Acheter, vendre, louer ou transmettre un bien en Autriche ne se résume pas à signer un contrat et virer des fonds. Le pays dispose d’un arsenal juridique dense, très protecteur pour les parties, mais parfois déroutant pour qui ne maîtrise pas les règles locales. De l’inscription au registre foncier aux plafonds de loyers, des taxes à l’héritage en passant par la performance énergétique des bâtiments, chaque étape est encadrée.
Cet article fournit un aperçu structuré des principales lois et réglementations du secteur immobilier en Autriche, en s’appuyant sur des données et des cas concrets extraits d’un rapport de recherche.
Un cadre juridique solide : registres, codes et autorités
L’immobilier autrichien repose sur un principe central : la sécurité juridique. Deux grands registres publics structurent cette protection et sont mis à jour quotidiennement pour correspondre parfaitement.
Le cadastre, géré par le BEV, établit des limites de parcelles juridiquement contraignantes et précises au centimètre depuis 1968, empêchant l’usucapion. Il recense les données techniques des terrains et ses plus anciennes cartes du XIXe siècle sont protégées comme patrimoine culturel.
Le second pilier est le registre foncier, tenu par les tribunaux de district. Il est organisé par commune cadastrale, chaque bien y étant identifié par un numéro de folio. Un extrait de registre est structuré en trois volets. Le feuillet A décrit l’inventaire de la propriété (numéro de parcelle, type d’usage, adresse) et un sous-feuillet A2 recense les charges de droit public (zones de bruit aérien, obligations de tolérance, servitudes). Le feuillet B indique qui est propriétaire et dans quelle proportion, en renvoyant à l’acte juridique à l’origine du droit (contrat de vente, acte d’hérédité). Le feuillet C liste les charges privées : hypothèques, interdictions d’aliéner, droits d’habitation, droits de préemption, servitudes.
Le registre foncier est public et accessible en ligne depuis les années 1990. Il peut être consulté par toute personne via un notaire, un avocat ou directement auprès des tribunaux. Cette transparence permet aux tiers de se fier de bonne foi aux inscriptions, ce qui réduit considérablement l’utilité d’une assurance-titre.
Depuis septembre 2024, une évolution significative permet de restreindre l’accès public à certaines pièces sensibles figurant au dossier des actes (contrats de vente, actes successoraux, conventions de divorce). Sur demande, les données touchant exclusivement à la vie privée ou familiale peuvent être masquées, sans remettre en cause la transparence des droits réels inscrits.
Devenir propriétaire : contrat, inscription et coûts annexes
En Autriche, signer un compromis et remettre les clés ne suffit pas pour devenir propriétaire au sens juridique. Le transfert repose sur deux éléments indissociables : un “titre” et un “modus”. Le titre est l’acte (contrat de vente, acte de donation, jugement d’héritage). Le modus est l’inscription de ce titre au registre foncier. Tant que cette inscription n’est pas effectuée, le vendeur reste propriétaire aux yeux de la loi, même si l’acheteur occupe déjà les lieux et a payé le prix.
L’inscription se fait par une requête adressée au tribunal de district compétent pour le lieu du bien. Dans la pratique actuelle, les demandes sont déposées de manière électronique par le notaire ou l’avocat chargé de la transaction. Dans des cas simples (changement d’adresse, rectification mineure), la demande peut encore être faite oralement au greffe pour être consignée au procès‑verbal.
Les documents obligatoires à fournir pour l’enregistrement d’une propriété.
Contrat signé avec signatures certifiées par un tribunal ou un notaire.
Attestation du paiement de la taxe de mutation.
Documents de la banque en cas de prise ou de levée d’hypothèque.
Exigées pour les acquisitions par un ressortissant hors UE/EEE ou pour les terres agricoles/forestières.
Justificatif de citoyenneté ou certificat d’immatriculation de la société.
Les délais varient : pour une vente “classique” d’appartement déjà existant, l’inscription prend en général quatre à six semaines. Lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles propriétés par lots (copropriété dans un immeuble neuf, par exemple), la procédure peut s’étaler sur six à douze mois, le temps que les conditions juridiques et techniques soient réunies.
