Longtemps perçu comme l’un des marchés les plus stables d’Europe, l’immobilier en Autriche traverse aujourd’hui une phase charnière. Après plus d’une décennie de hausse quasi ininterrompue des prix, la combinaison de la flambée des taux, de l’inflation, des nouvelles règles de crédit et des exigences ESG a provoqué un net refroidissement, suivi d’une phase de stabilisation. L’année 2025 marque ainsi un moment de transition : les corrections de prix semblent toucher à leur fin, les taux se détendent, mais la construction reste en berne et la tension sur le logement perdure, surtout dans les grandes villes.
Le marché ne se caractérise plus par une hausse générale, mais par une polarisation entre les segments gagnants (logements bien situés et économes, immobilier logistique et hôtelier) et les actifs fragilisés (bâtiments anciens nécessitant de lourdes rénovations, maisons isolées en zone rurale et bureaux obsolètes).
Un marché passé du boom à la correction, puis à la stabilisation
Pendant des années, l’immobilier résidentiel autrichien a affiché une progression presque linéaire. Entre 2015 et 2021, les prix des maisons à Vienne ont grimpé de près de 41 %, avec des hausses annuelles allant jusqu’à 10–12 % au plus fort de la période 2020–2021. La pandémie a même accéléré la demande, dopée par des taux d’intérêt planchers.
Ce cycle s’est brutalement inversé à partir de 2022, quand la Banque centrale européenne a enclenché une remontée des taux inédite depuis des décennies. Le coût du crédit immobilier a bondi : le taux moyen des nouveaux prêts logements, autour de 1,2 % en 2021, est monté au-dessus de 3,5 % en 2023, avant de se stabiliser autour de 3,2–3,6 % début 2025. En parallèle, l’inflation a flirté avec 8–9 % en 2022–2023, rognant le pouvoir d’achat des ménages.
L’indice des prix résidentiels a baissé de 2,35 % en 2023, marquant le début d’un recul des prix pour la première fois depuis 2004.
Pour autant, il ne s’agit pas d’un krach. Le marché avait accumulé des hausses spectaculaires : en Autriche, les loyers ont augmenté d’environ 90 % entre 2005 et 2023, et dans la capitale, les appartements ont pris près de 22,5 % depuis 2016. Même après ces baisses récentes, la plupart des régions restent largement en territoire positif sur cinq ans, avec par exemple une croissance cumulée de l’ordre de 35 % à Vienne.
Les projections pour la suite convergent vers un scénario de « soft landing ». Pour 2025, les prévisions nationales évoquent une progression des prix comprise entre 0 et 1 %, puis un redémarrage modéré entre 1 et 2 % en 2026 et 2 à 3 % en 2027. À plus long terme, sur 2030–2045, les analystes tablent sur une appréciation durable de 2 à 3 % par an, avec une surperformance attendue des grands centres urbains par rapport aux zones rurales.
Un volume de transactions en baisse par rapport au pic, mais en voie de normalisation
Le retournement des prix s’est accompagné d’un net recul de l’activité. Le volume des achats immobiliers, qui culminait à 43 milliards d’euros en 2021, est retombé à 24,1 milliards d’euros, soit une baisse d’environ 0,7 % sur un an dans le dernier relevé, et une division par presque deux par rapport au sommet du boom. Le nombre de ventes de logements (environ 43 300 biens cédés en 2024) est lui aussi revenu sur des niveaux plus conformes à une phase de marché « normale », après les excès d’avant la hausse des taux.
Le stock total de crédits logements en Belgique en 2024, en milliards d’euros.
Les autorités ont joué un rôle actif : dès 2022, le régulateur financier a imposé des conditions plus strictes (20 % d’apport minimum en pratique, limitation du taux d’endettement à 40 % du revenu, maturité maximale de 35 ans via la KIM‑VO). Cette ordonnance doit arriver à échéance en juin 2025, ce qui devrait assouplir l’accès au crédit et soutenir une reprise progressive des transactions.
