L’histoire du pays Autriche est celle d’un territoire au cœur du continent, constamment traversé, disputé, recomposé. Entre empire multinational, champ de bataille de deux guerres mondiales et État neutre au centre de l’Europe, le pays a changé de visage plusieurs fois sans jamais perdre ce rôle de carrefour. Pour comprendre l’Autriche d’aujourd’hui, il faut remonter très loin, bien avant Vienne et les Habsbourg.
Des grottes préhistoriques aux royaumes celtes
Bien avant les frontières modernes, l’espace qui deviendra l’Autriche est occupé par des groupes humains dès le Paléolithique. Des traces de plus de 250 000 ans ont été retrouvées dans la grotte de Repolust en Styrie, complétées par des vestiges d’environ 70 000 ans dans la grotte de Gudenus en Basse-Autriche. À la fin de la Préhistoire, le paysage se transforme avec l’arrivée de l’agriculture et des premiers villages néolithiques, comme à Brunn am Gebirge près de Vienne.
Avec le Néolithique apparaissent les premières formes de proto-industrie, comme l’exploitation minière du silex, et le développement de cultures importantes dans la région alpine. Durant l’âge du Cuivre et du Bronze, le territoire s’intègre à de vastes réseaux d’échanges européens. La découverte d’Ötzi, l’homme des glaces datant d’environ 3300 av. J.-C., témoigne de ce monde composé de bergers, de mineurs et de commerçants.
L’âge du Fer marque un tournant avec la culture de Hallstatt (vers 1100–450 av. J.-C.), centrée sur l’exploitation du sel. Hallstatt devient l’un des sites les plus riches d’Europe grâce à cet « or blanc ». Les tombes aristocratiques regorgent d’objets de prestige venus d’aussi loin que la Méditerranée ou l’Afrique, signe que la région n’est pas isolée. À Hallstatt et sur des sites comme Zagersdorf en Burgenland, on retrouve même les plus anciennes traces connues de viticulture sur le territoire autrichien.
À partir du Ve siècle av. J.-C., la culture de La Tène se diffuse et les Celtes structurent l’espace en fondant le royaume du Norique. Ce développement est centré sur une ressource très recherchée : le fer de grande qualité, exporté vers Rome sous le nom de *ferrum noricum*. L’organisation du territoire est marquée par plusieurs oppida fortifiés, comme Kulm, Schwarzenbach et Braunsberg, qui dessinent une première carte urbaine. Certains de ces sites préfigurent des villes modernes, telles que Linz.
Le temps romain : le Danube comme frontière du monde
Vers 15 av. J.‑C., la machine impériale romaine incorpore progressivement le Norique et les régions voisines. L’actuel territoire autrichien se retrouve partagé entre les provinces de Norique, de Rhétie et de Pannonie. Pendant près de cinq siècles, les structures romaines vont marquer en profondeur l’espace : routes, villes, camps militaires, christianisme.
Le Danube constituait un segment clé du limes, la frontière défensive de l’Empire romain face aux peuples germaniques et de l’Est. Des villes comme Carnuntum (capitale de la Pannonie), Vindobona (Vienne), Juvavum (Salzbourg) et Brigantium (Bregenz) y sont devenues des nœuds stratégiques, abritant des légions, des garnisons et favorisant le commerce. La religion chrétienne s’y est implantée dès le IIᵉ siècle et s’est organisée autour d’évêchés au IVᵉ siècle.
Mais cet ordre romain s’effondre au fil des grandes migrations. Les Huns d’Attila, les Goths, puis toute une série de peuples germaniques traversent, pillent ou s’installent. Au Ve siècle, l’Empire renonce formellement à ses provinces du Danube : Norique est abandonné en 488, la Rhétie tombe entre les mains des Alamans, tandis que Pannonie est cédée aux Huns avant d’être grignotée par Goths et autres royaumes éphémères.
