Les projets de développement urbain à venir aux Maldives : vers un archipel de villes, de ponts et d’îles artificielles

Publié le et rédigé par Cyril Jarnias

Au-delà de l’image de cartes postales, les Maldives sont en train de se transformer en laboratoire à ciel ouvert de la ville du futur. Pression démographique dans la région de Malé, vulnérabilité extrême à la montée des eaux, crise du logement, dépendance au tourisme et endettement massif : tous ces enjeux se croisent aujourd’hui dans une série de projets urbains d’une ampleur inédite. Entre mégaprojets de poldérisation, quartiers flottants, loi-cadre sur l’urbanisme, ponts géants et nouveaux « townships » durables, l’archipel redessine sa géographie urbaine à marche forcée.

Un nouveau cadre légal pour encadrer la ruée vers l’urbanisation

Alors que les chantiers se multiplient, le pouvoir exécutif a commencé par verrouiller le cadre juridique de l’urbanisation. Deux textes structurants ont été approuvés par le président Dr Mohamed Muizzu : la loi sur la Planification et la Gestion urbaine (Urban Planning and Management Act) et un 13ᵉ amendement à la loi sur la Décentralisation, bientôt complétés par une loi spécifique sur le développement urbain (Urban Development Act).

Bon à savoir :

Les nouvelles lois instaurent un système national de planification des infrastructures et de l’usage des terres, visant à maximiser les bénéfices socio-économiques de chaque parcelle dans une logique durable. La politique est désormais définie par le président et son cabinet. Le ministère du Logement, des Terres et du Développement urbain en assure le pilotage technique, assisté par les conseils locaux et les agences de zones industrielles.

Toutes les opérations d’aménagement doivent obtenir un permis et se conformer à des normes nationales. Les plans locaux ne sont plus élaborés de manière autonome : ils doivent s’aligner sur un « Island Development Master Plan » ou un « City Development Master Plan » intégré à un Plan de Développement Physique national, tel que le prévoit le nouvel arsenal législatif.

Attention :

Les nouvelles lois, en transférant le contrôle des plans d’urbanisme locaux et la définition des politiques au niveau présidentiel, suscitent des craintes. Des critiques estiment qu’elles pourraient réduire les conseils locaux à de simples relais administratifs du pouvoir central et diminuer la participation des habitants aux décisions d’aménagement, contredisant ainsi l’objectif de décentralisation au cœur des réformes de gouvernance précédentes.

Une stratégie nationale : désengorger Malé et structurer des pôles régionaux

Derrière ces textes se profile une stratégie beaucoup plus large, déjà esquissée par le Plan spatial national 2020‑2040 et le Strategic Action Plan 2019‑2023 : sortir du modèle « tout‑Malé », jugé intenable. La capitale, Malé, abrite environ 40 % de la population sur moins de 2 km², avec des loyers prohibitifs et une sur-densité extrême. Plus de 70 % des habitants de la région de Malé sont locataires, souvent contraints de partager des logements exigus.

Exemple :

Pour réduire la pression démographique et économique sur Malé, le gouvernement mise sur deux leviers : la construction massive de logements et la poldérisation dans la région du Grand Malé (Hulhumalé, Gulhifalhu, Rasmale’, Giraavaru Falhu, Uthuru Thila Falhu), et la création de pôles urbains régionaux visant à décentraliser l’activité économique et les services publics.

Sept îles ont ainsi été désignées « centres urbains » dans le cadre d’une politique de développement régional durable : R. Ungoofaru, B. Eydhafushi, Lh. Naifaru, ADh. Mahibadhoo, F. Nilandhoo, Dh. Kudahuvadhoo et L. Fonadhoo. Ces îles doivent bénéficier en priorité d’infrastructures, de services publics et d’investissements économiques, afin de rayonner sur des grappes d’atolls dans le nord et le sud du pays.

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Deux grandes zones de développement intégrées structurent le plan d’aménagement à long terme des Maldives.

