Comment le boom touristique rebat les cartes du marché immobilier en Corée du Sud

Publié le et rédigé par Cyril Jarnias

Le retour massif des voyageurs en Corée du Sud ne se mesure plus seulement au remplissage des vols ou aux files devant les palais royaux. Il se lit désormais dans les prix au mètre carré à Séoul, les rendements des résidences de marque à Jeju ou Gangwon-do, la multiplication des Airbnb à Busan, ou encore dans les débats politiques sur la régulation des locations de courte durée. Tourisme et immobilier sont devenus intimement liés, au point que chaque choc sur l’un se répercute sur l’autre.

Exemple :

L’article analyse l’impact de la dynamique touristique sur le marché immobilier sud-coréen, en examinant ses effets différenciés selon les quartiers et les segments de marché. Il intègre notamment les exemples emblématiques de l’île de Jeju et de la ville portuaire de Busan, ainsi que l’émergence de la nouvelle vague des résidences « brandées », qui associent un nom de marque prestigieux à un projet immobilier.

Un tourisme en plein rebond qui pèse lourd dans l’économie

Avant d’entrer dans le détail immobilier, il faut mesurer l’ampleur du phénomène touristique. En 2019, le voyage et le tourisme représentaient déjà 4,2 % du PIB de la Corée du Sud et 4,8 % de l’emploi total. Après la parenthèse du COVID-19, la reprise est spectaculaire.

En 2024, le pays a accueilli 16,37 millions de visiteurs étrangers, soit 94 % du pic pré-pandémie, avec une hausse de 48 % par rapport à 2023. Les principaux marchés restent la Chine, le Japon, Taïwan et les États-Unis, même si la part de la Chine a reculé par rapport à 2016, tandis que des marchés comme les États-Unis, Taïwan ou Singapour surperforment désormais leurs niveaux de 2019.

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L’industrie touristique sud-coréenne a généré 24,4 trillions de wons de revenus en 2023, soit environ 90,9 % du niveau d’avant la pandémie.

Les prévisions sont clairement orientées à la hausse : le marché du tourisme coréen est estimé à 41,8 millions de dollars en 2025, avec une croissance attendue jusqu’à 91 millions en 2035 (TCAC de 8,1 %). L’essentiel de cette demande est domestique, avec un poids prévu de 66,5 % en 2025, mais le pari politique reste d’atteindre 30 millions de touristes étrangers à l’horizon 2027.

Cette montée en puissance a des effets mécaniques sur la pierre : hausse de la demande d’hébergements, multiplication des acteurs (hôtels, locations saisonnières, résidences de marque), tensions sur les loyers dans les quartiers touristiques, et afflux de capitaux, notamment étrangers.

Le mécanisme : comment le tourisme fait monter les prix de l’immobilier

Les économistes décrivent un canal de transmission relativement clair entre tourisme et immobilier. Une augmentation de la demande touristique entraîne un surcroît de consommation de biens liés au voyage et surtout de services d’hébergement. Ce supplément de demande sur le marché locatif pousse les loyers à la hausse. Des loyers plus élevés attirent à leur tour des investisseurs et entrepreneurs qui achètent des logements pour les mettre en location (souvent de courte durée), ce qui renchérit les prix d’acquisition et réduit l’offre disponible pour les résidents.

Les effets peuvent être directs, via une compétition frontale entre touristes et habitants pour les mêmes logements (studios, petits appartements, quartiers centraux), ou indirects, via la valorisation des aménités touristiques (paysages, patrimoine, accessibilité) qui se « capitalisent » dans les prix immobiliers.

Bon à savoir :

Dans les économies fortement dépendantes du tourisme, comme l’Islande, les variations de la demande touristique influencent significativement les prix du logement. Des études indiquent que la croissance de la plateforme Airbnb a contribué à environ 2 % d’augmentation annuelle des prix réels sur trois ans, représentant près de 15 % de la hausse totale sur cette période.

La Corée du Sud n’est pas Islande, mais le mécanisme est similaire dans les zones très touristiques : Séoul intra-muros, Busan littorale, Jeju, régions de montagne comme Gangwon-do, ou encore certains quartiers historiques de hanok. À mesure que les arrivées repartent à la hausse, la question n’est plus de savoir si le tourisme influence l’immobilier, mais dans quelle mesure et à quels endroits les tensions deviennent problématiques pour les habitants.