Des contrastes marqués entre régions et types de biens
Derrière la moyenne nationale, les évolutions de prix sont très hétérogènes. Certaines régions encaissent une correction franche, quand d’autres résistent, voire continuent de monter dans quelques segments.
Tyrol, Vienne, Salzbourg : des marchés chers, mais aux trajectoires différentes
Le Tyrol reste la région la plus onéreuse du pays. Un pavillon de 150 m² y atteint en moyenne 1 074 519 euros, soit environ 7 163 €/m². Ce niveau reflète la rareté du foncier, l’attrait touristique et la forte demande pour des résidences de montagne et des logements « verts ». Pourtant, les prix n’y ont reculé que marginalement (–0,2 % en 2024), signe d’une remarquable robustesse.
Vienne, qui reste le Land le plus cher après le Tyrol, affiche un prix moyen d’environ 6 414 €/m² pour une maison de 150 m² (962 144 euros). La capitale a cependant connu une véritable correction : les maisons y ont lâché environ 3,8 % en 2024, tandis que les appartements ont mieux tenu avec un repli moyen de seulement 1,2 %. La baisse est plus prononcée sur les maisons individuelles (–4,43 % au quatrième trimestre 2024 sur un an) que sur les copropriétés, surtout les programmes neufs qui résistent quasiment à l’équilibre (–0,1 % pour les appartements neufs, contre –2,63 % pour les anciens).
Le marché immobilier de Salzbourg illustre une segmentation extrême : il est l’un des plus chers (9 860 €/m² en moyenne) avec des segments neufs en hausse (+5%), mais a subi la correction la plus brutale du pays en 2024 (-9,7% en moyenne pour les maisons). Cet écart reflète un ajustement sévère sur les biens surévalués, tandis que les produits de grande qualité, destinés aux clientèles touristiques ou haut de gamme, résistent bien.
Le tableau ci‑dessous donne un aperçu comparatif des prix moyens des maisons de 150 m² par région :
| Région | Prix moyen maison 150 m² | Prix moyen au m² |
|---|---|---|
| Tyrol | 1 074 519 € | 7 163 €/m² |
| Vienne | 962 144 € | 6 414 €/m² |
| Salzbourg | 868 421 € | 5 789 €/m² |
| Vorarlberg | 825 000 € | 5 500 €/m² |
| Styrie | 474 375 € | 3 163 €/m² |
| Burgenland | 363 480 € | 2 423 €/m² |
On constate près d’un rapport de un à trois entre Tyrol et Burgenland, ce qui illustre l’ampleur des disparités territoriales.
Nouvelles constructions vs ancien : deux vitesses de marché
Autre clivage majeur : celui entre neuf et existant. En 2024, les logements neufs ont encore vu leurs prix progresser de 2,7 %, alors que les biens existants reculaient en moyenne de 1,5 %. La baisse est particulièrement marquée pour les maisons individuelles détachées (–5,2 %) et, plus encore, pour les terrains à bâtir (–9,1 %), directement pénalisés par le renchérissement du financement et des coûts de construction.
Cette divergence tient à plusieurs facteurs. Les nouveaux projets sont généralement mieux alignés sur les standards énergétiques et ESG, ce qui les rend plus attractifs – et leur permet de justifier un « green premium » malgré un contexte plus difficile. À l’inverse, un grand nombre de biens anciens nécessitent des travaux de rénovation lourds pour rester compétitifs face aux futures normes de performance énergétique. Sans stratégie de modernisation, ces actifs risquent de devenir des « stranded assets », c’est‑à‑dire des biens dépréciés parce qu’inadaptés aux exigences réglementaires et aux attentes des locataires ou acheteurs.
De manière générale, les biens qui souffrent le plus aujourd’hui sont les grandes maisons isolées dans les régions chères, les propriétés rurales mal desservies par les transports et les immeubles nécessitant des rénovations coûteuses. À l’opposé, les appartements de petite taille, bien situés en ville et proches des transports en commun, restent très recherchés.