Le tout s’inscrit dans un contexte macroéconomique tendu : la dette publique atteignait 123 % du PIB en 2023, l’État figurant parmi les pays à haut risque de surendettement. Le secteur du logement social absorbe déjà près de 1 milliard de dollars de dette garantie, dont plus de la moitié portée par la Housing Development Corporation (HDC).

Hulhumalé : de « ville de l’espoir » à capitale financière et smart city

Symbole absolu de cette fuite en avant urbaine, Hulhumalé est une île artificielle conçue dès la fin des années 1990 comme la « ville de l’espoir ». Rehaussée à environ 2 mètres au-dessus du niveau de la mer, elle doit permettre à terme d’accueillir jusqu’à 350 000 personnes, soit la quasi-totalité de la population actuelle du pays.

Phase 1 (environ 160 ha) a été achevée en 2002 et héberge déjà près de 50 000 habitants, avec un objectif de 80 000. Phase 2 (244 ha) a été livrée en 2015 et poursuit son urbanisation. Le développement est piloté par la Housing Development Corporation, rebaptisée Urbanco dans ses fonctions métropolitaines. L’île est reliée à Malé et à l’aéroport international par le pont Sinamalé, financé dans le cadre de l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie.

Une Phase III stratégique pour loger la classe moyenne urbaine

La nouvelle grande étape est la Phase III, un projet de remblaiement de 63 hectares destiné à atténuer la pénurie de logements dans la région de Malé. Le contrat, d’une valeur estimée à 268 millions de dollars (près de 3,9 milliards de rufiyaas), a été confié à la société sri-lankaise Capital Marine and Civil Construction (CMC). Boskalis fournit les équipements de dragage, avec des navires de 22 000 m³ de capacité, dont les célèbres Willem van Oranje et Prins der Nederlanden.

Astuce :

Les travaux ont connu plusieurs suspensions, notamment pour une révision du masterplan et suite à une injonction de l’Environmental Protection Agency en période de blanchissement corallien. Après ces interruptions, les activités ont repris, mobilisant parfois deux gros dragues simultanément. Selon les dernières mises à jour, entre 23 et 40 hectares ont déjà été gagnés sur la mer, ce qui représente jusqu’à environ 63 % d’avancement du projet.

À terme, cette nouvelle surface accueillera des zones résidentielles, industrielles et une marina. Le gouvernement prévoit d’y distribuer des parcelles aux habitants de Malé, dans la continuité de programmes de redistribution foncière qui doivent bénéficier à plus de 19 000 personnes, dont 1 400 parcelles issues de cette Phase III.

Ci‑dessous, un tableau synthétique des principaux remblais dans le Grand Malé, tels que décrits par les données disponibles :

Projet / zoneSurface remblayée ou prévue (hectares)Usage principal envisagé
Hulhumalé – Phase I~192 (mentionnée dans un bilan global)Résidentiel, services, commerces
Hulhumalé – Phase II244Résidentiel, tourisme, centralité urbaine
Hulhumalé – Phase III63Logement, industrie, marina
Gulhifalhu – Phases I & II192Port, logements, activités logistiques
Gulhifalhu – Phase III85Logement (principalement), commerces
Giraavaru Falhu160 (dont ~60 déjà remblayés)Développement urbain intégré
Uthuru Thila Falhu200Zone industrielle stratégique
Rasmale’ (Fushidhiggaru Falhu)1 009Eco‑ville, logement pour ~65 000 habitants

En tout, plus de 1 600 hectares sont en cours de création ou planifiés dans cinq grandes poches lagunaires autour de Malé – l’équivalent d’augmenter de près de 5 % la superficie terrestre de l’archipel (estimée à environ 298 km²).

Une ville intelligente, test en grandeur nature

Hulhumalé est aussi le terrain d’expérimentation d’un projet de smart city poussé. Sous la marque SmartCom, Urbanco a déployé un réseau fibre optique en open-access (GPON) couvrant la ville, permettant à plusieurs opérateurs (Dhiraagu, Ooredoo, Medianet, ROL) de proposer leurs services sur une même infrastructure. Plus de 12 000 abonnements sont déjà raccordés, notamment dans les mégaprojets d’habitat social Hiyaa, les appartements de la compagnie électrique STELCO ou ceux de l’autorité aéroportuaire.