Taxe de mutation applicable aux achats immobiliers en Allemagne, calculée sur le prix ou la valeur vénale.
Lorsque l’achat est destiné à servir de résidence principale, le législateur a introduit des allègements ciblés. Une exonération temporaire des droits de 1,1 % et 1,2 % est prévue pour des acquisitions utilisées comme domicile principal, sous conditions de dates de signature et de dépôt de la demande d’inscription, d’un plafond de base taxable (500 000 € par transaction, doublé à 1 000 000 € si deux acquéreurs achètent ensemble, pas d’exonération au‑delà de 2 millions), et d’une obligation d’y résider pendant cinq ans, faute de quoi l’avantage doit être remboursé.
Une structure de coûts qui pèse environ 10 à 13 % du prix
Pour mesurer l’impact global des règles, il est utile de synthétiser les principaux postes obligatoires autour d’une transaction classique.
| Poste de coût | Base de calcul | Taux ou fourchette indicatifs |
|---|---|---|
| Taxe de mutation immobilière | Prix ou valeur vénale | 3,5 % (barème réduit en famille) |
| Droit d’inscription au registre (propriété) | Prix ou valeur vénale | 1,1 % |
| Droit d’inscription au registre (hypothèque) | Montant du prêt garanti | 1,2 % |
| Honoraires notaire/avocat (contrat, dépôt) | Prix du bien | env. 1,5 % à 3 % + 20 % de TVA |
| Commission d’agent immobilier (acheteur) | Prix du bien | max. 3 % + 20 % de TVA |
| Frais divers (évaluations, extraits, etc.) | Forfait ou montants unitaires | quelques centaines à quelques milliers d’€ |
Selon la structure de la transaction (présence ou non de courtier, financement bancaire, complexité juridique), le total des coûts d’acquisition se situe généralement entre 9 % et 13 % du prix, voire légèrement plus pour les non‑résidents en raison de démarches supplémentaires.
Restrictions pour les étrangers et contrôle des transferts
Le droit autrichien dresse une frontière nette entre les citoyens de l’Union européenne/EEE, assimilés aux nationaux, et les ressortissants de pays tiers. Les premiers peuvent acquérir librement la plupart des biens, sous réserve de règles spécifiques pour les terres agricoles et certaines zones touristiques où des limitations de résidences secondaires existent. Les seconds sont en principe soumis à une procédure d’autorisation.
Chaque région autrichienne (Land) régit les acquisitions immobilières par des étrangers via sa propre loi (Grundverkehrsgesetz) et une commission dédiée (Grundverkehrsbehörde). La législation définit précisément les acquéreurs considérés comme étrangers, incluant les personnes physiques non autrichiennes, les sociétés dont le siège est à l’étranger, les entités autrichiennes majoritairement détenues par des étrangers, ainsi que les associations ou fondations sous contrôle étranger. L’autorisation n’est accordée que si l’opération sert un intérêt culturel, social ou macroéconomique et ne nuit pas à l’intérêt public. Bien que la détention d’un titre de séjour dans l’UE ou l’existence de liens économiques avec la région puissent faciliter la décision, ils ne garantissent pas l’obtention de l’autorisation.
La pratique diffère fortement selon les régions : Vienne et Graz sont globalement ouvertes aux investisseurs non européens, même si un feu vert administratif reste requis dans la capitale. À l’inverse, des Länder alpins comme le Tyrol, le Vorarlberg ou une partie du Salzbourg appliquent des restrictions sévères, en particulier pour les résidences secondaires dans les stations de ski, où l’acquisition par des non‑résidents peut être quasi impossible, sauf rares exceptions explicitement zonées pour l’usage touristique ou de villégiature.
Les acquisitions immobilières via une société établie dans l’UE/EEE sont généralement traitées comme des achats nationaux, même avec des actionnaires tiers. Cependant, certains Länder allemands exigent que l’objet social de la société soit lié à l’immobilier. Les autorités vérifient rigoureusement l’origine des fonds dans le cadre de la lutte anti-blanchiment. Notaires, avocats et banques doivent collecter les justificatifs, identifier les bénéficiaires effectifs et signaler tout soupçon à l’office spécialisé du ministère de l’Intérieur.