Focus villes : Vienne, Graz, Linz, Salzbourg
Les grandes villes concentrent la majorité de la demande et les tensions les plus fortes entre rareté de l’offre et attractivité économique.
À Vienne, le prix moyen du mètre carré résidentiel est d’environ 5 500 €, mais les écarts entre arrondissements sont considérables. L’Innere Stadt (1er arrondissement), classé à l’UNESCO, atteint près de 24 977 €/m² en moyenne, avec des pics à 30 000 €/m² pour les biens d’exception, pour des rendements locatifs très faibles (1,14 à 1,82 %). Les arrondissements centraux (2e à 9e) oscillent entre 6 400 et 8 500 €/m², tandis que les quartiers périphériques comme Favoriten ou Simmering affichent des prix bien plus bas, entre 3 500 et 4 000 €/m².
Graz, deuxième agglomération du pays, affiche une dynamique étonnante. En février 2025, le prix des maisons y avoisinait 5 491 €/m², avec une hausse spectaculaire de 44,6 % sur un an, portée par une forte croissance démographique et l’essor de la population étudiante (plus de 31 000 étudiants à l’université). Linz, centre industriel en expansion, se situe autour de 5 060 €/m², en progression de 8,4 % sur un an, soutenue par de grands investissements industriels. Salzbourg reste, on l’a dit, un marché extrêmement cher, avec des prix moyens supérieurs à 9 800 €/m², alimentés par son prestige culturel et un tourisme massif (plus de 250 000 visiteurs rien que pour le festival d’été).
Une pénurie d’offre aggravée par l’effondrement de la construction neuve
Si les prix ont fléchi, ce n’est pas par excès de construction. Bien au contraire : l’Autriche est confrontée à une chute préoccupante de l’activité de promotion résidentielle. Les causes sont connues : hausse des coûts de matériaux et de main‑d’œuvre, explosion des intérêts, marges réduites pour les promoteurs, banques plus prudentes, renforcement des exigences de fonds propres et pré‑commercialisation.
Nombre de logements autorisés sur les trois premiers trimestres 2024, en baisse de 4,9 %.
À Vienne, où environ deux tiers des habitants vivent dans un logement municipal ou subventionné et où 80 % des appartements neufs sont financés par le dispositif local de subvention, les autorités tentent de contrebalancer la tendance en visant la construction de 13 000 nouvelles unités par an (contre environ 10 000 auparavant). Mais le ralentissement global de la construction, conjugué à des coûts en hausse et à la difficulté de trouver du foncier abordable, laisse augurer d’un déficit d’offre durable.
Nombre de logements en résidence services construits annuellement en France, contre un besoin estimé à 3 100.
Dans ce contexte, les professionnels mettent en garde : si les conditions ne s’améliorent pas rapidement, le marché pourrait se retrouver confronté à une crise structurelle de l’offre, avec une pression inflationniste durable sur les loyers et les prix dans les zones tendues.
Un marché locatif sous tension, malgré les plafonnements
La structure du logement en Autriche est très différente de celle de nombreux pays voisins : la location y domine largement, surtout dans les grandes villes. Le taux de propriétaires n’atteint qu’environ 54,3 % au niveau national, très en dessous de la moyenne de l’UE, qui dépasse 70 %. À Vienne, la situation est encore plus marquée : environ 75 % des ménages sont locataires, et près de 60 % vivent dans un logement municipal ou subventionné.
Des loyers en hausse continue
Malgré le coup de frein sur les prix de vente, les loyers poursuivent leur progression. Entre 2005 et 2023, ils ont presque doublé, avec une hausse cumulative de près de 90 %. Rien qu’au troisième trimestre 2024, le loyer moyen par logement (hors charges) a augmenté de 4,9 % sur un an pour atteindre 496,5 euros par mois, tandis que le loyer moyen au mètre carré a grimpé de 4,2 % à 7,40 €/m². Si l’on se limite aux biens loués sur le marché libre, le loyer moyen national atteint environ 9,4 €/m², avec un pic à 11,3 €/m² à Salzbourg.