Partenariats et Infrastructure

Initiatives clés pour la construction de la première smart city 100% gigabit d’Asie, en collaboration avec Huawei Lanka et Calix.

Infrastructure Numérique

Déploiement d’un parc IT et de services urbains connectés pour une ville intelligente et performante.

Espaces d’Innovation

Création de zones dédiées aux entrepreneurs pour favoriser le développement économique et technologique.

Mobilité Durable

Mise en place d’une mobilité électrique et d’une trame viaire avec voies dédiées pour vélos, bus et voitures.

Mobilier Urbain Intelligent

Installation de poteaux lumineux à basse consommation et de bancs connectés pour améliorer le cadre de vie.

Pour piloter cette mutation, HDC a élaboré avec l’appui du PNUD et de CHÔRA une stratégie 2025‑2030 axée sur trois piliers : urbanisme adaptatif, diversification économique (énergies renouvelables, services numériques) et bonne gouvernance. Des outils de type ERP, des modèles de recouvrement des coûts et des plans pluriannuels de services urbains doivent améliorer la gestion quotidienne, pendant que des réformes de gouvernance misent sur la transparence, des audits indépendants et des mécanismes formels d’écoute des usagers.

Mesurer la qualité de vie : l’index de « liveability »

En 2023, un indice de « vivabilité » a été lancé pour Hulhumalé par HDC et le PNUD, afin de mesurer finement le vécu des habitants. Il repose sur cinq dimensions – bonne gouvernance, durabilité économique, durabilité environnementale, inclusion sociale et innovation technologique – et combine données administratives et perceptions citoyennes (plus de 500 réponses à une enquête). L’outil, accessible sur une plateforme interactive, sert déjà à ajuster certaines priorités, notamment sur les services essentiels comme la gestion des déchets, la maintenance et l’énergie, où des lacunes ont été pointées.

Le gouvernement veut désormais faire de Hulhumalé la capitale financière du pays, en complément de Malé qui garderait le rôle administratif. À pleine capacité, le complexe urbain créerait plus de 90 000 emplois supplémentaires, portant les opportunités d’emploi dans la zone à près de 224 000.

Gouvernement des Maldives

Gulhifalhu : d’île portuaire contestée à future ville résidentielle

À quelques kilomètres de la capitale, Gulhifalhu incarne les tensions extrêmes entre impératifs logistiques, besoins en logements et préservation de l’environnement. Cette île artificielle, située dans l’atoll de Kaafu entre Villimalé et Thilafushi, a été désignée district de la ville de Malé et devait initialement accueillir un nouveau port commercial de grande capacité.

Les objectifs étaient multiples : décharger le Malé Commercial Harbour saturé, absorber la hausse du trafic liée au tourisme et à la croissance démographique, libérer du foncier en centre-ville pour y améliorer les conditions de vie, et développer un hub de logistique intégrant entrepôts, industries légères et distribution. Une composante majeure de logements – qualifiée de « Villimalé 2 » ou de méga‑projet d’habitat – devait également soulager la pression immobilière.

Un projet de remblai record et des capacités portuaires XXL

Le remblai de Gulhifalhu s’est déroulé par phases. La Phase 1, terminée en mars 2021, a créé 42 hectares via le dépôt de 6,5 millions de m³ de sable. La Phase 2, confiée à la société néerlandaise Boskalis, a ajouté 150 hectares en dragant 18 millions de m³, pour une surface cumulée de 192 hectares achevée au printemps 2024. Une Phase 3 prévoit 85 hectares supplémentaires, principalement à vocation résidentielle, pour un total de 277 hectares dans certains bilans globaux de remblai.

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Montant en dollars du prêt accordé par l’Exim Bank of India pour soutenir le projet portuaire.

Environnement, justice et urbanisme : la controverse Gulhifalhu

Le prix écologique de l’opération est considérable. Le remblai a détruit une zone marine protégée – le récif Hans Hass Place (Kiki Reef) – et affecté une trentaine de sites de plongée. Les évaluations d’impact environnemental, complétées par une étude sociale, ont documenté les risques d’atteintes irréversibles aux récifs coralliens, la sédimentation massive, les émissions de gaz à effet de serre du dragage, l’érosion côtière et la baisse de résilience face au climat.

