Le tourisme n’est plus seulement une affaire d’hôtels, de musées et de terrasses bondées. Depuis une quinzaine d’années, il pèse de plus en plus lourd sur la façon dont les Belges se logent, où les investisseurs achètent, et combien les locataires paient leur loyer. Entre plateformes comme Airbnb, essor des city-trips et explosion des séjours domestiques, la frontière entre hébergement touristique et logement classique devient poreuse, surtout dans les grandes villes.
La pression touristique est forte en Région de Bruxelles-Capitale, sur la côte, dans les Ardennes et les grandes villes flamandes. Cette dynamique, mesurée en nuitsées, recettes et rendements locatifs, soulève une question cruciale : l’accessibilité et le coût du logement pour les résidents au cœur de ces zones.
Un poids économique considérable… qui se répercute sur la pierre
Avant d’entrer dans le détail des effets sur l’immobilier, il faut mesurer l’ampleur économique du tourisme en Belgique. Les données récentes montrent un secteur en pleine phase de rattrapage post-Covid, voire de dépassement des niveaux d’avant crise.
La contribution directe et indirecte des voyages et du tourisme au PIB belge a atteint 32 milliards d’euros en 2023.
Le volume de nuitées reflète cette montée en puissance. En 2024, le pays a enregistré 44,8 millions de nuitées toutes catégories confondues. La clientèle domestique représente une fraction importante : les Belges eux‑mêmes sont désormais le premier marché, devant les Néerlandais, Français et Allemands.
La demande massive de logements temporaires, alimentée par la croissance touristique et les plateformes numériques, s’ajoute à la pression démographique sur le marché résidentiel, créant une tension structurelle sur l’immobilier.
Une demande touristique de plus en plus concentrée
Les chiffres disponibles montrent à quel point certains territoires concentrent les flux. Flanders, Wallonie et Région de Bruxelles-Capitale se partagent la compétence tourisme, mais l’attractivité n’est pas uniforme.
| Région | Part des touristes internationaux (2016) | Part des visiteurs domestiques (2016) |
|---|---|---|
| Flandre | 49,2 % | 59,9 % |
| Région de Bruxelles-Capitale | 37,8 % | 14,7 % |
| Wallonie | 13 % | 25,5 % |
Les grandes « villes d’art » – Bruxelles, Bruges, Anvers, Gand, Louvain, Malines – captent une large part des séjours urbains, auxquelles s’ajoutent les pôles « nature » (Ardennes, Campine) et la côte. Cette concentration renforce mécaniquement la pression sur le foncier et le logement dans ces zones, surtout lorsque la croissance du parc de logements ne suit plus le rythme.
Bruxelles, laboratoire de l’effet Airbnb sur les loyers
La Région de Bruxelles-Capitale est de loin le territoire le plus documenté en matière de liens entre tourisme, plateformes de location de courte durée et marché immobilier. Les travaux menés par la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et l’ULB permettent de quantifier, au moins partiellement, le phénomène.
Une explosion de l’offre de locations touristiques
Avant la pandémie, les données issues de bases comme Inside Airbnb ou AirDNA montraient une montée en flèche des annonces de courte durée à Bruxelles. Le nombre d’annonces actives est passé d’environ 6 500 en 2015 à plus de 12 000 en 2017, un niveau qui s’est maintenu jusqu’en 2019. La crise sanitaire a ensuite fait chuter l’offre vers 9 000 logements, puis autour de 7 700 en 2022, sans retour clair à la tendance d’avant‑Covid.
Les estimations varient sur le nombre exact de logements soustraits au marché locatif classique à cause d’Airbnb et consorts, mais elles se situent dans le même ordre de grandeur :
| Source / étude | Logements retirés du marché locatif bruxellois | Part estimée du parc locatif total |
|---|---|---|
| Recherche VUB | ≈ 5 000 logements | ≈ 1 % |
| Institut bruxellois de Statistique (BISA) | ≥ 2 400 logements | ≈ 0,7 % |
En apparence, ces pourcentages peuvent sembler modestes. Mais dans un marché où la pénurie se joue souvent à la marge – file d’attente de plusieurs dizaines de candidats par logement, temps d’attente de plus de quatre ans pour un logement social – retirer 0,7 à 1 % de l’offre peut suffire à déclencher une spirale haussière des loyers dans certains quartiers.