L’augmentation des loyers, comme à Vienne où ils ont bondi de 8,2 % en 2023, est due à plusieurs facteurs combinés : la raréfaction des nouvelles constructions, l’arrivée continue de nouveaux habitants dans les grandes villes, l’augmentation du nombre de ménages (notamment les foyers monopersonnels qui représentent plus de 17 % des ménages) et l’inflation des charges (énergie, entretien, etc.).
Le tableau suivant synthétise quelques indicateurs clés du marché locatif :
| Indicateur (Autriche / grandes villes) | Valeur récente |
|---|---|
| Loyer moyen national (tous logements, Q3 2024) | 496,5 €/mois |
| Loyer moyen national au m² (Q3 2024) | 7,40 €/m² |
| Loyer moyen marché libre (approx.) | 9,4 €/m² |
| Loyer moyen Salzbourg (marché libre) | 11,3 €/m² |
| Rendement locatif brut moyen national (Q1 2025) | 3,5 % |
| Rendement brut moyen Vienne (Q1 2025) | 4,12 % |
| Part de logements loués à Vienne | ~75 % |
| Taux de propriétaires au niveau national | ~54,3 % |
Les rendements, eux, restent modestes, en particulier dans les zones prime. À Vienne, ils s’échelonnent de 1,14–1,82 % dans l’Innere Stadt à 2,38–6,87 % dans les arrondissements périphériques plus abordables. À Salzbourg, les appartements offrent des rendements de 3,18–4,25 %, tandis qu’à Graz ils sont compris entre 2 et 3,13 %.
Un encadrement strict des loyers, mais à géométrie variable
Le cadre juridique autrichien en matière de location est réputé très protecteur pour les locataires, notamment via la Mietrechtsgesetz (MRG). Une grande partie du parc locatif, surtout dans les immeubles anciens des grandes villes, est soumise à diverses formes de contrôle des loyers : loyers de référence (Richtwertmietzins), loyers par catégorie (Kategoriemietzins), plafonds de « loyer adéquat » (angemessener Mietzins). Dans ce régime, un locataire peut saisir les autorités compétentes pour faire vérifier que son loyer ne dépasse pas le plafond autorisé, avec possibilité de remboursement des trop-perçus sur trois ans assorti d’intérêts.
À partir de 2025, les loyers de la majorité des logements régulés sont gelés. Cette mesure fait suite à des hausses rapides (jusqu’à +25 % cumulés entre 2021 et 2023). Le gel sera suivi d’augmentations limitées : 1 % en 2026 puis 2 % en 2027.
Il existe néanmoins deux bémols importants. D’abord, une part significative du parc locatif échappe totalement ou partiellement à ces plafonds, notamment les logements récents, les maisons individuelles ou certains baux commerciaux, qui relèvent alors du Code civil général et de la libre négociation. Ensuite, même dans le segment encadré, la fin du gel programmée au 1er avril 2025 va se traduire par des ajustements automatiques, plafonnés à 5 % pour les loyers de référence et de catégorie, mais qui alourdiront encore le budget logement de nombreux ménages. Les bailleurs non‑lucratifs (coopératives, associations) prévoient eux aussi d’augmenter loyers et contributions aux charges d’entretien dans les mêmes proportions.
Conséquence : pour les nouveaux entrants sur le marché, notamment les jeunes ménages et les ménages venus de l’étranger, la combinaison de loyers élevés en secteur libre et de file d’attente pour le logement social rend l’accès à un logement abordable de plus en plus délicat, en particulier dans le centre de Vienne et les autres grandes villes universitaires (Graz, Innsbruck, Salzbourg).