Impôts sur la détention et la cession : entre stabilité et niches ciblées
Au‑delà des taxes de transfert, l’immobilier est soumis à plusieurs prélèvements récurrents ou ponctuels qu’il convient de maîtriser pour calibrer un investissement ou un projet patrimonial.
Les communes perçoivent chaque année un impôt foncier (“Grundsteuer”) basé non pas sur la valeur de marché, mais sur une valeur cadastrale évaluée par l’administration fiscale. Le taux de base oscille entre 0,1 % et 0,2 % de cette valeur, avant application d’un coefficient multiplicateur municipal pouvant atteindre 500 %, ce qui conduit à un plafond effectif d’environ 1 % de la valeur cadastrale. Lorsque le montant annuel dépasse 75 €, l’impôt est acquitté en quatre acomptes trimestriels. En pratique, cette charge reste modérée par rapport à d’autres pays européens et peut être répercutée sur les locataires dans le cadre des charges récupérables.
La taxe sur les plus-values immobilières (ImmoESt) s’applique à un taux proportionnel de 30 % sur le gain net. Pour les biens acquis avant le début des années 2000, des régimes forfaitaires avec un taux effectif réduit (ex: 4,2 %) peuvent s’appliquer. L’exonération automatique après 10 ans de détention a été supprimée pour les biens achetés après le printemps 2012. Deux exemptions majeures subsistent : la vente de la résidence principale (occupée au moins 2 ans consécutifs ou 5 ans sur les 10 dernières) et la cession de certains bâtiments auto-construits.
La TVA intervient ponctuellement dans l’immobilier. Le taux normal est de 20 % et s’applique à la vente de biens neufs par un promoteur, mais aussi aux honoraires des intermédiaires (notaires, avocats, agents). Les logements donnés en location à usage résidentiel sont généralement exonérés de TVA, sauf option expresse du bailleur, tandis que les locaux commerciaux sont en principe soumis à TVA sur les loyers lorsque le propriétaire est un assujetti.
L’Autriche n’applique plus d’impôt sur la fortune ni de droits de succession classiques depuis leur suppression en 2008. Cependant, les donations ou héritages de biens immobiliers sont soumis à une taxe spécifique sur le transfert, généralement calculée sur la valeur de marché du bien.
Héritage, donations et planification successorale
Les transmissions immobilières par décès ou par donation sont un domaine où la combinaison du droit civil, du droit fiscal et du registre foncier produit des effets parfois contre‑intuitifs.
Sur le plan civil, le droit successoral distingue la succession légale (en l’absence de testament) et la succession dite “testamentaire”, résultant d’un acte de dernière volonté, d’un legs ou d’un pacte successoral. Les héritiers légaux sont répartis par ordre : conjoint ou partenaire enregistré et proches parents, les plus proches excluant les plus lointains. Même en présence d’un testament, certains bénéficient d’une réserve héréditaire : le conjoint/partenaire et les descendants ont droit à une part minimale correspondant à la moitié de ce qu’ils auraient reçu selon la loi.
Les donations immobilières et apports à une fondation privée, outils de planification successorale, requièrent un acte notarié pour être valables. La création d’une fondation privée offre une stabilité intergénérationnelle et permet des optimisations fiscales (comme le report d’imposition sur les plus-values réinvesties). Cependant, elle est soumise à une taxe d’entrée de 2,5% (pouvant atteindre 25% dans certains cas) et engendre des coûts de constitution et de gestion annuels significatifs.
Sur le plan fiscal, même en l’absence de droits de succession/gift tax classiques, la transmission gratuite d’un bien immobilier déclenche la taxe de mutation. Pour les transferts au sein de la famille proche (enfants, conjoints, petits‑enfants, parfois frères et sœurs), un barème progressif est appliqué sur la valeur : 0,5 % jusqu’à 250 000 €, 2 % entre 250 001 € et 400 000 €, puis 3,5 % au‑delà. Dans certains cas, notamment pour des terres agricoles ou forestières transmises en ligne familiale, un taux réduit de 2 % s’applique sur une “valeur standard” spécifique. Hors famille, la règle est généralement un taux de 3,5 % sur la valeur de marché.