Des hausses de loyers mesurables, quartier par quartier
Les chercheurs bruxellois ont précisément examiné l’évolution des loyers entre 2016 et 2018 en fonction de la densité d’annonces Airbnb dans les quartiers. Leur conclusion est nette : l’augmentation locale de l’offre de locations touristiques s’accompagne d’une hausse significative des loyers, même en tenant compte de l’inflation.
Pour chaque annonce Airbnb supplémentaire pour 100 logements, le loyer moyen augmente de ce pourcentage au‑dessus de l’inflation.
Les mécanismes à l’œuvre sont doubles. D’une part, chaque logement converti en hébergement touristique réduit l’offre disponible pour les ménages, ce qui renchérit le marché. D’autre part, l’intensification de la fréquentation touristique peut augmenter l’« attractivité » perçue d’un quartier – cafés, commerces, ambiance « branchée » – incitant propriétaires et investisseurs à ajuster les loyers à la hausse.
Fait intéressant, l’étude montre que l’effet sur les loyers est comparable qu’il s’agisse d’hôtes occasionnels ou de gestionnaires professionnels. C’est la densité globale d’annonces qui compte davantage que le profil individuel du propriétaire.
Qui paie la facture ? Des classes moyennes sous pression
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer en regardant certains exemples américains, la hausse des loyers ne touche pas seulement les ménages les plus aisés. Aux États‑Unis, une étude de la Wharton School avançait que l’impact d’Airbnb se concentre surtout sur les locataires diplômés, à hauts revenus, qui se logent dans des quartiers très denses en services et en loisirs, en concurrence directe avec les touristes.
À Bruxelles, la pression des plateformes de location courte durée touche principalement les quartiers de classes moyennes et moyennes inférieures, plus que les quartiers les plus pauvres. Les zones comme le Pentagone, Ixelles, Saint-Gilles et Etterbeek sont particulièrement concernées car elles combinent trois atouts : une bonne desserte en transports, une offre culturelle et de loisirs attractive, et un parc immobilier ancien dont les logements sont facilement divisibles et transformables en hébergements touristiques.
Dans ces communes, la transformation progressive de logements en meublés touristiques agit comme un accélérateur de gentrification touristique. Les ménages à revenus modestes ou moyens, déjà confrontés à une hausse générale des prix de l’immobilier, se retrouvent évincés de certains segments ou contraints de s’éloigner vers la périphérie.
Une géographie très inégale de l’impact Airbnb
Loin de se diffuser de façon homogène, l’impact des plateformes se concentre sur quelques zones phares. Les données disponibles à Bruxelles dessinent une carte très marquée.
| Zone / commune bruxelloise | Situation vis‑à‑vis des locations touristiques |
|---|---|
| Pentagone (centre historique) | 15 à 33 % des logements transformés en touristiques selon les îlots |
| Ixelles, Saint‑Gilles, Etterbeek | Forte densité d’annonces, proches des institutions européennes |
| Ville de Bruxelles (commune) | Plus forte densité de séjours de courte durée de la région |
| Anderlecht, Molenbeek | Très peu d’annonces touristiques |
Ce contraste montre que le débat sur Airbnb n’a pas la même acuité partout. Dans des communes populaires comme Anderlecht ou Molenbeek, où la clientèle touristique est limitée, la principale tension vient plutôt du déficit structurel de logements abordables, de l’augmentation générale des prix et d’une croissance démographique soutenue. À l’inverse, au centre‑ville et autour du quartier européen, la demande touristique est un facteur direct de pression sur le marché.
Des prix d’achat étonnamment peu affectés… pour l’instant
Un constat nuance toutefois le tableau : les études bruxelloises disponibles n’ont pas mis en évidence d’impact significatif d’Airbnb sur les prix de vente moyens par quartier entre 2015 et 2021. Contrairement à certaines villes européennes où une hausse de la « densité Airbnb » s’accompagne rapidement d’une flambée des prix au mètre carré, l’effet ne ressort pas clairement dans les données bruxelloises.