Séoul : quand les nuits Airbnb se reflètent sur le mètre carré

La capitale concentre à la fois la majorité des flux touristiques internationaux et la partie la plus tendue du marché immobilier. Selon les données disponibles, la Corée du Sud comptait environ 113 969 annonces Airbnb actives à un moment donné, dont à peine 5 % mentionnaient un numéro de licence. Fin 2024, on recense environ 72 400 annonces actives dans tout le pays, dont près de la moitié sont des appartements ou officetels – alors même que ces derniers sont en principe classés comme bâtiments commerciaux et ne sont pas censés être utilisés légalement pour de la location touristique de courte durée.

À Séoul, en avril 2023, 13 945 annonces Airbnb étaient actives, avec une concentration extrême dans quelques arrondissements : plus de 8 000 annonces dans les seuls Mapo-gu, Gangnam-gu, Yongsan-gu, Jung-gu et Jongno-gu. Mapo-gu à lui seul dépassait 2 900 annonces, et le quartier de Seogyo-dong culminait à 628 hébergements.

Dans certains hotspots touristiques de Séoul, une annonce type serait réservée en moyenne 296 nuits par an, avec un taux d’occupation médian d’environ 81 %. Autrement dit, pour une partie non négligeable du parc résidentiel, la vocation principale n’est plus l’habitation permanente mais le tourisme.

Effets mesurés sur les prix et les loyers

Des travaux académiques menés sur Séoul mettent en lumière ce lien. En croisant l’évolution des prix de vente, des loyers et le nombre d’annonces Airbnb par quartier légal (dong), les chercheurs observent :

Astuce :

L’effet Airbnb sur le marché immobilier de Séoul varie selon le type de bien et les quartiers. Pour les appartements, les effets sont marqués à Mapo-gu et Gangnam-gu, avec une élasticité supérieure à 1 à Hannam-dong. Pour les officetels, l’impact est visible dans les zones à forte densité comme Seocho-dong, Bangbae-dong, Jamsil-dong, Guro-dong ou Bongcheon-dong. Pour les maisons multifamiliales, les tensions sont nettes à Mapo-gu, Yongsan-gu et Gangnam-gu, notamment dans des quartiers comme Mangwon-dong, Hapjeong-dong ou Itaewon-dong. Concernant les loyers, l’effet est sensible pour les appartements dans certains secteurs de Mapo-gu, avec une élasticité dépassant 1 à Hoehyeon-dong 1-ga. Pour les loyers d’officetels, la hausse se concentre dans le « triangle d’or » Gangnam–Seocho–Songpa. Pour les loyers de maisons multifamiliales, les signaux les plus forts apparaissent à Mapo-gu, par exemple à Sangsu-dong, où l’élasticité dépasse 1.

Onze quartiers légaux ressortent comme particulièrement sensibles, cumulant des effets significatifs dans quatre catégories d’analyse ou plus : Sangsu-dong, Samseong-dong, Guro-dong, Bangbae-dong, Seocho-dong, Cheongdam-dong, Yangjae-dong, Dapsimni-dong, Hwayang-dong, Munjeong-dong et Seongsan-dong.

Attention :

Dans les micro-territoires, l’essor des locations touristiques amplifie les tensions sur des marchés immobiliers déjà sous pression. À Séoul, le prix de vente moyen des appartements atteint 13,396 millions de wons par mètre carré, soit plus de 2,3 fois la moyenne nationale. Dans des arrondissements phares comme Gangnam-gu, les estimations avoisinent même 25 millions de wons/m².

Un marché locatif sous pression

Sur le marché des loyers, la tension est tout aussi évidente. L’indice intégré des loyers progressait d’environ 1,20 % sur un an en mars 2025, avec des hausses plus marquées en Incheon (3,8 %), Séoul (2,7 %) et Gyeonggi (2,1 %). Les appartements affichaient une hausse de loyer de 1,65 % sur un an, dans un contexte où, en 2019, déjà 42 % des ménages coréens étaient locataires.

Le système jeonse (gros dépôt sans loyer mensuel) et wolse (loyer avec dépôt) structure fortement ce marché : environ 30 % des ménages relèvent de jeonse, 14 % de wolse, le reste étant propriétaire occupant. Des contrats qui durent généralement deux ans, mais que la pression touristique peut rendre plus difficiles à renouveler pour les ménages aux revenus modestes dans les zones touristiques.