Attention :

Malgré plusieurs mesures environnementales, le projet est critiqué pour un processus de concertation jugé insuffisant. La consultation publique de l’étude d’impact n’a duré que cinq jours pendant la pandémie et le rapport était uniquement en anglais. Une action en justice et une enquête pour corruption ont également mis en cause l’attribution des contrats.

Sur le front social, les critiques ciblent le schéma de densité : plus de 41 000 unités pour 150 000 résidents sont évoquées, avec des espaces verts réduits à 0,85 m² par personne et des équipements scolaires jugés insuffisants. Les inquiétudes portent également sur les effets possibles sur la pêche et le tourisme de proximité.

Requalification : le port ira à Thilafushi, Gulhifalhu deviendrait surtout résidentielle

Face aux polémiques et à la reconfiguration des priorités, l’exécutif a décidé de localiser le principal port à conteneurs sur l’île de Thilafushi, déjà dédiée aux activités industrielles, au traitement des déchets et aux utilités. Gulhifalhu devrait ainsi être réservée en grande partie à l’habitat, tout en conservant un rôle mixte avec des espaces commerciaux.

Bon à savoir :

Selon les données disponibles, 3 640 parcelles ont déjà été attribuées, dont plus de 2 000 dans le cadre du programme gouvernemental « Binnveriya ». Certaines parcelles initialement prévues à Giraavaru pourraient être réaffectées vers Gulhifalhu. Un projet confié à l’entreprise chinoise CMEC prévoit l’équipement de l’île en voirie et réseaux (eau, électricité, assainissement), mais ce projet accuse des retards dès la phase d’études.

Rasmale’, Giraavaru Falhu, Uthuru Thila Falhu : un Grand Malé polycentrique

Autour de Malé, un ensemble de nouvelles villes est en train de naître dans des lagons autrefois exempts de développement lourd. Rasmale’ en est la figure de proue : construite sur le vaste lagon de Fushidhiggaru (plus de 1 000 hectares remblayés), elle doit devenir une « eco‑city » conçue pour 65 000 résidents, avec un accent sur les énergies renouvelables, les transports modernes et la compacité urbaine.

1600

Plus de 1 600 hectares de terre sont gagnés sur la mer dans le Grand Malé pour répondre à la crise du foncier.

Cette constellation de villes et de zones industrielles est appelée à fonctionner comme un système intégré, connecté par un maillage de ponts et de transports collectifs, en particulier le Greater Malé Connectivity Project (GMCP), souvent présenté comme le plus grand projet d’infrastructure de l’histoire du pays.

Ponts et méga‑infrastructures : recoudre l’archipel urbain

La stratégie urbaine maldivienne est indissociable d’une offensive massive sur les infrastructures de transport. Le GMCP – ou Thilamalé Bridge – est au cœur de cette transformation. Long de 6,7 km, il doit relier Malé, Villimalé, Gulhifalhu et Thilafushi. Financé à hauteur de 500 millions de dollars par l’Inde (crédit de l’Exim Bank et dons), il avait déjà consommé plus de 792 millions de rufiyaas d’investissements prévus en 2023 et est avancé à plus de 50 % en 2025, avec un achèvement annoncé pour 2026.

Bon à savoir :

Le pays investit massivement dans la modernisation de ses aéroports. L’aéroport international Velana (VIA) fait l’objet d’une expansion majeure (nouveau terminal, piste, ferme à carburant, capacités cargo doublées) pour environ un milliard de dollars. De plus, l’aéroport de Hanimaadhoo est transformé en hub régional et celui d’Addu voit ses infrastructures rénovées.

Un autre pont, le Hankede Bridge (1,4 km), vient déjà connecter plusieurs îles d’Addu City, financé lui aussi sur une ligne de crédit indienne d’environ 800 millions de dollars couvrant plusieurs projets. À l’échelle du Grand Malé, un réseau de bus publics renforcé, ainsi qu’un projet de « Greater Malé Land Transport Network » avec minibus fiables, vise à fluidifier les déplacements sur Malé, Hulhulé et Hulhumalé.