Une analyse européenne portant sur 25 grandes villes touristiques a montré qu’une hausse de 1 % de la densité d’annonces Airbnb était associée à une augmentation de 2,9 % du prix des logements. Des recherches spécifiques à Amsterdam ont estimé que l’ajout d’une centaine d’annonces dans un rayon de 250 mètres autour d’un bien pouvait entraîner une hausse de son prix comprise entre 0,05 % et 0,12 %.
Bruxelles pourrait donc être dans une phase intermédiaire : les loyers réagissent déjà clairement à la pression touristique, mais les prix de vente n’ont pas encore intégré l’intégralité de cette nouvelle valeur d’usage. Dans un contexte où les prix de l’immobilier ont déjà fortement progressé pour d’autres raisons (taux d’intérêt, démographie, manque de construction neuve), isoler l’effet Airbnb sur les transactions reste délicat.
Professionnalisation et financiarisation des locations touristiques
L’un des glissements majeurs observés ces dernières années tient à la transformation d’Airbnb d’une plateforme « entre particuliers » vers un marché de plus en plus dominé par des opérateurs professionnels.
D’une économie du partage à un parc quasi‑para‑hôtelier
À l’origine, Airbnb se présentait comme le moyen de louer une chambre libre ou un logement ponctuellement inoccupé. Or, à Bruxelles comme ailleurs, ce modèle s’est largement éloigné de l’esprit initial. Les recherches montrent qu’environ un quart des annonces dans la capitale sont proposées par de grands acteurs détenant au moins trois logements, parfois bien davantage.
Un hôte est généralement considéré comme professionnel s’il met en location au moins trois biens ou s’il loue un seul logement plus de 120 jours par an. Ces acteurs sont responsables du retrait de nombreux logements du marché locatif traditionnel. La pandémie a accéléré cette tendance : les petits propriétaires occasionnels ont parfois cessé leur activité en raison de l’incertitude, tandis que les investisseurs structurés, mieux à même de gérer les risques, ont renforcé leur présence sur le marché.
Cette professionnalisation renforce le lien entre location touristique et logique d’investissement. Un appartement bruxellois bien situé peut désormais être pensé, acheté, aménagé et géré comme un actif hôtelier fragmenté, avec des taux d’occupation et de rendement spécifiques, distincts du marché locatif classique.
Un facteur de rareté supplémentaire sur un marché déjà tendu
Cette dynamique se superpose à un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande de logements. À l’échelle du pays, la Belgique doit ajouter des centaines de milliers de logements dans les prochaines années pour répondre à la croissance du nombre de ménages. Depuis 2023, le parc de logements ne croît même plus plus vite que le nombre de ménages, alors que c’était le cas sur la décennie précédente.
Les permis de construire résidentiels sont en forte baisse, notamment à Bruxelles (-40% sur neuf mois en 2024). Dans ce contexte de sous-production et de coûts élevés, la conversion de logements en usage touristique accentue la pression sur le marché.
En parallèle, les indicateurs montrent une concurrence féroce pour la location de longue durée : en Flandre, on évoque 40 à 50 candidats pour chaque logement mis en location, tandis qu’à Bruxelles la proportion de ménages locataires atteint 60 %. Dans ce paysage tendu, la mise en location saisonnière de biens entiers agit comme un multiplicateur de la rareté.
Tourisme urbain, gentrification touristique et « touristification »
Les chercheurs parlent de « touristification » lorsqu’un quartier se transforme progressivement sous l’effet de la demande touristique : remplacement des commerces de proximité par des boutiques et restaurants orientés visiteurs, hausse des loyers, retrait de logements du parc résidentiel, nuisances liées à la sur‑fréquentation. Ce processus est bien documenté dans des villes comme Barcelone, Lisbonne ou Amsterdam. La Belgique n’y échappe pas.