Airbnb, réglementation et bascule du modèle

Le contraste entre la loi et la réalité est spectaculaire : fin 2024, sur les 72 400 annonces environ recensées dans tout le pays, seules 7 200 étaient officiellement enregistrées, soit près de 80 % d’« illégales » ou au mieux grises. Les studios et officetels sont très prisés des voyageurs car moins chers que l’hôtel, équipés (cuisine, machine à laver) et proches des quartiers animés, mais la loi les considère comme actifs commerciaux, non comme logements destinés à de la location d’habitation de courte durée.

Nouvelles réglementations Airbnb en Corée du Sud

Le gouvernement sud-coréen renforce le cadre légal pour les locations touristiques à partir de fin 2024, avec des échéances clés pour les propriétaires et les plateformes.

Numéro de licence obligatoire

À partir de fin 2024, toute nouvelle annonce Airbnb doit obligatoirement afficher un numéro de licence d’hébergement pour être publiée.

Mise en conformité des annonces existantes

Les annonces déjà en ligne ont jusqu’à fin 2025 pour se mettre en règle et ajouter leur numéro de licence, sous peine de retrait de la plateforme.

Restriction pour studios et officetels

À compter d’octobre 2025, la majorité des studios et officetels (bureaux-résidences) ne pourront plus être proposés à la location sur Airbnb.

Blocage des réservations non conformes

Dès octobre 2025, les réservations seront automatiquement bloquées pour tout hébergement non immatriculé officiellement en tant qu’entreprise.

Ces hébergeurs doivent désormais s’enregistrer comme « maisons d’hôtes urbaines » au titre de la loi sur la promotion du tourisme, respecter le code de la construction, s’acquitter de la TVA et de l’impôt sur le revenu, et disposer d’une immatriculation commerciale en bonne et due forme.

Pour les investisseurs qui s’étaient positionnés sur des officetels « Airbnb-friendly », la donne change radicalement : soit ils basculent dans le marché locatif classique, soit ils contournent les plateformes par des réservations directes (sites privés, réseaux sociaux, plateformes spécialisées dans les séjours mensuels), au risque de rester en zone de non-droit. Pour les quartiers les plus exposés, une partie de la pression sur les loyers pourrait se desserrer à moyen terme, à l’image de Los Angeles où des études ont montré une baisse des loyers après durcissement de la régulation des locations saisonnières.

Jeju : vitrine des excès et des opportunités d’un tourisme insulaire

Jeju est sans doute le cas le plus emblématique d’une île qui a fait du tourisme son moteur, avec des retombées massives sur le foncier. L’île a dépassé le million de visiteurs domestiques annuels dès les années 1970, franchi la barre des 5 millions vers 2005, et s’est stabilisée ces dernières années autour de 11 à 13 millions de visiteurs par an. En 2023, elle a accueilli 13,34 millions de touristes, essentiellement coréens (94,7 % des 12,63 millions de visiteurs recensés étaient domestiques).

Un marché de la location courte durée en pleine effervescence

Cette attractivité se retrouve dans les chiffres du marché de la location saisonnière : plus de 12 600 ventes liées aux locations de courte durée ont été enregistrées au premier semestre 2024, et le nombre d’annonces Airbnb a progressé de 8 % en un an pour atteindre 20 092 hébergements. Les taux d’occupation moyens tournent autour de 42 %, avec un prix journalier d’environ 101 dollars et un revenu mensuel potentiel estimé à 4 080 dollars.

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Il s’agit du montant en milliards de dollars investi dans le projet Jeju Shinhwa World, illustrant l’ampleur des développements hôteliers et résidentiels de luxe sur l’île.

Une flambée des prix alimentée par les touristes et les investisseurs étrangers

Les chiffres illustrent la vitesse de la hausse :

les prix de l’immobilier résidentiel sur l’île ont augmenté de 10 % en 2023, soit plus du double de la moyenne nationale ;

la valeur foncière de Jeju a pris 40 % entre 2012 et 2016, et certaines zones comme Seogwipo ont vu leurs prix grimper de 150 % entre 2000 et 2010 ;

– le prix moyen au mètre carré pour un logement tourne autour de 5 millions de wons, avec des primes importantes pour les secteurs littoraux : Jeju City, Seogwipo, Jungmun-dong ou la côte sud-ouest.