Slaves, Bavarii et Francs : un territoire en recomposition
Après la disparition de l’administration romaine, le territoire devient un patchwork politique. Les Bavarii (Bavarois), peuple germanique, s’installent au VIᵉ siècle au nord et à l’ouest. Dans les vallées de la Drave, de la Mura et de la Save, des Slaves — les Carantaniens — fondent au VIIᵉ siècle une entité originale, la Carantanie, souvent considérée comme le premier État slave alpin, avec un centre dans la plaine de Zollfeld (future Carinthie).
Plus à l’ouest, les Alamans (ancêtres des populations de Vorarlberg) renforcent leur présence. La frontière entre Slaves et Bavarois court alors approximativement de Freistadt, au nord, jusqu’aux Alpes de l’Est en passant par Linz, Salzbourg et le Tyrol oriental.
Pour sécuriser la frontière orientale de l’Empire après l’intégration de la Bavière, Charlemagne crée la *marchia orientalis*. Cette marche défensive, ancêtre de l’Autriche (Ostmark puis Österreich), est confiée à des margraves bavarois mais sera fortement menacée par les incursions hongroises à partir du IXᵉ siècle.
En 955, la victoire d’Otton Iᵉʳ à Lechfeld met fin aux grandes razzias magyares. Quelques années plus tard, l’Empire réorganise sa frontière : en 976, la marche orientale est confiée à un certain Léopold Iᵉʳ, de la maison de Babenberg. C’est la naissance de la première entité politique qu’on peut relier directement à l’Autriche.
Des Babenberg à « Ostarrîchi » : naissance d’un État
Sous les Babenberg (976–1246), la marche orientale devient progressivement un véritable duché. Léopold Iᵉʳ installe sa résidence à Melk en 984, puis ses successeurs étendent le territoire jusqu’aux lisières de la forêt viennoise, puis jusqu’à la Fischa. C’est dans une charte de 996 que l’on voit pour la première fois le terme Ostarrîchi, ancêtre direct de Österreich : le « royaume de l’Est ».
Cette année marque l’héritage du duché de Styrie par les Babenberg, doublant presque la taille de leur domaine.
La dynastie affiche ses ambitions : Leopold V se distingue aux croisades, capture Richard Cœur de Lion et encaisse une rançon colossale. Mais cette maison emblématique s’éteint brutalement avec la mort de Frédéric II à la bataille de la Leitha en 1246. Le vide de pouvoir qui s’ensuit ouvre la porte à un nouvel acteur : les Habsbourg.
Les Habsbourg prennent pied sur le Danube
Après la disparition des Babenberg, le roi Přemyslide Ottokar II de Bohême s’empare d’abord de l’Autriche, de la Styrie puis de la Carinthie. Il gouverne Vienne et contrôle une grande partie de l’espace alpin oriental. Mais son expansion inquiète les princes allemands. En 1273, ceux‑ci élisent comme roi des Romains un comte relativement modeste, Rodolphe de Habsbourg, issu d’une famille dont les terres se trouvent à l’origine dans l’actuelle Suisse.
Le face-à-face est inévitable. En 1278, à la bataille du Marchfeld, près de Dürnkrut, Rodolphe et ses alliés hongrois écrasent et tuent Ottokar II. Les terres autrichiennes « révertent » alors à la couronne impériale, et Rodolphe peut les attribuer à sa propre lignée. En 1282, à la Diète d’Augsbourg, il investit ses fils Albert et Rodolphe II comme ducs d’Autriche et de Styrie. L’espace des Babenberg devient le nouveau centre de gravité des Habsbourg, désormais surnommés « maison d’Autriche ».
Rodolphe Ier de Habsbourg
La dynastie ne cessera dès lors d’étendre ses possessions : Carinthie et Carniole en 1335, Tyrol en 1363, Trieste en 1382, d’autres territoires alpins par héritages et pactes. Ces « pays héréditaires » dessinent un continuum allant des frontières de la Bohême jusqu’à l’Adriatique.