Les donations dépassant certains seuils (50 000 € entre proches ou 15 000 € entre non‑proches sur cinq ans) doivent être déclarées à l’administration fiscale, sous peine d’une amende pouvant atteindre 10 % de la valeur non déclarée. Les cadeaux usuels de moins de 1 000 € en sont exemptés. Pour un immeuble hérité, des coûts supplémentaires s’ajoutent : le droit d’inscription foncière de 1,1 %, les honoraires de notaire et d’avocat, l’évaluation du bien, et, en cas de pluralité d’héritiers, des frais de partage en cas de vente.
Un point souvent mal compris concerne l’imposition ultérieure en cas de revente. Si l’héritier revend le bien et réalise une plus‑value, une taxe de 30 % frappe le gain, sauf à bénéficier des exemptions liées à la résidence principale. Celles‑ci peuvent jouer en prenant en compte l’usage qu’en faisait le défunt : si la personne décédée y habitait comme résidence principale pendant au moins deux ans d’affilée, ou cinq ans sur les dix dernières années, la vente par l’héritier peut être exonérée. En revanche, si le bien reste dans le patrimoine de l’héritier sans être revendu, aucune taxe de mutation supplémentaire n’est due au seul motif du transfert héréditaire.
Exemple chiffré : l’appartement hérité et la taxe réduite
Le cas d’un appartement à Vienne illustre bien la mécanique des règles. Un petit‑en‑fils hérite d’un condominium dont la valeur de marché est de 400 000 €. La valeur unitaire fiscale du bien est fixée à 80 000 €. En tant qu’héritier familial, la taxe de mutation n’est pas calculée sur 400 000 €, mais sur cette valeur unitaire bien plus faible, avec un taux de 2 %, soit 1 600 €. Trois ans plus tard, il revend l’appartement. Comme sa grand‑mère y vivait depuis plus de quarante ans en tant que résidence principale, la vente est exonérée de plus‑value, malgré la hausse de valeur.
Baux d’habitation : un droit très protecteur pour les locataires
Le droit locatif autrichien est réputé particulièrement protecteur des locataires, en particulier pour les appartements soumis au champ d’application complet de la loi sur les baux (“Mietrechtsgesetz”, MRG). Il fonctionne à deux étages : le Code civil général (ABGB) fournit un socle de règles largement supplétives, laissant une grande liberté contractuelle lorsque la MRG ne s’applique pas ou seulement en partie ; la MRG, elle, impose des normes impératives sur la durée des contrats, les motifs de résiliation, et surtout les plafonds de loyers pour une large partie du parc ancien.
La distinction clé repose sur la nature de l’immeuble (ancien ou neuf, avec ou sans subvention publique) et la date du permis de construire. De manière schématique, les immeubles anciens, souvent construits avant 1945 ou 1953 selon les cas, relèvent du champ d’application complet (Vollanwendungsbereich) de la MRG, avec plafonds de loyer et encadrement fort. Les bâtiments plus récents ou certains types de biens (commerces, maisons individuelles, logements en copropriété) sont soumis partiellement (Teilanwendungsbereich) ou uniquement à l’ABGB. Pour ces derniers, le loyer est librement négocié, le législateur considérant que l’autonomie privée doit prévaloir, sous réserve de quelques garde‑fous généraux.
Dans la zone de pleine application de la MRG, trois systèmes de loyer maximal coexistent. Le “loyer de catégorie” classe les appartements de A à D selon leur surface (au moins 30 m² pour la catégorie A), leur équipement (cuisine, sanitaires) et l’état de l’immeuble. Le “loyer de valeur de référence” (“Richtwertmietzins”) fixe un montant au mètre carré propre à chaque Land, révisé périodiquement, puis ajusté à la hausse ou à la baisse en fonction de facteurs (étage, exposition, état du bâtiment, qualité de l’environnement). Enfin, le “loyer approprié” (“angemessener Mietzins”) s’applique à certains cas particuliers (grands appartements de luxe de plus de 130 m², bâtiments récents ou protégés, locaux non résidentiels), où le loyer doit rester en adéquation avec la taille, l’emplacement et l’état, tout en restant modéré par rapport au marché.