Enfin, la création d’un système de transport intégré entre Rasmale’, Giraavaru Falhu et Gulhifalhu, portée par le ministère des Transports et la MTCC, illustre la volonté d’articuler ces nouveaux pôles et d’éviter de reproduire le schéma d’une mégacapitale saturée.

La grande offensive sur le logement : entre ambition sociale et risque budgétaire

Depuis plus d’une décennie, l’État maldivien est devenu le premier promoteur immobilier du pays. Une stratégie de logement social de grande ampleur a été mise en place dès 2009, puis consolidée dans le Strategic Action Plan 2019‑2023, qui prévoyait notamment 20 000 nouveaux logements sociaux, un milliard de rufiyaas pour le programme de prêts Gedhoruveriya et une loi sur les baux et copropriétés.

Aujourd’hui, plus de 13 000 unités ont été construites à Hulhumalé au titre de ces programmes, notamment Hiyaa, massif ensemble d’immeubles de grande hauteur. Des prêts à taux réduit (5 %) ont été proposés via la Hiyaavehi Financing Programme pour la construction individuelle, avec des plafonds allant de 1 million de rufiyaas dans les atolls à 6 millions pour le Grand Malé.

Un nouveau projet national pour l’accessibilité au logement

En 2025, le gouvernement a validé un National Housing Affordability and Accessibility Project, destiné à stabiliser et rendre plus accessible le marché du logement. L’idée pivot : faire davantage appel aux capitaux privés, tout en orientant la production vers le logement abordable. Des concessions spécifiques seront accordées aux promoteurs qui construisent à leurs frais des logements à prix maîtrisés. L’État s’engage également à racheter une partie des unités produites pour les allouer à des ménages éligibles sur critères.

10 à 15

Pourcentage du portefeuille de prêts que les banques commerciales doivent consacrer au fonds pour le logement abordable à Malé.

Le budget 2025 illustre cette priorité : 1,5 milliard de rufiyaas sont fléchés vers le logement, 4 milliards de rufiyaas sont mobilisés pour un programme de crédits à 5 % d’intérêt pour devenir propriétaire, tandis que 12,4 milliards alimentent le programme d’investissement public (PSIP) pour corriger les écarts de services entre Malé et les autres îles.

Un modèle à bout de souffle

Mais l’ampleur de l’intervention publique commence à menacer la soutenabilité financière. Selon les chiffres disponibles, environ 1 milliard de dollars de dette extérieure garantie est liée aux programmes de logement social, soit près de 19 % du PIB en 2020. La seule opération Hiyaa représenterait un coût total d’environ 10,5 milliards de rufiyaas (679 millions de dollars), soit près de 1,6 million de rufiyaas par unité, pour un niveau de subvention publique par appartement estimé à 31 800 dollars.

Attention :

Le modèle présente des défauts structurels majeurs : plus de la moitié des contrats à Hulhumalé sont non performants, les procédures de recouvrement et les expulsions sont laxistes, et les gestes de clémence de l’État se multiplient. Le ciblage des bénéficiaires, basé sur des catégories socio-professionnelles et non sur un test de ressources, favorise l’accaparement des allocations par les classes moyennes ou supérieures. De plus, la sous-location illégale d’unités au prix du marché est une pratique répandue.

S’y ajoutent des problèmes de qualité : standardisation insuffisante des conceptions, défaillances de maintenance, infrastructures urbaines incomplètes, qui nourrissent la frustration des habitants. Enfin, le secteur public représente près de 74 % du stock de logements produits en 2020, ce qui tend à évincer l’initiative privée, déjà handicapée par le coût du foncier, la dépendance aux matériaux et à la main-d’œuvre importés, et un marché hypothécaire peu développé.

Vers une réforme systémique du logement

Pour corriger le tir, le gouvernement et la Banque mondiale ont lancé, dans le cadre du Maldives Urban Development and Resilience Project (MUDRP), une vaste étude de réforme des politiques de logement. Une enquête de marché en trois volets est en cours pour analyser la perception du secteur privé, celle du grand public et tester l’acceptabilité de différents scénarios de réforme.