Les loyers suivent la même tendance : plus de 5 000 transactions locatives ont été enregistrées en 2024, avec une hausse moyenne de 3 % des loyers d’appartements et un dépôt moyen autour de 59,9 millions de wons en juillet 2024.

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Entre 2011 et 2014, la propriété chinoise sur l’île de Jeju a augmenté de 483,7 %.

Les programmes d’immigration par investissement immobilier ont renforcé ce mouvement. Depuis 2010, un étranger qui investit dans des installations touristiques ou récréatives à hauteur d’un certain seuil (initialement 500 000 dollars, relevé ensuite à plus d’un milliard de wons) peut obtenir un visa F-2, puis un permis de résidence permanente F-5 après cinq ans. Le système, prolongé jusqu’en 2026, a attiré des investissements massifs : 860 milliards de wons sur les six premiers mois de 2014, et 29 milliards de wons en 39 transactions rien qu’en 2023.

Tensions locales et virage vers un tourisme plus soutenable

Cette montée en gamme n’est pas sans conséquences. Dans les secteurs balnéaires très prisés ou à proximité de zones naturelles protégées, les prix s’envolent plus vite que les revenus locaux, ce qui pousse certains ménages à s’éloigner vers l’intérieur de l’île, où les valeurs immobilières sont plus faibles mais en déclin. La proportion de biens vendus avec des montages de leaseback (vente avec rétrocession locative) a atteint 18 % en 2024, signe que l’investissement locatif domine largement.

Exemple :

Face aux risques de saturation et de rejet, l’île de Jeju a mis en place une stratégie de repositionnement. Cela inclut la lutte contre les prix abusifs (baisses des tarifs hôteliers en semaine sous 100 000 wons et réduction du prix de certains plats typiques de 70 000 à 30 000 wons), la mise en place de bons touristiques régionaux, le soutien au ‘workation’ (avec plus de 10 000 personnes en télétravail sur l’île en 2023) et la promotion de séjours plus longs et responsables.

L’île se positionne également comme laboratoire de la transition écologique, avec la stratégie « Carbon-Free Island JEJU by 2030 », un urbanisme smart city, des hébergements éco-conçus et une politique de protection du gotjawal (forêt primaire) via des fonds de conservation. Mais la tension entre valorisation touristique et droit au logement reste forte, notamment à mesure que les risques de montée des eaux et d’érosion (4,26 mm par an de hausse du niveau de la mer, 1 m de recul du littoral tous les dix ans) poussent certains acheteurs à privilégier l’intérieur plutôt que les zones côtières les plus exposées.

Busan : une ville-port où le tourisme recompose les quartiers

Busan offre un autre visage de l’impact touristique : celui d’une grande métropole côtière, deuxième ville du pays, où les plages, le port, la culture et le commerce forment un écosystème très attractif pour les visiteurs… et pour les investisseurs immobiliers.

Le nombre de touristes étrangers a explosé ces dernières années : 482 000 en 2022 (contre 152 000 en 2021), puis plus de 2,9 millions en 2023, soit une hausse de 60,9 % et même supérieure au record de 2019 (2,687 millions). La reprise est décrite comme « abrupte », avec un retour aux niveaux pré-pandémie dès le printemps 2024.

Un marché locatif court terme très dynamique

Ce boom se reflète dans le développement des locations de courte durée. En septembre 2024, Busan comptait 7 997 annonces Airbnb actives, louées en moyenne 223 nuits par an, avec un taux d’occupation de 61 % et un tarif quotidien d’environ 101 903 wons (près de 90 dollars). En mai 2024, 132 300 nuitées y ont été réservées via la plateforme.

Bon à savoir :

Les rendements générés sont suffisamment attractifs pour capter l’attention des investisseurs, y compris étrangers. Certains quartiers cumulent en effet tous les atouts recherchés : vue mer, proximité des plages, vie nocturne animée, bonnes connexions de transport et une image touristique forte.

Des quartiers littoraux devenus produits d’investissement

Haeundae-gu, avec sa plage emblématique et son front de mer densément construit, illustre cette transformation. Longtemps zone balnéaire populaire, le secteur est devenu l’un des plus chers du pays : un appartement de deux chambres peut y dépasser le million de dollars, et certains gratte-ciel résidentiels sur front de mer (Haeundae I’Park, Marine City) s’échangent au-delà de 1,5 million de dollars. Les rendements locatifs y sont de l’ordre de 3 à 4 %, légèrement supérieurs à ceux des quartiers centraux de Séoul, mais la valeur repose de plus en plus sur l’attractivité touristique et la rareté foncière.