Le crédit immobilier : resserrement, puis détente progressive
Le choc le plus brutal des deux dernières années est venu du financement. En l’espace de quelques trimestres, le coût d’un emprunt sur dix ans est passé d’environ 1,3 % en 2022 à près de 4 % en 2023, avant de refluer légèrement autour de 3,2–3,6 % début 2025, sous l’effet des baisses de taux directeurs de la BCE (taux abaissé à 2,90 % début 2025 après plusieurs coupes successives depuis mi‑2024).
Cette hausse des taux s’est doublée d’un durcissement réglementaire via la KIM‑VO, imposant :
– un apport minimal significatif (au moins 20 % du prix, sans compter les frais),
– une limite de 40 % des revenus pour le service de la dette,
– une durée maximale de 35 ans.
Il s’agit de la baisse en rythme annuel des nouveaux crédits immobiliers au pic de l’année 2023.
Depuis fin 2024, la tendance est toutefois à une légère détente. Le taux moyen des nouveaux prêts logements est passé de 4,16 % en décembre 2023 à 3,63 % un an plus tard, et le stock de crédits affiche un taux moyen d’environ 3,08 %, encore loin des niveaux d’avant-crise (2,12 % en 2022) mais déjà en baisse. L’expiration programmée de la KIM‑VO en juin 2025 devrait également redonner une certaine marge de manœuvre aux banques pour adapter leurs conditions à la qualité des dossiers, avec la possibilité de prêter sur des durées plus longues ou avec des apports plus faibles dans certains cas.
L’époque du crédit très bon marché est terminée. Pour un emprunt typique de 250 000 €, les mensualités ont augmenté de près de 30% depuis 2022. De plus, les frais d’acquisition (droits de mutation, inscription au registre foncier, notaire, agent, taxes) ajoutent 9 à 13% au prix d’achat. Cette situation incite de nombreux ménages à rester locataires, augmentant ainsi la pression sur le marché de la location.
Immobilier résidentiel : stabilisation des prix, tensions persistantes sur les loyers
Sur le segment résidentiel, le diagnostic est aujourd’hui clair : le marché a quitté la phase d’euphorie, a traversé une correction modérée, et semble désormais se stabiliser. Les prix devraient, selon la plupart des études, se maintenir proches de l’équilibre en 2025, avant de repartir doucement à la hausse à partir de 2026, notamment dans les zones à forte demande comme Vienne, le Tyrol ou certaines villes universitaires.
La demande de logement repose sur des fondamentaux solides : une croissance démographique continue (+0.4% par an), une urbanisation croissante (près de 60% de la population en zone urbaine), l’augmentation du nombre de ménages, le vieillissement de la population et la hausse des foyers d’une seule personne. À Vienne, la population devrait augmenter de 310 000 habitants d’ici 2053, atteignant environ 2,3 millions de résidents, ce qui exercera une pression constante sur le marché immobilier.
En parallèle, l’offre peine à suivre, en raison de la chute des mises en chantier et d’un déficit structurel de foncier abordable. À court terme, le marché reste donc déséquilibré, avec une tension forte sur le locatif, une modération sur les prix de vente et une segmentation croissante entre biens « prime » (centrés, éco‑performants, proches des transports) et actifs difficiles à recycler.
Sur le plan des politiques publiques, plusieurs mesures visent à fluidifier l’accession à la propriété : proposition de suppression des droits de mutation pour les primo‑accédants, allégement ponctuel des frais d’inscription au registre foncier sous conditions de « besoin urgent de logement », révision annoncée de certains standards de construction. Reste à voir si ces dispositifs seront suffisants pour contrebalancer le poids des taux, des coûts de construction et de la réglementation environnementale.
Bureaux, logistique, commerce : des destins divergents
Le marché de l’immobilier d’entreprise en Autriche connaît lui aussi une recomposition en profondeur, avec une hiérarchie claire entre gagnants et perdants.
