital dans l’immobilier résidentiel à Chypre du Nord pour chercher du rendement locatif et une exposition à un marché méditerranéen en développement. Budget alloué : 300 000 à 450 000 euros, sans recours au crédit.
Après analyse de plusieurs zones (Kyrenia/Girne, Famagouste/Gazi Mağusa, Lefkoşa), la stratégie retenue a consisté à cibler un appartement ou une petite villa en bord de mer ou proche d’une université, combinant rendement locatif brut cible de 8 à 10 % – plus le rendement est grand, plus le risque est important et potentiel de valorisation à moyen terme, avec un ticket global (acquisition + frais + aménagement) d’environ 350 000 euros.
La mission a inclus : sélection de la zone et du programme, vérification du statut foncier, mise en relation avec un réseau local (agent, avocat, fiscaliste), choix de la structure (propriété directe ou société locale) et définition d’un plan de diversification dans le temps.
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