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Le festival de feux d’artifice de Gwangalli à Busan attire plus d’un million de visiteurs.

Des quartiers comme Nampo-dong (commerces, marchés, festivals) ou Seomyeon (nœud commercial et de transport, très fréquenté par les jeunes) profitent davantage d’un tourisme urbain et de shopping, mais subissent la même logique : hausse des loyers commerciaux, très forte fréquentation piétonne, développement de concept stores, cafés de destination, et émergence de ce que les acteurs locaux appellent des « quartiers commerciaux 365 jours », où le flux conjugué de résidents, salariés et touristes garantit une activité continue. Pour les investisseurs, ces micro-zones offrent des rendements attractifs sur les commerces de rez-de-chaussée, mais renforcent aussi la pression sur les loyers commerciaux pour les petites enseignes locales.

Polarisation : les gagnants du tourisme et les quartiers à la traîne

L’impact du tourisme sur l’immobilier busanais n’est toutefois pas homogène. Des districts comme Centum City – devenu centre financier et d’affaires, avec des bureaux, des centres commerciaux et des résidences haut de gamme – voient leurs prix de l’immobilier flamber, bien au-delà de la moyenne nationale, soutenus par la stratégie publique qui en fait un pôle d’excellence.

Attention :

À Busan, des districts comme Sasang-gu (logistique) et Jung-gu (patrimoine) voient leurs prix baisser en 2024 en raison d’infrastructures vieillissantes et d’un manque d’investissements. Même Yeongdo-gu, malgré ses paysages et son projet culturel (Huinnyeoul Culture Village), ne parvient pas à stabiliser son marché immobilier, notamment à cause d’un accès difficile. Le tourisme ne profite donc pas uniformément à tous les territoires.

La perspective de grands événements – comme la candidature à l’Expo 2030, adossée à de grands projets comme le réaménagement du port nord de Busan ou le tramway C-Bay Park – est déjà intégrée par certains investisseurs qui anticipent une revalorisation des secteurs concernés. Là encore, l’expérience internationale montre que les infrastructures touristiques et de transport (tramways, métros, lignes express) se traduisent presque systématiquement par des hausses de prix à proximité, comme l’a illustré en son temps l’ouverture de la ligne 5 du métro de Séoul, qui avait entraîné des gains de 17 % sur les maisons individuelles et 46 % sur les condominiums en trois ans dans les secteurs desservis.

La montée en puissance des résidences de marque : un produit façonné par le tourisme

La Corée du Sud s’inscrit aussi pleinement dans la vague mondiale des résidences de marque (branded residences), ces programmes résidentiels associés à une enseigne hôtelière ou de luxe, qui promettent services 5 étoiles, gestion locative et prestige. À l’échelle mondiale, ce segment a connu une croissance de plus de 150 % en une décennie et devrait dépasser les 1 000 projets d’ici 2030. En Asie-Pacifique, plus de 150 projets sont déjà livrés, et autant sont en développement.

Exemple :

En Corée du Sud, le développement de la copropriété hôtelière a débuté en 2008 avec The Ananti Hotel. Des groupes locaux (Lotte, Hanwha Resorts) ont ensuite adopté ce modèle, suivi par des chaînes internationales (Marriott, Banyan Tree, Capella, Accor, Hilton). Leur modèle économique est conçu pour capter la valeur touristique, combinant l’usage par les propriétaires et la location saisonnière à une clientèle diversifiée : touristes nationaux aisés, touristes médicaux et clientèle internationale.

Les données disponibles indiquent que les résidences de marque se vendent en moyenne avec une prime de 35 % sur des produits comparables non brandés dans le même secteur, et ce différentiel peut grimper à 70 % sur des marchés émergents. En Corée du Sud, cette prime est particulièrement marquée dans les destinations de villégiature : à Jeju, le prix bâti au mètre carré atteint environ 15 084 dollars en moyenne, mais les résidences de marque se négocient jusqu’à quatre fois ce niveau ; à Gangwon-do, région très touristique pour ses montagnes et ses stations de ski, les programmes brandés atteignent six fois le prix moyen local. À titre de comparaison, Séoul affiche le prix bâti le plus élevé du pays, avec 28 713 dollars le mètre carré.