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Le délai actuel de la procédure de titrage en copropriété, que l’on souhaite réduire à six mois.

Les principaux acteurs institutionnels – ministère de la Construction, du Logement et des Infrastructures, ministère des Finances et de la Planification, HDC, Fahi Dhiriulhun Corporation, Bureau des statistiques, ONG, université nationale – participent à ce chantier, avec l’appui technique de la Banque mondiale. L’enjeu est de taille : dans la région de Malé, seuls les 20 % les plus aisés peuvent actuellement espérer accéder à la propriété, dans un marché où le logement le moins cher tourne autour de 1,8 million de rufiyaas (environ 120 000 dollars).

Des villes flottantes aux « sustainable townships » : diversification des formes urbaines

Parallèlement aux poldérisations massives, les Maldives explorent des concepts plus expérimentaux, à commencer par la Maldives Floating City. Pensée comme la première véritable ville insulaire flottante au monde, elle doit se développer sur 200 hectares de lagon, à dix minutes de bateau de Malé et de l’aéroport international. Le plan urbain, inspiré des structures de corail cérébral, prévoit quelque 5 000 unités résidentielles de 100 m², plusieurs milliers de logements, ainsi que des hôtels, restaurants, commerces, une marina, un hôpital, une école et des bâtiments gouvernementaux.

Exemple :

Porté par le cabinet Waterstudio et le développeur Dutch Docklands, ce projet public-privé vise à créer une communauté sans voitures pour 20 000 habitants, privilégiant la marche, le vélo, les canaux et les scooters électriques. Utilisant une technologie de flottaison néerlandaise, il a reçu l’approbation gouvernementale en 2022 après le paiement d’un permis d’un million de dollars. Un îlot pilote de maisons est déjà visible, avec une livraison complète prévue en quatre à cinq ans.

Au‑delà de l’ingénierie, la réussite d’une telle « ville sur l’eau » repose sur la mise en place d’un cadre juridique pour la propriété immobilière flottante, d’un réseau énergétique intelligent, de systèmes intégrés de gestion des déchets, de garanties de sécurité face aux tempêtes, et d’une conception communautaire qui dépasse l’image de simple vitrine touristique.

Bon à savoir :

Le gouvernement prépare le développement de ‘Sustainable Townships’, de grands ensembles urbains intégrés combinant hébergement touristique, résidentiel, santé, éducation et énergies renouvelables. Pour bénéficier d’un taux d’impôt sur le revenu de 5% pendant dix ans (puis 10%), les projets doivent représenter un investissement supérieur à 500 millions de dollars et inclure obligatoirement des établissements d’enseignement, des infrastructures de santé, des dispositifs de sécurité alimentaire et des projets d’énergie verte. Une adaptation de la loi sur les zones économiques spéciales en fournira le cadre légal.

L’idée est de diversifier le modèle touristique, en attirant investisseurs de long terme, résidents permanents, nomades du numérique et visiteurs intéressés par le bien‑être, le tourisme médical ou éducatif. Plusieurs projets listés dans les portefeuilles d’investissement – campus universitaires, hôpitaux spécialisés, agriculture de haute valeur, parcs de loisirs – s’inscrivent dans cette logique.

Résilience climatique, financement vert et gouvernance : les lignes de fracture

Avec plus de 80 % de ses terres situées à moins d’un mètre au‑dessus du niveau de la mer, l’archipel reste l’un des pays les plus exposés au changement climatique, à l’érosion côtière et aux inondations. Les rapports onusiens et les analyses de la Banque mondiale estiment que les dommages économiques liés aux crues côtières pourraient représenter jusqu’à 11 % du PIB d’ici 2050 dans les scénarios d’émissions élevées. Déjà, plus de 80 % des îles subissent une érosion, dont près de 30 considérées comme critiques.

400

C’est la valeur en millions de dollars du service de protection côtière assuré chaque année par la barrière récifale des Maldives.