Au milieu du XIVᵉ siècle, le duc Rodolphe IV se sent suffisamment puissant pour se fabriquer un statut équivalent à celui des princes-électeurs. Il fait forger le Privilegium Maius (1359), faux habile affirmant qu’il est « archiduc ». Le titre, refusé initialement, sera finalement confirmé en 1453 par l’empereur Frédéric III, qui fait de l’Autriche un archiduché – rang que les Habsbourg utiliseront jusqu’en 1918.
L’ascension impériale : l’Europe version Habsbourg
À partir de 1438, avec l’élection d’Albert II comme roi des Romains, puis de Frédéric III, les Habsbourg s’installent presque sans discontinuer sur le trône impérial du Saint‑Empire romain germanique. Frédéric III, couronné à Rome en 1452, fait de Vienne un centre de pouvoir impérial et développe sa célèbre devise cryptique « AEIOU » (souvent lue comme Austriae est imperare orbi universo, « c’est le destin de l’Autriche de dominer le monde »).
Maximilien Iᵉʳ (1493–1519) a considérablement étendu le pouvoir des Habsbourg par une politique matrimoniale habile, résumée par l’adage « Tu felix Austria nube » (« Tu es heureuse, Autriche, marie-toi »). Cette stratégie a permis d’étendre l’influence de la maison sur les Pays-Bas bourguignons et de préparer l’union avec l’Espagne. Son petit-fils, Charles Quint, élu empereur en 1519, hérita ainsi d’un empire s’étendant de l’Autriche aux Amériques.
Lorsque Charles abdique en 1556, la maison se divise en deux branches : espagnole et autrichienne. Cette dernière conserve l’archiduché d’Autriche, la Bohême et la plus grande partie de la Hongrie, acquise à la suite de la bataille de Mohács (1526). À travers les guerres de religion, la guerre de Trente Ans (ouverte en 1618 par la défenestration de Prague) et les conflits avec les Ottomans, les Habsbourg transforment peu à peu ce patchwork en une monarchie centralisée autour de Vienne.
Un moment charnière est le siège de Vienne par les Ottomans en 1683. L’armée ottomane est repoussée grâce à l’intervention du roi polonais Jean III Sobieski. La reconquête s’enchaîne : la paix de Karlowitz (1699) cède à la monarchie habsbourgeoise la majeure partie de la Hongrie. Le centre de gravité de l’empire s’étend vers le sud‑est.
Au XVIIIᵉ siècle, après les guerres de Succession d’Espagne et d’Autriche, puis la perte de la riche Silésie au profit de la Prusse, l’espace habsbourgeois reste néanmoins un des grands pôles de puissance européens. Charles VI, pour assurer la succession de sa fille Marie‑Thérèse, promulgue la Pragmatique Sanction, qui sera pourtant contestée, déclenchant la guerre de Succession d’Autriche (1740–1748). Marie‑Thérèse et son fils Joseph II réforment profondément l’appareil d’État : fiscalité, armée, éducation, justice, tolérance religieuse, abolition de la servitude… L’Autriche devient un État moderne, même si les résistances restent fortes.
De l’Empire d’Autriche à la double monarchie
Les guerres napoléoniennes bouleversent l’Europe et frappent durement la maison de Habsbourg. Battue à Austerlitz, l’Autriche perd des territoires, voit son influence en Allemagne reculer face à la Prusse, mais reste présente au concert diplomatique. En 1804, pour faire face à l’ascension de Napoléon, l’empereur François II se proclame « empereur d’Autriche », créant l’Empire d’Autriche. Deux ans plus tard, il renonce à la dignité d’empereur du Saint‑Empire, qui est officiellement dissous en 1806.
Après la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne (1814-1815), dirigé par le chancelier Metternich, redessine l’Europe. L’Autriche y conserve son statut de grande puissance, devient la tête de la nouvelle Confédération germanique (39 États), et étend son influence en obtenant la Lombardie-Vénétie en Italie, tout en confirmant son contrôle sur de vastes régions d’Europe centrale et balkanique. Ce congrès établit un système de concert des puissances visant à maintenir l’équilibre européen et à réprimer les mouvements libéraux et nationaux.