Pour les baux à durée déterminée, une réduction obligatoire appelée “Befristungsabschlag” diminue de 25 % le loyer principal maximal autorisé, une règle fréquemment oubliée dans les contrats, mais susceptible d’être invoquée par le locataire. Les charges récupérables, la structure du loyer et les taxes sont précisées par les articles 14 à 16 de la MRG : le loyer se compose du loyer principal, des charges communes (“Betriebskosten”), de certains suppléments et de la TVA (10 % pour les logements, 20 % pour les garages, meubles, etc.). Le loyer et les charges sont payables mensuellement, au plus tard le 5 de chaque mois, avec une régularisation annuelle des charges au plus tard le 30 juin.
Durée des contrats, congé et protection contre l’éviction
Deux grands types de baux coexistent : les contrats à durée déterminée (“befristeter Mietvertrag”) et les baux à durée indéterminée (“unbefristeter Mietvertrag”). La MRG impose, pour les appartements couverts, une durée minimale de trois ans pour les baux à terme. Ceux‑ci peuvent être prolongés autant de fois que les parties le souhaitent, mais chaque prolongation doit elle aussi durer au moins trois ans et être constatée par écrit, sans maximum légal de durée.
Même dans un bail à durée déterminée, le droit reconnaît au locataire, après la première année, la possibilité de mettre fin anticipativement au contrat, à condition de respecter un préavis de trois mois prenant effet à la fin du mois de notification. Concrètement, le départ le plus tôt possible intervient donc à la fin du 16e mois. Pour les baux ouverts, la règle de base est un préavis d’un mois, qui court également à compter de la fin du mois où la résiliation est notifiée. Des préavis plus longs peuvent être convenus contractuellement.
Les pouvoirs de résiliation du bailleur sont strictement encadrés par la loi. Un propriétaire ne peut mettre fin à un bail à durée indéterminée ou résilier prématurément un bail à terme qu’en invoquant un motif important exhaustivement listé à l’article 30 (ex: impayés réitérés, usage gravement dommageable du logement, besoin urgent du bailleur). La résiliation doit obligatoirement être portée devant le tribunal de district. Le locataire dispose ensuite de quatre semaines pour contester, ce qui peut engendrer une procédure judiciaire longue. Une expulsion immédiate n’est possible qu’en cas d’arriérés importants ou d’abus graves, mais les délais de traitement judiciaire se comptent souvent en mois.
Le principe de “Kündigungsschutz” – la protection contre le congé abusif – est au cœur du système. Le locataire ne peut être expulsé que pour des raisons légales et selon une procédure formalisée. À l’inverse, le non‑paiement répété du loyer expose effectivement à une action en résiliation et en expulsion. Toutefois, si le locataire paie ses dettes avant la fin de la procédure et qu’il n’a pas agit de manière gravement fautive, la loi lui donne une forme de seconde chance en permettant d’éviter la résiliation.
Le dépôt de garantie (Kaution), généralement équivalent à trois mois de loyer, couvre les dégradations et les impayés. Il est remboursé avec intérêts à la fin du bail si le logement est rendu en bon état et que toutes les obligations sont remplies. Le propriétaire ne peut pas retenir le dépôt indéfiniment en attendant la régularisation des charges ; il n’a que quelques jours pour évaluer ses créances légitimes.
Encadrement des commissions d’agent dans la location
Longtemps, les locataires autrichiens ont supporté seuls, ou presque, les commissions d’agent immobilier pour la mise en location. Depuis l’été 2023, un changement législatif majeur a introduit le “Bestellerprinzip”, ou principe du “commandeur‑payeur”. Le nouveau paragraphe 17a de la loi sur les agents immobiliers impose que celui qui mandate l’agent supporte les frais de courtage. Dans les baux résidentiels, cela signifie que, lorsque le propriétaire charge une agence de trouver un locataire, la commission ne peut être facturée qu’au bailleur, pas au preneur.
Pour qu’un locataire soit redevable d’une commission, encore faut‑il qu’il ait clairement mandaté l’agent avant toute recherche et qu’un accord de rémunération ait été conclu. La charge de la preuve incombe à l’agent, tenu de documenter par écrit chaque contrat de courtage relatif à une location d’habitation. Toute tentative de contourner la règle, en dissimulant la commission dans un loyer artificiellement majoré ou en faisant rémunérer l’agent par le locataire via un autre service, est prohibée. Les liens économiques étroits entre bailleur et agent (participation capitalistique, influence déterminante) privent également l’agence du droit de réclamer des honoraires au locataire.