Bruges, vitrine et symptôme de l’hypertourisme
Bruges est souvent citée comme l’exemple belge d’« hypertourisme ». Cette ville inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO accueille plusieurs millions de visiteurs par an. Une année récemment analysée faisait état de 7,3 millions de touristes pour 10,1 millions de journées de visite dans le centre historique, soit en moyenne 27 500 visiteurs quotidiens, l’équivalent de 138 touristes pour 100 habitants.
Les autorités locales agissent contre les effets négatifs du tourisme de masse sur la vie quotidienne et le tissu commercial.
Intervention face à la disparition des commerces de base, remplacés par des chocolateries, boutiques de gaufres et magasins de souvenirs.
Interdiction de construire de nouveaux hôtels dans le centre historique pour limiter la pression touristique.
Suspension de la délivrance de nouveaux permis pour les locations touristiques de type Airbnb et autres résidences de vacances.
L’objectif affiché est double : préserver un minimum de mixité entre résidents et visiteurs, et empêcher l’envolée des prix résidentiels liée à une spécialisation excessive dans le tourisme. Autrement dit, empêcher le centre de Bruges de devenir un décor de carte postale quasi déserté par ses habitants.
Gand, Anvers, côte et Ardennes : nuances régionales
D’autres villes flamandes adoptent des stratégies similaires, avec leurs spécificités. Gand, qui connaît une hausse rapide de la fréquentation (plus de 1,5 million de visiteurs hébergés en 2022, sans compter les excursionnistes), a décidé dès 2019 d’interdire la transformation de logements en maisons de vacances. En 2023, la taxe de séjour pour les maisons et appartements de vacances a été doublée par rapport aux hôtels, afin de décourager les conversions massives de logements en meublés touristiques.
Cette politique vise à favoriser les « touristes en pyjama » – ceux qui restent plusieurs nuits – plutôt que les « touristes selfies » venus pour quelques heures, jugés plus générateurs de nuisances que de retombées positives. Mais elle répond aussi, implicitement, à la crainte de voir le centre‑ville perdre ses résidents permanents.
Politique touristique de la ville
Sur la côte, la pression touristique est de longue date massive, avec une part très importante de résidences secondaires. Les données historiques soulignaient déjà dans les années 1980 la sous‑estimation des nuitées dans les statistiques officielles, faute de recensement précis de ces seconds logements. Aujourd’hui encore, certaines communes côtières revoient à la hausse leur fiscalité immobilière, mettant fin à des régimes de précompte avantageux, dans un contexte où la concurrence entre usage touristique et résidentiel reste aigüe.
Dans les Ardennes, l’essor des gîtes et résidences de vacances, dopé par une forte préférence des Belges pour les séjours domestiques (on estime qu’environ 80 % des consommateurs privilégient désormais les vacances dans le pays), se traduit à la fois par une inflation des prix de l’immobilier de loisir et une tension sur l’accessibilité pour les habitants. Dans certaines communes comme Durbuy, des quotas ont été instaurés pour limiter le nombre de logements touristiques par rapport au nombre d’habitants.
Un marché immobilier belge déjà sous pression structurelle
Pour comprendre pourquoi le tourisme et les plateformes ont un impact aussi sensible, il faut rappeler que le marché immobilier belge était déjà très tendu, indépendamment de ces facteurs.
Des prix en hausse continue sur la longue durée
Depuis le tournant des années 2000, la Belgique a connu une croissance quasi‑ininterrompue des prix immobiliers, avec une seule vraie phase de correction en termes réels autour de 2021‑2022. De 2010 à 2021, le prix médian des appartements a progressé de près de 60 %, soit une hausse annuelle moyenne de l’ordre de 3,6 %. Sur la même période, les maisons ont suivi une trajectoire comparable.
Plus récemment, l’indice national des prix des logements a encore augmenté de 3,58 % en glissement annuel au troisième trimestre 2024. Même corrigée de l’inflation, la hausse reste légèrement positive. Les logements neufs, en particulier, ont vu leurs prix grimper de plus de 5 % sur un an à cette date, reflet de la hausse du coût des matériaux, de l’énergie et des exigences en termes de performance énergétique.