Mais les forces à l’œuvre sont plus fortes que la réaction. Les révolutions de 1848, puis la montée des nationalismes et la rivalité avec la Prusse affaiblissent la position autrichienne en Allemagne. La défaite de Sadowa (guerre austro‑prussienne de 1866) exclut définitivement l’Autriche du jeu unitaire allemand orchestré par Bismarck.
En 1867, la monarchie conclut le « Compromis » avec la noblesse hongroise, créant l’Autriche-Hongrie. Cette double monarchie unit l’Empire d’Autriche et le Royaume de Hongrie comme deux États égaux sous le souverain François‑Joseph Iᵉʳ. Chacun possède son propre parlement et gouvernement, tandis que des ministères communs gèrent les affaires étrangères, l’armée et les finances. Cette structure reste fragile, car elle repose sur un accord entre les élites germano-autrichiennes et hongroises, marginalisant les autres nationalités de l’Empire.
Un empire multinational sous tension permanente
L’espace de la double monarchie est un véritable mosaïque : Allemands, Hongrois, Tchèques, Slovaques, Polonais, Ruthènes (Ukrainiens), Roumains, Croates, Slovènes, Serbes, Italiens, juifs, vivent sous le même toit politique. Le recensement de 1910 montre un niveau d’urbanisation notable (25 % de la population vit en ville), un industriel plus avancé que celui de l’Italie et un PIB par habitant supérieur à celui du royaume italien, mais les fractures sociales et nationales s’aiguisent.
En 1907, la loi impose la maîtrise du hongrois dès la quatrième année pour tous les élèves dans la moitié hongroise de l’empire.
Pourtant, l’empire n’est pas uniquement un « prison des peuples ». Il accorde des droits linguistiques et culturels, crée des infrastructures modernes (chemins de fer, télégraphe, premiers métros à Budapest en 1896), industrialise des régions entières, et laisse une empreinte architecturale spectaculaire : la Ringstrasse de Vienne, les grands boulevards de Budapest, les théâtres et hôtels néo‑baroques ou sécessionnistes de Zagreb, Ljubljana, Brno ou Cluj témoignent d’une intense urbanisation fin de siècle. Vienne devient un foyer culturel d’envergure mondiale, avec des figures comme Gustav Klimt, Sigmund Freud, Schönberg, Mahler ou Wittgenstein.
Mais derrière cette vitalité se profile une fragilité structurelle : celle d’un empire où les élites dirigeantes peinent à s’accorder sur des réformes fédérales permettant aux différentes nationalités de coexister politiquement.
Sarajevo 1914 : quand l’Autriche déclenche l’incendie
La crise qui emporte la double monarchie prend naissance au cœur des Balkans. En 1908, l’Autriche‑Hongrie a annexé la Bosnie‑Herzégovine, jusqu’alors administrée sans être formellement intégrée. Ce geste braque la Serbie et ses alliés russes, exaspère les nationalistes slaves du Sud et tend les relations avec l’Empire ottoman. Plusieurs responsables, comme l’ancien ministre Aehrenthal, sont convaincus que la prochaine grande guerre sera « balkanique » et parlent déjà de Weltkrieg — guerre mondiale.
Le 28 juin 1914, l’archiduc héritier François‑Ferdinand se rend à Sarajevo, capitale de la Bosnie. Un commando de six jeunes nationalistes serbo‑bosniaques de Mlada Bosna, armés et encadrés par la société secrète serbe de la Main noire, attend son cortège. Après une première tentative ratée, Gavrilo Princip tire à bout portant et tue l’archiduc et son épouse Sophie. L’historien Z. A. B. Zeman notera que la réaction de l’opinion publique autrichienne est plutôt tiède, voire indifférente, mais la machine d’État y voit l’occasion de « régler le compte » à la Serbie.