Le respect de ces dispositions est contrôlé et des sanctions administratives jusqu’à 3 600 € par infraction peuvent frapper tant l’agent que le bailleur. En cas de commission indûment perçue, le locataire peut s’en faire rembourser le montant dans un délai de trois ans à compter de la prise de connaissance des faits, en s’appuyant sur les règles du Code civil et de la loi sur la protection des consommateurs. La Cour suprême autrichienne a déjà confirmé, dans un arrêt récent, qu’un agent qui n’attire pas l’attention sur un lien économique avec le bailleur et facture néanmoins des honoraires au locataire doit restituer ceux‑ci.
Bureaux, commerces et autres baux commerciaux
Si les habitations relèvent largement de la MRG, les locaux commerciaux, industriels ou les bureaux bénéficient d’une plus grande souplesse. Dans de nombreux cas, seule une partie des dispositions de la MRG s’applique, voire aucune, et c’est l’ABGB qui sert de cadre par défaut. Les parties peuvent alors convenir librement des durées, des modalités de résiliation, de la répartition des travaux d’entretien ou encore du mode de révision du loyer (souvent indexé sur l’indice des prix à la consommation).
Une distinction cruciale existe entre le bail de locaux (Geschäftsraummiete), partiellement soumis à la loi sur la réglementation des loyers (MRG) pour les contrats de plus de six mois, et le bail d’entreprise (Pacht), où le locataire exploite un fonds de commerce existant. Ce dernier, souvent assorti d’un loyer indexé sur le chiffre d’affaires, échappe totalement à la MRG et relève du droit civil commun, offrant une protection moindre au preneur concernant les plafonds de loyer et les conditions de résiliation.
Pour ces baux commerciaux, les durées usuelles vont de cinq à dix ans, souvent accompagnées d’options de renouvellement. Les charges et les coûts d’assurance sont en général refacturés aux locataires, de même que l’entretien courant. Les gros travaux structurels (toiture, façade, structure porteuse) restent à la charge du propriétaire, sauf clause contraire. La résiliation anticipée est encadrée principalement par le contrat, l’intervention de la justice n’étant requise que lorsque les textes impératifs (parties de la MRG applicables) l’exigent.
Performance énergétique et obligations liées à l’“Energieausweis”
L’Autriche applique depuis longtemps, et de manière coordonnée entre ses Länder, les exigences européennes en matière de performance énergétique des bâtiments. La loi de 2012 sur la présentation du certificat énergétique (“Energieausweis‑Vorlage‑Gesetz”, EAVG 2012), qui transpose la directive 2010/31/UE, impose la production et la communication d’un certificat de performance énergétique dès lors qu’un bâtiment est construit, vendu, loué ou fait l’objet d’une rénovation importante.
Ce document, valable dix ans, doit être remis à tout acquéreur ou locataire potentiel avant la conclusion du contrat, puis un exemplaire complet doit lui être fourni dans les 14 jours suivant la signature. Il ne s’agit pas d’une simple formalité technique : le certificat a la valeur d’un avis d’expert et les informations qu’il contient sont réputées constituer une caractéristique garantie du bien, intégrée au contrat. En cas d’écart significatif ou de fausse déclaration, la responsabilité du vendeur ou du bailleur peut être engagée.
Le certificat PEB affiche quatre indicateurs principaux sur deux pages : la demande spécifique de chauffage (HWB), la demande d’énergie primaire (PEB), les émissions de CO₂, et le facteur global d’efficacité énergétique (fGEE). Chacun est classé sur une échelle de A++ (meilleure performance) à G (moins bonne performance). Pour les bâtiments existants, le rapport doit inclure des recommandations de travaux visant à réduire la consommation d’énergie finale.