Une pénurie d’offre dans les grandes villes
Dans les principaux pôles urbains – Bruxelles, Anvers, Gand, Liège –, la situation est celle d’une pénurie chronique de logements, partiellement masquée par la montée en puissance d’appartements plus petits, de coliving et de logements étudiants. Les taux de vacance résidentielle restent en dessous de 3 % dans plusieurs centres urbains, un niveau typique des marchés très tendus.
Nombre de ménages projeté en Belgique pour 2050, contre 5,06 millions en 2022, selon les projections officielles.
Ce contexte explique pourquoi l’absence de construction neuve suffisante, combinée au détournement d’une partie du parc existant vers la location touristique, produit des effets disproportionnés sur les loyers et l’accessibilité résidentielle.
Un marché locatif sous tension et de plus en plus concurrentiel
Le parc locatif belge représente environ 30 % du stock de logements (23 % de location privée, 7 % de logements sociaux), une proportion en baisse par rapport aux décennies précédentes. À Bruxelles, la location est majoritaire, avec environ six ménages sur dix locataires. Les rendements bruts des appartements tournent autour de 4 à 5 % dans les grandes villes, avec des pics au‑delà de 5,5 % dans certains segments bruxellois ou liégeois.
La concurrence est extrême pour les logements en Flandre, avec des dizaines de candidats par bien. La pénurie de kots étudiants fait monter les loyers à Louvain, Gand et Bruxelles. L’essor des locations de courte durée (meublés touristiques, locations saisonnières) intensifie la pression sur un marché déjà saturé.
Les réponses réglementaires : encadrer sans étouffer
Face à ces tensions, les pouvoirs publics belges ont peu à peu durci l’encadrement des locations touristiques, avec des approches différentes selon les régions, mais un objectif commun : limiter les effets négatifs sur le marché du logement tout en préservant l’attractivité touristique.
Un cadre bruxellois de plus en plus strict
À Bruxelles, le cadre réglementaire des hébergements touristiques est désormais l’un des plus encadrés du pays, même si certains rapports internationaux continuent de le classer parmi les régimes « peu contraignants » pour la location de courte durée.
Plusieurs piliers structurent ce dispositif :
– obligation d’enregistrement des hébergements auprès de Bruxelles Économie et Emploi ;
– nécessité d’obtenir un certificat de conformité urbanistique lorsque le logement change d’affectation (passage de résidentiel à touristique) ;
– plafonds de durée de location annuelle (120 jours) au‑delà desquels l’activité est considérée comme professionnelle ;
– renforcement des contrôles depuis 2020, avec une cellule dédiée chargée de repérer les annonces illégales et de sanctionner les contrevenants.
Nombre d’appartements revenus sur le marché locatif classique suite aux contrôles de la cellule dédiée.
Une nouvelle ordonnance spécifique aux hébergements touristiques, adoptée début 2024, prévoit encore de renforcer ces obligations, en officialisant notamment l’enregistrement systématique des opérateurs et l’articulation avec le Code du logement. Sa mise en œuvre est toutefois suspendue à un recours devant la Cour constitutionnelle.
Parallèlement, Bruxelles a choisi d’agir aussi par le biais du Code du logement : obligation de respecter des normes strictes de salubrité pour les logements mis en location, contrôles renforcés, sanctions fortes pour les logements laissés vacants plus de 12 mois (dont certains sont soupçonnés d’être en réalité uniquement exploités en touristique). Le signal est clair : tout bien qui sort durablement du marché résidentiel sans justification s’expose à des amendes.
Flandre et Wallonie : harmonisation, permis et quotas locaux
En Flandre, un décret datant de 2016 encadre les hébergements touristiques, avec l’obligation pour tout opérateur de se déclarer et d’obtenir un numéro d’enregistrement à afficher sur les plateformes. La région fixe également des normes de sécurité, d’hygiène et de confort, plus strictes pour les opérateurs professionnels. Plusieurs villes – Gand, Bruges, Anvers – ajoutent leur propre couche de réglementation : interdiction de transformer des maisons en logements de vacances, gel des nouveaux hôtels dans certains périmètres, surtaxation des résidences touristiques par rapport aux hôtels, limitation du nombre de croisiéristes.