En 1914, les autorités autrichiennes attisent des violences anti-serbes à Sarajevo et dans la région, menant à des émeutes, des destructions, des internements et des exécutions, orchestrées notamment par la milice Schutzkorps.
À Vienne comme à Budapest, les dirigeants voient surtout un enjeu stratégique : empêcher le renforcement de la Serbie et la contagion nationaliste parmi les Slaves du Sud. La Serbie vient de sortir victorieuse de la seconde guerre balkanique (1913), agrandissant son territoire, ce qui inquiète fortement la double monarchie, qui a déjà perdu des zones italophones au profit du Piémont et craint désormais de perdre ses régions slaves du Sud.
Le 5 juillet 1914, l’ambassadeur austro‑hongrois à Berlin, László Szőgyény, reçoit des assurances du Kaiser Guillaume II : l’Autriche‑Hongrie peut compter sur un soutien « plein et entier » de l’Allemagne contre la Serbie. Le Kaiser parie que la Russie n’est pas prête à la guerre et hésitera à mobiliser. Fort de ce « chèque en blanc », le gouvernement austro‑hongrois prépare un ultimatum extrêmement dur à la Serbie.
Le Premier ministre hongrois István Tisza, convoqué à Vienne après l’attentat, met en garde contre une guerre avec la Serbie. Il craint qu’elle n’entraîne mécaniquement la Russie et un conflit européen généralisé. Méfiant envers l’alliance italienne récente et redoutant qu’une victoire trop nette ne renforce l’armée autrichienne au détriment de l’équilibre interne avec la Hongrie, il plaide pour une solution diplomatique et laisse du temps à Belgrade pour répondre.
Malgré ces réserves, l’ultimatum de juillet est envoyé à la Serbie avec dix exigences draconiennes, dont certaines portent atteinte à sa souveraineté. Belgrade en accepte neuf et donne une réponse partielle sur une seule. Prétexte suffisant pour Vienne : l’Autriche‑Hongrie déclare la guerre à la Serbie fin juillet 1914. En quelques semaines, par le jeu des alliances, la crise balkanique devient première guerre mondiale : la Russie mobilise pour soutenir la Serbie, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie puis à la France, envahit la Belgique, entraînant l’entrée en guerre du Royaume‑Uni. Plus tard, l’Italie, la Roumanie, la Grèce rejoindront l’Entente, tandis que la Bulgarie et l’Empire ottoman s’alignent sur les Empires centraux.
L’Autriche‑Hongrie dans la tourmente de 1914–1918
Militairement, la double monarchie part avec plusieurs handicaps. Son effort de défense stagne depuis le Congrès de Berlin de 1878 : les dépenses militaires n’ont même pas doublé, là où celles de l’Allemagne ont été multipliées par cinq, et celles de la Russie, de la France et du Royaume‑Uni ont triplé. L’économie est moins industrialisée que celle de l’Allemagne, la base industrielle reste modeste même si le pays est plus urbanisé et plus riche en moyenne que l’Italie. La structure multinationale de l’armée complique la cohésion, et le haut commandement, dirigé par le chef d’état‑major Franz Conrad von Hötzendorf, se révèle à plusieurs reprises incompétent.
Sur le plan institutionnel, la guerre renforce encore le pouvoir militaire. En Autriche, le Premier ministre Stürgkh, utilisant l’article 14 de la Constitution, suspend le Parlement et les diètes régionales, met les droits civiques entre parenthèses et instaure une censure stricte. L’historien Josef Redlich parlera d’une « dictature militaire ». Des lois d’exception prévues dès les crises balkaniques permettent au commandement de prendre la main sur l’administration civile en cas de guerre. Le Parlement ne sera rappelé qu’en 1917, trop tard pour enrayer la désintégration politique.