Bureaux : entre télétravail, recherche de flexibilité et prime au vert
Dans les bureaux, la demande s’est transformée plutôt qu’effondrée. La généralisation du télétravail et des organisations hybrides a réduit les besoins de surface brute pour une partie des entreprises, mais a accru les attentes en matière de qualité : espaces flexibles, bien desservis, dotés d’équipements technologiques de pointe et de performances environnementales élevées.
À Vienne, le marché des bureaux reste sous‑offreur en biens vraiment modernes et écologiques, alors même que la demande brute est affaiblie par la conjoncture. Les surfaces vacantes augmentent légèrement, mais restent contenues, car le pipeline de développement a été ajusté à la baisse. Les grandes surfaces contiguës sont particulièrement rares, ce qui soutient les loyers prime, notamment dans le Central Business District où les loyers restent stables, voire orientés à la hausse pour les immeubles certifiés ESG avec des aménagements de haut niveau. Les rendements prime tournent autour de 4,75 % pour les meilleurs emplacements, avec un possible mouvement baissier en raison du manque d’actifs core disponibles.
La demande pour des flex-offices (coworking, bureaux de services) est en forte croissance, notamment dans les grandes villes comme Vienne. Cette tendance est principalement portée par les start-ups, les travailleurs indépendants et les entreprises étrangères en phase d’implantation. Elle répond à un besoin de flexibilité et à la volonté de limiter les engagements locatifs à long terme dans un contexte économique incertain.
Logistique : la rareté de l’offre maintient la pression
La logistique constitue l’un des grands gagnants de ces dernières années. Dans l’aire de Vienne, le stock de surfaces logistiques et industrielles avoisine 8,19 millions de m², répartis à 67 % en logistique pure et 33 % en production. Après un vif déséquilibre entre offre et demande, l’arrivée de nouveaux projets a réduit l’excès de tension en 2024, mais les taux de vacance restent très faibles, car la plupart des projets sont pré‑loués et les promoteurs se montrent prudents sur les développements spéculatifs.
Les loyers prime pour les entrepôts bien situés et équipés se situent entre 7 et 9 €/m².
Commerce : polarisation entre axes prime, luxe et formats discount
Le commerce de détail autrichien n’a pas retrouvé en 2024 le souffle nécessaire pour redresser franchement ses ventes, mais la situation n’est pas homogène. Le tourisme, en particulier à Vienne, est reparti fortement : 139,73 millions de nuitées touristiques ont été enregistrées en 2023 dans le pays, avec un effet direct sur les rues commerçantes principales. Dans la capitale, la fréquentation sur les grands axes se rapproche des niveaux de 2019, dans le fameux « Golden U » et sur Mariahilfer Straße.
Dans ce contexte, le segment du luxe montre des signes de regain de dynamisme en 2025, avec de nouvelles enseignes prêtes à s’implanter sur les meilleurs emplacements, à condition de bénéficier de loyers adaptés et de clauses souples. Les concepts axés sur l’expérience (loisirs, divertissement) et les discounters continuent également d’avancer, capitalisant sur la recherche de prix bas ou d’activités attractives en centre commercial.
En revanche, les localisations secondaires (B) et tertiaires (C) souffrent : la vacance y augmente, les commerçants mettent plus de temps à se décider, et les propriétaires doivent accepter davantage de concessions (loyers progressifs, clauses de résiliation anticipée, contributions aux travaux). De plus en plus, la reconversion de surfaces commerciales en logements ou en bureaux est envisagée, lorsque la configuration et les règles d’urbanisme le permettent.
Hôtellerie et locations de courte durée : le retour de la demande touristique
Après le trou d’air lié à la pandémie, le tourisme autrichien a connu un véritable rebond. En 2023, le pays a enregistré près de 139,73 millions de nuitées, soit plus de 10 % de hausse sur un an, et les chiffres de 2024 suggèrent des niveaux record. L’hôtellerie en a profité : cet actif, longtemps perçu comme risqué pendant la crise sanitaire, est redevenu une classe d’investissement à part entière. Les investisseurs s’intéressent en particulier aux établissements bien positionnés dans les grandes villes et les stations touristiques majeures.