En Wallonie, la création d’un nouvel hébergement touristique nécessite généralement un permis d’urbanisme, selon le Code du tourisme de 2010 et un décret de 2024 (en attente d’application). Certaines communes, comme Durbuy, appliquent des quotas explicites pour les gîtes et résidences secondaires afin de limiter la transformation excessive des villages en zones touristiques.
Dans les trois régions, la ligne directrice est la même : faire sortir les hébergements touristiques de la « zone grise » réglementaire, les rendre visibles, comptabilisables, imposables et contrôlables. C’est d’ailleurs un enjeu statistique majeur pour Statbel et Eurostat, qui tentent d’intégrer les données des grandes plateformes (Airbnb, Booking, TripAdvisor, Expedia) dans les statistiques officielles sans double comptage, avec des méthodes innovantes de web‑scraping et de reconnaissance automatisée.
Tourisme et immobilier : un couple inséparable pour les investisseurs
Pour les investisseurs immobiliers, le tourisme n’est pas seulement un facteur de risque pour l’accessibilité des habitants : c’est aussi une dimension centrale des stratégies de placement.
Locations touristiques, hôtels, résidences de vacances : quel rendement ?
La Belgique offre une palette très large de produits immobiliers liés au tourisme : hôtels urbains, resorts, maisons de vacances sur la côte ou dans les Ardennes, appartements en short‑stay dans les grandes villes, coliving pour étudiants et jeunes actifs internationaux, etc. Les rendements varient selon la localisation et le type de bien.
Quelques ordres de grandeur permettent de situer le marché :
| Ville / segment | Rendement locatif brut (fourchette) |
|---|---|
| Bruxelles – appartements classiques | ≈ 4,9 à 6,0 % |
| Anvers – appartements | ≈ 4 à 5 % |
| Gand – appartements | ≈ 4,5 à 5,2 % |
| Liège – appartements | ≈ 5 à 6 % |
| Bruges – appartements | ≈ 3,8 à 4,2 % (marché très touristique, mais prix élevés) |
Dans les zones touristiques comme la côte ou les Ardennes, les rendements sur les maisons de vacances peuvent être attractifs en haute saison, mais très dépendants du remplissage. Des études font état d’une hausse de 25 % des réservations de locations de vacances type Airbnb dans les Ardennes en 2023 et d’une augmentation de 15 % des prix de l’immobilier de loisir sur un an. Sur la côte, la saisonnalité reste forte mais les taux d’occupation hôteliers dépassent souvent 90 % lors des grands week‑ends estivaux.
Les investisseurs doivent intégrer dans leur analyse de rentabilité l’évolution des règles et des coûts de mise aux normes. Un projet viable selon la réglementation de 2015 peut ne plus l’être en 2025, en raison de facteurs tels que les plafonds de jours de location, les taxes de séjour, les contraintes de permis et les obligations d’enregistrement, en plus des normes énergétiques, de sécurité et d’urbanisme.
Un arbitrage permanent entre marché résidentiel et marché touristique
Une question traverse tout le débat : pour un propriétaire, est‑il plus rentable de louer à long terme à un ménage ou à court terme à des touristes ? La réponse dépend de la localisation, du type de bien, de la saisonnalité, des charges et de la fiscalité. Mais le simple fait que l’arbitrage existe suffit à faire des plateformes un acteur structurant du marché.
Dans les quartiers les plus touristiques des grandes villes belges, le potentiel de revenus lié à la location saisonnière est tellement plus élevé en haute saison que de nombreux logements basculent vers une utilisation touristique. Ce phénomène, parfois marginal à l’échelle d’une ville entière, peut devenir massif et transformer complètement l’offre locative de certaines rues.