Plusieurs grands programmes cherchent à concilier cette urbanisation accélérée avec des solutions d’adaptation plus douces. La Banque asiatique de développement finance par exemple un projet de renforcement de la résilience climatique et de la sécurité alimentaire (près de 22 millions de dollars), comprenant la mise à niveau des systèmes d’alerte précoce à Malé et Addu, la restauration de mangroves, la construction de systèmes de drainage des eaux pluviales à Kulhudhuffushi, ou encore le déploiement d’infrastructures de protection côtière hybrides (récifs artificiels, bermes, épis).

Un autre projet, « Building Climate Resilient Safer Islands », soutenu par le Green Climate Fund et la JICA pour plus de 25 millions de dollars de dons GCF et plus de 40 millions de cofinancement, vise à institutionnaliser la gestion intégrée des zones côtières (ICZM), à développer des systèmes de données climatiques et d’alerte, et à promouvoir des solutions fondées sur la nature pour la défense des plages et récifs.

Parallèlement, le rapport climat‑développement (CCDR) de la Banque mondiale recommande de mobiliser de nouveaux instruments de financement : « Climate Finance Hub », marché national du carbone, partenariats public‑privé mieux encadrés, désengagement progressif des subventions aux combustibles fossiles, et obligations pour les resorts de recourir davantage aux renouvelables.

Rapport climat-développement (CCDR) de la Banque mondiale

Toute cette architecture de projets et de financements se heurte cependant à la question de la gouvernance. La feuille de route des Objectifs de développement durable pour les Maldives, soutenue par l’ONU, souligne la nécessité de consolider la décentralisation, de clarifier les cadres juridiques des conseils locaux et d’accroître leurs moyens financiers. Des expériences comme le plan d’action Open Government de la ville de Fuvahmulah (groupe de défenseurs de l’environnement, portail d’engagement citoyen, transparence des marchés publics) montrent à une échelle micro comment les municipalités tentent de s’approprier ces enjeux.

C’est cette tension permanente – entre centralisation et autonomie locale, croissance urbaine et limites écologiques, grands emprunts et soutenabilité budgétaire – qui va déterminer si les projets actuellement sur la table feront des Maldives un archipel de villes résilientes… ou un laboratoire d’expérimentations trop coûteuses pour un État si fragile.

Pourquoi il est préférable de me contacter ? Voilà un exemple concret :

Un chef d’entreprise français d’environ 50 ans, avec un patrimoine financier déjà bien structuré en Europe, souhaitait diversifier une partie de son capital dans l’immobilier locatif aux Maldives pour profiter du dynamisme touristique et d’une exposition en dollars. Budget alloué : 400 000 à 600 000 dollars, sans recours au crédit.

Après analyse de plusieurs atolls et îles-hôtels (Malé Nord, Malé Sud, Ari), la stratégie retenue a consisté à cibler une villa ou une petite guesthouse sur une île ouverte au tourisme local, combinant rendement locatif brut cible de 8–10 %plus le rendement est grand, plus le risque est important – et potentiel de valorisation à moyen terme, pour un ticket global (acquisition + frais + aménagements) d’environ 500 000 dollars. La mission a inclus : sélection de l’île et du quartier, mise en relation avec un réseau local (agent, avocat, fiscaliste), choix de la structure (propriété directe, partenariat local, leasing foncier) et plan de diversification dans le temps, afin de maîtriser les risques juridiques, fiscaux et opérationnels.

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A propos de l'auteur
Cyril Jarnias

Expert en gestion de patrimoine internationale depuis plus de 20 ans, j’accompagne mes clients dans la diversification stratégique de leur patrimoine à l’étranger, un impératif face à l’instabilité géopolitique et fiscale mondiale. Au-delà de la recherche de revenus et d’optimisation fiscale, ma mission est d’apporter des solutions concrètes, sécurisées et personnalisées. Je conseille également sur la création de sociétés à l’étranger pour renforcer l’activité professionnelle et réduire la fiscalité globale. L’expatriation, souvent liée à ces enjeux patrimoniaux et entrepreneuriaux, fait partie intégrante de mon accompagnement sur mesure.

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