Des fronts multiples, des erreurs lourdes
Dès l’été 1914, l’Autriche‑Hongrie se retrouve impliquée sur trois fronts : contre la Serbie, contre la Russie en Galicie et, plus tard, contre l’Italie. Le plan initial, dit « Plan B », prévoit une offensive massive contre la Serbie depuis trois directions. Mais Conrad sait que la Russie interviendra et, persuadé à tort qu’elle mettra longtemps à mobiliser, il tente de jouer sur deux tableaux : attaquer rapidement la Serbie tout en se préparant à redéployer vers le nord.
Le premier mois de combat en Galicie coûte environ 100 000 morts aux forces austro-hongroises.
Sur le front serbe, la situation n’est guère meilleure. L’invasion de 1914, menée avec moins de troupes que prévu dans un terrain montagneux très difficile, se heurte à une défense serbe déterminée. L’armée austro‑hongroise progresse peu, réagit de façon brutale en massacrant des milliers de civils par peur de francs‑tireurs, puis doit finalement se replier fin août. Une nouvelle offensive lui permet de prendre Belgrade un temps, mais la position n’est pas tenable pour l’hiver. Au terme de 1914, l’armée a perdu près de la moitié de ses effectifs engagés en Serbie : 227 000 hommes sur 450 000.
Nombre de soldats serbes évacués par les Alliés après l’occupation de la Serbie à l’automne 1915.
À l’ouest, une autre surprise attend Vienne : l’Italie, alliée sur le papier de la double monarchie, choisit la neutralité en 1914, puis bascule dans le camp de l’Entente en 1915, attirée par la promesse de gains territoriaux aux dépens de l’Autriche. À partir de mai 1915, un nouveau front s’ouvre sur les Alpes juliennes et le front de l’Isonzo. L’armée italienne, numériquement puissante mais mal commandée et mal préparée, lance une série d’assauts meurtriers mais peu concluants. L’Autriche‑Hongrie résiste, mène une « expédition punitive » dans le Trentin en 1916, mais ne parvient pas à briser l’adversaire.
L’usure : pénuries, inflation, démoralisation
Derrière les lignes, la guerre transforme profondément la société de la double monarchie. La perte de la Galicie, plus grand producteur de céréales de la partie autrichienne, et les besoins énormes de l’armée plongent l’empire dans une crise alimentaire. La Hongrie, riche en terres agricoles, doit désormais nourrir non seulement ses civils mais aussi une bonne part de l’armée commune. Là où elle exportait plus de 2 millions de tonnes de grain vers l’Autriche avant la guerre, elle ne peut plus fournir que 100 000 tonnes en 1916. Le blocus allié rend pratiquement impossible toute importation de denrées ou de combustibles.
Les autorités militaires occupent des territoires fertiles comme le sud de la Roumanie à partir de 1916 et raflent environ 15 % des besoins céréaliers de l’armée, mais refusent souvent de laisser ces stocks parvenir aux civils autrichiens. Vienne va jusqu’à transférer des unités d’instruction en Serbie ou en Pologne pour qu’elles y soient nourries. Les officiers vivent relativement bien pendant que des populations entières connaissent la faim. À partir de 1917–1918, la situation tourne à la misère massive : pénurie de combustible pour se chauffer, flambée des prix, épidémies dont la grippe de 1918.
L’indice des prix bondit à 1589 en 1918, contre une base de 129 en 1914, balayant l’essentiel de l’épargne de la classe moyenne.
Politiquement, l’armée occupe une place quasi autonome. Selon le compromis de 1867, elle relève directement de l’empereur‑roi, et le commandement voit le monde civil comme inférieur. Des législations d’urgence adoptées avant 1914 donnent aux autorités militaires des pouvoirs particulièrement étendus. La censure masque l’ampleur du mécontentement, surtout dans les populations non germaniques. L’état‑major met en doute la loyauté de certaines communautés, notamment en Galicie où, dès le premier mois de guerre, l’ensemble de la population ruthène est suspectée de trahison. Des milliers de civils galiciens sont déportés ou assassinés, notamment au camp d’internement de Thalerhof.