À long terme, cette confrontation entre deux marchés (résidentiel et touristique) oblige les pouvoirs publics à préciser ce qu’ils considèrent comme l’usage prioritaire du parc de logements dans certaines zones. Les fermetures de nouveaux hôtels au centre de Bruges, l’interdiction de nouvelles maisons de vacances à Gand, ou la limitation des jours de location à Bruxelles sont autant de réponses à cette question de fond.
Vers une cohabitation plus soutenable entre tourisme et droit au logement ?
L’impact du tourisme sur le marché immobilier belge ne se réduit ni à un effet mécanique de hausse des prix, ni à un phénomène uniforme. Il s’agit plutôt d’une série de tensions localisées, exacerbées par un contexte de pénurie générale et de forte attractivité de certaines villes.
On peut dégager quelques lignes de force :
Le tourisme, via les locations de courte durée comme Airbnb, exerce un effet mesurable sur la hausse des loyers dans les quartiers à forte densité à Bruxelles. Les prix d’achat semblent moins directement affectés dans la capitale, mais des études européennes suggèrent un possible effet de contagion à long terme. La professionnalisation du marché renforce une logique d’investissement, s’éloignant de l’économie du partage. En réponse, des villes flamandes comme Bruges et Gand mettent en place des politiques (interdictions, quotas, taxation) pour contenir l’hypertourisme.
Reste à savoir si ces outils suffiront face à des tendances lourdes : croissance structurelle du tourisme, digitalisation de la mise en relation, stagnation de la construction neuve, et augmentation continue du nombre de ménages. À court terme, l’effet le plus visible est une accentuation de la fracture entre ceux qui peuvent transformer le tourisme en source de rente immobilière – investisseurs, multipropriétaires, grands opérateurs – et ceux qui subissent la hausse des loyers.
En Belgique, le flux touristique reste globalement gérable et le surtourisme massif est limité, contrairement à des villes comme Barcelone ou Venise. Cependant, des signaux d’alerte apparaissent concernant l’accès au logement : temps d’attente pour un logement social, part croissante des dépenses de logement dans les budgets, et difficultés accrues pour les jeunes à devenir propriétaires.
À moyen terme, la capacité du pays à concilier attractivité touristique et droit au logement dépendra de trois leviers principaux : une production accrue de logements (y compris abordables), un encadrement plus fin des usages touristiques du parc existant, et une politique de mobilité qui rende à nouveau attractifs les quartiers aujourd’hui considérés comme « périphériques » mais bien desservis.
Dans cette équation, le tourisme ne doit pas être vu uniquement comme un bouc émissaire : il reste un contributeur important à l’économie, à l’emploi et à la vitalité des centres urbains. Mais tant que le marché immobilier restera aussi tendu, chaque nuit passée par un visiteur dans un appartement du centre posera la même question : aurait‑elle pu, aurait‑elle dû, être une nuit de plus pour un habitant de la ville ?
Un chef d’entreprise français d’environ 50 ans, avec un patrimoine financier déjà bien structuré en Europe, souhaitait diversifier une partie de son capital dans l’immobilier résidentiel en Belgique pour chercher du rendement locatif et une exposition à un marché stable de la zone euro. Budget alloué : 400 000 à 600 000 euros, sans recours au crédit.
Après analyse de plusieurs marchés belges (Bruxelles, Anvers, Liège), la stratégie retenue a consisté à cibler un appartement ou un petit immeuble de rapport dans un quartier en croissance de Bruxelles ou d’Anvers, combinant un rendement locatif brut cible de 5 à 6 % – plus le rendement est grand, plus le risque est important – et un potentiel de valorisation à moyen terme, avec un ticket global (acquisition + frais de notaire + éventuels travaux légers) d’environ 500 000 euros. La mission a inclus : sélection du marché et du quartier, mise en relation avec un réseau local (agent immobilier, notaire, fiscaliste), choix de la structure la plus adaptée (propriété directe ou via société patrimoniale belge) et définition d’un plan de diversification dans le temps.
Ce type d’accompagnement permet à l’investisseur de bénéficier des opportunités du marché belge tout en maîtrisant les risques juridiques, fiscaux et locatifs et en intégrant cet actif dans une stratégie patrimoniale globale.
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