Revenus annuels moyens générés par la location de courte durée à Vienne, alimentant l’intérêt des investisseurs.
Salzbourg profite aussi de la manne touristique, avec des locations de courte durée occupées en moyenne 285 nuits par an et un taux d’occupation médian de 78 %. La combinaison de rendements corrects (3,66 % en moyenne sur les appartements) et d’un marché de villégiature très liquide continue d’attirer capitaux nationaux et étrangers.
ESG, énergie et réglementation : la nouvelle matrice du marché
Difficile aujourd’hui d’analyser le marché immobilier autrichien sans évoquer le rôle croissant des politiques climatiques et des critères ESG. Le pays s’est fixé un objectif ambitieux de neutralité carbone à l’horizon 2040. Les bâtiments, qui représentent environ 40 % de la consommation énergétique de l’UE, sont au cœur de cette transformation.
Le mouvement de rénovation énergétique en Autriche est structuré par des lois nationales (comme la loi d’extension des énergies renouvelables de 2021 et la loi sur les systèmes de chauffage renouvelables) et des directives européennes. Ces textes programment l’interdiction progressive des chaudières fossiles et leur remplacement obligatoire. De nombreux programmes de subventions soutiennent les travaux d’isolation, l’installation de panneaux photovoltaïques ou de pompes à chaleur.
Dans le même temps, la taxonomie européenne et les réglementations de divulgation (EU Taxonomy, Disclosure Regulation, bientôt Corporate Sustainability Reporting Directive) obligent les grands investisseurs à rendre des comptes sur la durabilité de leurs portefeuilles. Les labels et certifications (LEED, BREEAM, ÖGNI, klimaaktiv…) se multiplient, et deviennent de fait un nouveau standard minimal pour les immeubles de bureaux, les résidences neuves et les centres commerciaux.
La performance énergétique d’un bien immobilier influence directement sa valeur et son financement. Les bâtiments certifiés « verts » bénéficient de loyers plus élevés et d’une meilleure liquidité à la revente. À l’inverse, les biens énergivores sans projet de rénovation se déprécient. Par ailleurs, de nombreuses banques proposent désormais des financements avantageux (taux réduits, green bonds) conditionnés à la performance énergétique du bien.
Pour les ménages, la hausse des coûts de l’énergie rend aussi les logements performants plus attractifs : selon les études, transformer une maison standard en maison passive permettrait d’économiser environ 9 500 euros sur la durée, ce qui compense en partie le surcoût initial. L’Autriche est d’ailleurs l’un des pays avec la plus forte densité de maisons passives au monde, avec plus de 14 000 bâtiments de ce type au Tyrol seul.
Le rôle des investisseurs internationaux et la recomposition du capital
Après une période où le marché était dominé par les investisseurs domestiques, les acteurs internationaux reviennent progressivement. L’amélioration des conditions de financement, la stabilisation des prix et la réputation de sécurité juridique du pays (l’Autriche figure régulièrement dans le top mondial des indices de droits de propriété) attirent de nouveau les fonds et institutionnels, en particulier d’Allemagne, de Suisse et de certains pays asiatiques.
Présentation des préférences géographiques et des types d’actifs ciblés par les investisseurs sur le marché autrichien.
Concentration sur les grandes villes, avec une nette préférence pour Vienne et les marchés très liquides comme Salzbourg ou Innsbruck.
Cible privilégiée : les immeubles résidentiels générateurs de revenus locatifs.
Investissements dans les actifs logistiques et les bureaux de qualité core (noyau).
Intérêt pour les hôtels bien placés et les terrains destinés à des développements mixtes (résidentiel, commercial, etc.).