Les annonces immobilières, qu’elles soient publiées en ligne ou sur support papier, doivent mentionner la valeur HWB et le fGEE, sous peine d’une amende pouvant atteindre 1 450 €, tant pour le vendeur ou bailleur que pour l’agent immobilier. Si un agent a demandé les données et que le propriétaire les a refusées, l’agent peut être exonéré de responsabilité. Le défaut de présentation ou de remise du certificat lui‑même est également sanctionné par la même fourchette d’amende.
Certains bâtiments sont exemptés de l’obligation de certificat énergétique : ceux simplement maintenus hors gel, les constructions provisoires de moins de deux ans, les bâtiments saisonniers consommant moins du quart de l’énergie d’une résidence permanente, les petites constructions isolées de moins de 50 m², ou ceux promis à la démolition. En revanche, les édifices historiques ou classés ne sont plus exemptés : ils doivent obtenir un certificat, même si les possibilités d’adaptation énergétique peuvent être limitées par les contraintes de conservation.
Les données issues de ces certificats sont centralisées dans une base nationale, l’EPCDB, intégrée au registre des bâtiments et logements et gérée par Statistik Austria. Les certificateurs (architectes, ingénieurs, consultants énergétiques) peuvent y enregistrer leurs rapports en ligne, parfois via des bases de données de Land qui alimentent ensuite le registre central. Cette base sert non seulement au suivi réglementaire, mais aussi à l’élaboration de politiques publiques, notamment dans le cadre de la stratégie à long terme de rénovation du parc bâti.
Entre protection des parties et évolutions politiques
L’ensemble des règles décrites témoigne d’un équilibre recherché entre la sécurité des investisseurs, la protection des occupants et les objectifs de politique publique (transition énergétique, modération des loyers, préservation de l’agriculture et des paysages). Le système autrichien laisse une grande part aux contrats, mais encadre fortement les domaines jugés sensibles : baux d’habitation, transfert transfrontalier de biens, performance énergétique, transparence des registres.
Bien que l’impôt sur la fortune et les droits de succession classiques n’existent pas actuellement, le débat reste ouvert. Des propositions politiques visent à réintroduire des taxes progressives sur les gros patrimoines et les transmissions. Ces projets prévoient des franchises élevées pour les résidences principales et des régimes avantageux pour les transmissions d’entreprises, sous condition de maintien de l’emploi. Leur adoption future dépendra des majorités parlementaires.
Dans l’intervalle, certains mécanismes techniques, comme la hausse récente de la taxation des héritages immobiliers en se référant à la valeur de marché plutôt qu’à une base unitaire, ou la révision à la hausse des barèmes de transfert au sein des familles, dessinent déjà une tendance vers un renforcement de la contribution des patrimoines immobiliers élevés.
Pour les particuliers et professionnels, il est crucial d’anticiper en comprenant le régime juridique du bien (MRG complet ou partiel, ABGB seul), en vérifiant les charges et restrictions au registre foncier, en évaluant les impacts fiscaux actuels et potentiels, et en intégrant les contraintes énergétiques dès la conception ou avant une rénovation. L’appui de praticiens aguerris (notaires, avocats, fiscalistes, agents immobiliers spécialisés) constitue un investissement rentable pour naviguer en sécurité dans le paysage réglementaire autrichien.
Un chef d’entreprise français d’environ 50 ans, avec un patrimoine déjà bien structuré en Europe, souhaitait diversifier une partie de son capital dans l’immobilier résidentiel en Autriche pour rechercher du rendement locatif et une exposition à l’euro dans un marché stable. Budget alloué : 400 000 à 600 000 euros, sans recours au crédit.
Après analyse de plusieurs marchés (Vienne, Graz, Linz), la stratégie retenue a consisté à cibler un immeuble résidentiel ou un grand appartement dans un quartier en développement de Vienne ou Graz, combinant rendement locatif brut cible de 4–5 % — en gardant à l’esprit que « plus le rendement est grand, plus le risque est important » — et potentiel de valorisation à moyen terme, avec un ticket global (acquisition + frais + éventuels travaux) d’environ 500 000 euros. La mission a inclus : sélection du marché et du quartier, mise en relation avec un réseau local (agent immobilier, avocat, fiscaliste), choix de la structure de détention la plus adaptée (propriété directe ou société autrichienne) et définition d’un plan de diversification patrimoniale dans le temps.
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