Ces résidences sont clairement un produit d’investissement touristique. Elles offrent aux propriétaires la possibilité de confier la gestion locative à une enseigne hôtelière, de bénéficier de services d’entretien et de conciergerie, tout en jouissant de leurs séjours personnels. Du point de vue des destinations, elles dopent les recettes touristiques et la valeur foncière, mais elles accentuent aussi la gentrification et la raréfaction du logement accessible pour les habitants, notamment lorsqu’elles se substituent à des logements traditionnels.

Tourisme intérieur, MZ et nouvelles attentes : une pression diffuse mais continue

Il serait réducteur de n’analyser l’impact touristique sur l’immobilier qu’à travers le prisme des visiteurs étrangers. La majorité du marché repose sur les déplacements des Coréens eux-mêmes. En 2015, quelque 238,3 millions de personnes ont effectué des voyages domestiques (incluant les excursions à la journée), pour une dépense totale de 14,4 trillions de wons en 2014. Les voyages à l’étranger des Coréens ont aussi explosé, mais la crise sanitaire a réorienté une bonne partie des dépenses vers le territoire national.

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Les recherches de campings ont bondi de 54 % sur T-map en 2021, illustrant l’engouement de la génération MZ pour ce type de séjour.

Cette vague modifie notamment les marchés de Jeju, Busan, Gangwon-do, mais aussi des villes moyennes et des zones rurales pittoresques. Dans certains villages de hanok, l’afflux de visiteurs séduits par les maisons traditionnelles converties en cafés, boutiques ou maisons d’hôtes provoque une hausse rapide des prix, une transformation du tissu commercial et le départ progressif de familles qui ne se reconnaissent plus dans les lieux.

Les capitaux étrangers : opportunités, spéculation et débat public

Parallèlement à la demande touristique, les capitaux étrangers se renforcent sur le marché immobilier coréen. Sur les cinq dernières années, le nombre de propriétaires étrangers est passé de 153 083 à 232 951, soit une hausse de 52,2 %, et le nombre de pays représentés a grimpé de 101 à 121. Au premier semestre 2024, les étrangers détenaient 95 058 biens résidentiels, en hausse de 8,98 % sur un an.

Bon à savoir :

Près de 70% des propriétés résidentielles détenues par des non-Coréens se concentrent dans la région capitale (Gyeonggi 36%, Séoul 23%, Incheon 10%). Les principaux détenteurs sont les Chinois (56% du stock), suivis des Américains (22%), des Canadiens (7%) et des Taïwanais (3%). On observe également une hausse des acquisitions par des ressortissants d’Asie du Sud-Est (Vietnam, Myanmar, Laos) et d’Asie centrale (Ouzbékistan, Kazakhstan), liée à l’arrivée de travailleurs migrants et de parents finançant des études.

Sur le segment du luxe, les étrangers représentent plus de 10 % des acheteurs en 2024, sur un marché qui devrait passer de 43,56 milliards de dollars en 2024 à 70,18 milliards en 2029. Dans le même temps, les investissements étrangers dans l’immobilier commercial coréen atteignaient 2,3 milliards de dollars en 2023, soit une hausse de 23 % par rapport à la moyenne des trois années précédentes, et les investissements directs étrangers dans la pierre ont progressé de 20 % au premier semestre 2024.

Certains économistes, comme le professeur Kwon Dae-Jung de l’université Sogang, plaident pour une réglementation plus fine des acheteurs non-résidents, afin d’éviter qu’ils ne contournent les règles anti-spéculation imposées aux nationaux.

Professeur Kwon Dae-Jung, Université Sogang

Entre croissance touristique et droit au logement : quelles pistes de rééquilibrage ?

Les tensions observées en Corée – flambée des loyers dans certains quartiers, gentrification, ressentiment face à des programmes de luxe tournés vers les visiteurs plutôt que vers les habitants – ne sont pas uniques. Barcelone, Lisbonne, Venise, New York ou encore les îles Canaries ont connu les mêmes débats, allant parfois jusqu’à des moratoires sur les nouveaux logements touristiques ou à des taxes spécifiques pour financer du logement abordable.