À mesure que la guerre se prolonge, les tensions nationales s’aiguisent. La Hongrie, forte de son poids démographique (42 % de la population de la monarchie) et de sa capacité à nourrir l’armée, acquiert une influence décisive. Son Premier ministre, István Tisza, devient l’homme fort de l’empire, au point de faire démettre le ministre des Affaires étrangères Berchtold en 1915 et de faire nommer à sa place un Hongrois, Burián. L’Autriche doit composer avec ce partenaire réticent, qui bloque parfois les livraisons de denrées et défend surtout les intérêts magyars.
Sur le terrain militaire, la dépendance envers l’Allemagne devient totale. Incapable de planifier correctement, l’état‑major autrichien doit accepter que les opérations soient dirigées de plus en plus par Berlin. Dès septembre 1916, l’empereur allemand obtient le commandement effectif de toutes les forces des Empires centraux. À partir de là, l’Autriche‑Hongrie n’est plus qu’un satellite militaire de l’Allemagne, liée à un allié qui, aux yeux de certains dirigeants germaniques, ressemble à un « cadavre auquel on est enchaîné ».
La fin de l’Empire : nationalités en révolte, État en faillite
En novembre 1916, la mort de François‑Joseph et l’accession au trône de Charles Iᵉʳ changent de ton, sinon de destin. Le jeune empereur tente de desserrer l’étreinte allemande, remplace les hommes pro‑berlinois, limoge Conrad de son poste de chef d’état‑major en 1917, et cherche une paix de compromis. Avec l’aide de son beau‑frère, le prince Sixte de Bourbon‑Parme, il ouvre des canaux secrets vers la France et le Royaume‑Uni, allant jusqu’à se dire prêt à soutenir le retour de l’Alsace‑Lorraine à la France et à envisager des concessions à l’Italie.
Mais ces démarches achoppent sur un mur : l’Italie, liée par le traité secret de Londres de 1915 qui lui promet de larges annexions en cas de victoire, oppose son veto à toute paix séparée trop clémente pour l’Autriche‑Hongrie. La France et le Royaume‑Uni, eux, ne croient plus à la survie du vieux système dynastique. L’entrée en guerre des États‑Unis en 1917 et la vague révolutionnaire issue de la Russie bolchevique introduisent une dimension idéologique nouvelle : les Empires centraux, gouvernés de manière autoritaire, se retrouvent opposés à des puissances qui font de l’« autodétermination des peuples » un principe.
L’hiver 1917-1918 est marqué par une grave détérioration des conditions sociales : grèves massives, pénuries de pain et de charbon. Inspirés par la révolution russe, les mouvements socialistes réclament « du pain et la paix », souvent liés à des revendications nationales. Des mutineries éclatent dans l’armée et la marine. Bien que l’appareil d’État parvienne à réprimer ces agitations début 1918, son autorité est durablement affaiblie.
Parallèlement, les mouvements nationalistes gagnent en puissance. Les dirigeants tchèques, slovaques, polonais, yougoslaves organisent des conseils nationaux, parfois en exil. À l’extérieur, les Alliés encouragent ces revendications. À Rome, en avril 1918, un « congrès des nationalités opprimées » rassemble des représentants Tchèques, Slaves du Sud, Roumains, etc., et fait entendre clairement que l’autonomie à l’intérieur de l’empire ne suffit plus : l’objectif est l’indépendance.
Charles tente une ultime manœuvre constitutionnelle. Le 16 octobre 1918, il publie un manifeste proposant de transformer la partie autrichienne en fédération de quatre entités — allemande, tchèque, slave du Sud et ukrainienne — tandis que les Polonais sont libres de rejoindre un futur État polonais. Trieste obtient un statut spécial. Les territoires hongrois restent hors champ. Mais il est trop tard. Deux jours plus tôt, le 14 octobre, le ministre des Affaires étrangères Burián a écrit au président américain Wilson pour demander un armistice basé sur ses Quatorze Points. La réponse américaine, signée par le secrétaire d’État Robert Lansing le 18 octobre, est sans appel : les États‑Unis soutiennent désormais explicitement les Czechs, Slovaks et Slaves du Sud, et l’autonomie à l’intérieur d’une monarchie n’est plus acceptable. Wilson ne veut plus traiter sur la base du maintien de la double monarchie.