Les développements sur terrains doivent être alignés sur les standards environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Sur le segment haut de gamme résidentiel viennois, les acheteurs autrichiens représentent environ 60 % de la clientèle, tandis que 40 % sont étrangers, avec une forte présence de fortunes d’Europe de l’Est, mais aussi de Suisse, des États‑Unis, du Moyen‑Orient et de Hong Kong, surtout dans le « super prime » de l’Innere Stadt. Les prix y ont d’ailleurs continué de grimper, avec une hausse d’environ 29,8 % sur un an en février 2025 dans le 1er arrondissement, en décalage complet avec la modération du reste du marché.
Perspectives : un marché plus sélectif, mais structurellement solide
Au total, les tendances actuelles du marché immobilier en Autriche dessinent un paysage complexe, à la fois traversé par des forces de tension (baisse de la construction, pression sur les loyers, vieillissement du parc, contraintes ESG) et soutenu par des fondamentaux solides (croissance démographique urbaine, stabilité institutionnelle, qualité de vie exceptionnelle, sous‑endettement des ménages).
Pour les prochaines années, plusieurs lignes de force se dégagent.
D’abord, la fin de la baisse des prix semble proche. La plupart des scénarios anticipent une stabilisation en 2025, suivie d’une reprise modérée dès 2026, surtout dans les grands centres et les régions touristiques prisées. Les zones rurales peu connectées devraient en revanche afficher des trajectoires plus molles.
Les biens bien situés, de taille petite à moyenne, performants énergétiquement et bien desservis resteront très demandés. À l’inverse, les grandes maisons excentrées, les bâtiments énergivores sans rénovation et les surfaces commerciales ou de bureaux obsolètes risquent une dépréciation durable, sauf en cas de reconversion.
Troisièmement, la question de l’accessibilité restera centrale. Malgré le léger recul des prix et la détente des taux, le coût d’acquisition (prix élevé, apport important, frais annexes) continuera de freiner l’accession à la propriété pour une grande partie des ménages, en particulier à Vienne. Les politiques publiques – subventions, programmes de logement social, réformes fiscales – auront un rôle clé pour corriger ces déséquilibres.
La transition écologique redessine le secteur en orientant les capitaux vers les projets verts et en accélérant la mise à niveau du parc existant. Pour les propriétaires et investisseurs, la capacité à intégrer sérieusement les critères ESG dans les stratégies de développement, de gestion et de rénovation est un déterminant majeur de la valeur à long terme.
Dans un environnement où l’on sort à peine d’une double récession (–0,8 % de PIB en 2023, –0,6 % en 2024) mais où la croissance revient progressivement (entre 0,8 et 1,6 % attendus pour 2025–2026, inflation retombant vers 2 %), l’immobilier autrichien se repositionne. Il n’est plus ce marché en ligne droite où tout montait, mais un écosystème plus sélectif, plus régulé, plus vert. Pour les acteurs capables de lire ces tendances et de s’y adapter – en misant sur la qualité, l’efficacité énergétique et les localisations solides – il continue d’offrir des perspectives intéressantes, à la fois en termes de revenus et de valorisation de long terme.
Un chef d’entreprise français d’environ 50 ans, avec un patrimoine financier déjà bien structuré en Europe, souhaitait diversifier une partie de son capital dans l’immobilier résidentiel en Autriche pour rechercher du rendement locatif et une exposition à une économie stable de la zone euro. Budget alloué : 400 000 à 600 000 euros, sans recours au crédit.
Après analyse de plusieurs marchés (Vienne, Salzbourg, Graz), la stratégie retenue a consisté à cibler un appartement de qualité dans un quartier résidentiel en croissance, combinant rendement locatif brut cible de 4–5 % – en gardant à l’esprit que « plus le rendement est élevé, plus le risque est important » – et potentiel de valorisation à moyen terme, avec un ticket global (acquisition + frais + éventuelle rénovation légère) d’environ 500 000 euros. La mission a inclus : sélection du marché et du quartier, mise en relation avec un réseau local (agent immobilier, avocat, fiscaliste), choix de la structure la plus adaptée (propriété directe ou via société civile autrichienne) et intégration de l’actif dans la stratégie patrimoniale globale du client.
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