Si la Corée du Sud n’a pas encore engagé de virage aussi radical, plusieurs leviers se dessinent ou pourraient être envisagés à la lumière des expériences étrangères :

Astuce :

Pour atténuer les effets négatifs du tourisme de masse, plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre. Il s’agit de renforcer et simplifier la régulation des locations de courte durée (clarifier les biens autorisés, instaurer des quotas par quartier, limiter les jours de location, exiger la transparence des plateformes). Une fiscalité dédiée, comme des taxes de séjour renforcées ou des surtaxes sur les résidences secondaires de luxe, peut financer des fonds pour le logement abordable. La programmation urbaine inclusive peut conditionner les grands projets touristiques à la création de logements à loyers maîtrisés. Il est crucial d’associer les communautés locales à la définition des plans de développement pour préserver le tissu social. Enfin, une gestion saisonnière et une décentralisation de la demande, via des politiques de prix et de transport, permettent de réduire la pression sur les zones saturées et de mieux répartir les retombées économiques.

La Corée dispose d’un atout majeur : une tradition de planification centralisée, une capacité d’investissement public importante, et un secteur du tourisme déjà structuré autour d’objectifs qualitatifs (tourisme de bien-être, gastronomie, contenus K-culturels, tourisme numérique). L’enjeu sera de faire converger ces ambitions avec une politique du logement qui ne laisse pas les classes moyennes et populaires sur le bord de la route, en particulier dans les villes et régions que le tourisme met sous les projecteurs.

Conclusion : un équilibre fragile à inventer

L’impact du tourisme sur le marché immobilier en Corée du Sud ne se résume ni à une simple « bonne nouvelle » pour les investisseurs, ni à une catastrophe uniforme pour les habitants. Il dessine plutôt une géographie contrastée : certains quartiers de Séoul où Airbnb joue déjà un rôle mesurable dans la hausse des prix, des littoraux comme Busan ou Jeju où les résidences touristiques redessinent les paysages urbains et sociaux, des régions de villégiature où les résidences de marque battent des records de prix, et des pans entiers du territoire qui restent à l’écart de cette manne.

Attention :

La croissance touristique et l’afflux de capitaux dans l’immobilier soulèvent la question cruciale de la répartition des bénéfices. Cette « prime touristique », visible dans les loyers et les valeurs foncières, nécessite des choix politiques clairs, des ajustements fiscaux et réglementaires, ainsi qu’une vigilance sur la soutenabilité sociale et environnementale du modèle, où économie de l’hospitalité et du logement sont désormais liées.

Pourquoi il est préférable de me contacter ? Voilà un exemple concret :

Un chef d’entreprise français d’environ 50 ans, avec un patrimoine financier déjà bien structuré en Europe, souhaitait diversifier une partie de son capital dans l’immobilier résidentiel en Corée du Sud pour rechercher du rendement locatif et une exposition au won sud-coréen. Budget alloué : 400 000 à 600 000 dollars, sans recours au crédit.

Après analyse de plusieurs marchés (Séoul, Busan, Incheon), la stratégie retenue a consisté à cibler un appartement dans un immeuble récent situé dans un quartier en croissance de Séoul ou Busan, combinant un rendement locatif brut cible autour de 7–8 % « plus le rendement est grand, plus le risque est important » et un potentiel de valorisation à moyen terme, avec un ticket global (acquisition + frais + éventuels rafraîchissements) d’environ 500 000 dollars. La mission a inclus : sélection du marché et du quartier, mise en relation avec un réseau local (agent immobilier, avocat, fiscaliste), choix de la structure d’investissement la plus adaptée (propriété directe ou véhicule dédié) et définition d’un plan de diversification internationale dans le temps.

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A propos de l'auteur
Cyril Jarnias

Expert en gestion de patrimoine internationale depuis plus de 20 ans, j’accompagne mes clients dans la diversification stratégique de leur patrimoine à l’étranger, un impératif face à l’instabilité géopolitique et fiscale mondiale. Au-delà de la recherche de revenus et d’optimisation fiscale, ma mission est d’apporter des solutions concrètes, sécurisées et personnalisées. Je conseille également sur la création de sociétés à l’étranger pour renforcer l’activité professionnelle et réduire la fiscalité globale. L’expatriation, souvent liée à ces enjeux patrimoniaux et entrepreneuriaux, fait partie intégrante de mon accompagnement sur mesure.

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