Lansing vient, en quelque sorte, de signer l’acte de décès de l’Autriche‑Hongrie. Sur place, la dissolution s’accélère. En Galicie, le 7 octobre, un comité polonais proclame l’indépendance et l’intégration à un futur État polonais. À Prague, le 28 octobre, les politiciens tchèques prennent le contrôle des institutions et annoncent la naissance de la Tchécoslovaquie ; deux jours plus tard, les Slovaques suivent à Martin. À Zagreb, le 29 octobre, les représentants croates, slovènes et serbes proclament l’État des Slovènes, Croates et Serbes, avec l’intention de s’unir bientôt à la Serbie et au Monténégro. Dans le même temps, les députés germanophones de Vienne et des provinces alpines se regroupent au sein d’un Conseil national german‑autrichien qui commence à affirmer son autorité.
En Hongrie, le Parlement met fin à l’union avec l’Autriche le 17 octobre. Le 31 octobre, la « révolution des Astres » porte au pouvoir le comte Mihály Károlyi, qui proclame peu après la République démocratique hongroise et répudie le compromis de 1867 : la double monarchie est officiellement dissoute.
Sur le front italien, la dernière offensive autrichienne sur le Piave en juin 1918 est un désastre, menée par des soldats épuisés et sous-équipés. En octobre, les Italiens reprennent l’initiative à Vittorio Veneto, provoquant l’effondrement des lignes austro-hongroises. Une armée démoralisée bat en retraite, minée par les désertions. Des déserteurs, appelés « Cadres verts », forment des groupes armés en Croatie-Slavonie, se livrant au pillage alors que l’autorité civile s’effondre, illustrant la dislocation de l’Empire.
Le 3 novembre 1918, à Villa Giusti, près de Padoue, l’armistice est signé avec l’Italie, alors même que l’empire n’existe déjà plus politiquement depuis fin octobre. Les conditions sont sévères : évacuation de tous les territoires occupés depuis 1914, abandon du Tyrol du Sud, de Trieste, de l’Istrie, de la Dalmatie, internement des forces allemandes en territoire austro‑hongrois, confiscation de la plupart des navires. Des erreurs dans la mise en œuvre des clauses provocent la capture de plus de 300 000 soldats austro‑hongrois par les Italiens.
Le 11 novembre 1918, Charles publie une déclaration dans laquelle il « renonce à toute part dans les affaires de l’État » autrichien et reconnaît au peuple le droit de choisir sa forme de gouvernement, sans toutefois abdiquer formellement. Le lendemain, le Conseil national proclame la « République d’Autriche allemande » (Deutschösterreich), qui souhaite se rattacher à l’Allemagne. À Budapest, quelques jours plus tard, la République démocratique hongroise est officialisée. La monarchie habsbourgeoise a cessé d’exister.
De la Première République à l’Anschluss
Le nouvel État autrichien naît donc en 1918 comme un tronçon germanophone réduit des anciens territoires impériaux, composé essentiellement des provinces danubiennes et alpines d’aujourd’hui. La capitale reste Vienne, ville disproportionnée par rapport au territoire, passée en quelques mois du statut de métropole d’un empire de 50 millions d’habitants à celui de capitale d’un petit État de quelques millions d’âmes. Sur le plan international, les traités de paix (notamment celui de Saint‑Germain‑en‑Laye en 1919) interdisent expressément à la nouvelle « République d’Autriche » tout projet d’union politique avec l’Allemagne et l’obligent à renoncer au nom même de « Deutschösterreich ».
La Première République autrichienne (1918-1938) fut une période de grande fragilité, caractérisée par de violentes tensions sociales, une forte inflation et des affrontements entre la gauche social-démocrate et la droite conservatrice. Face à la montée du nazisme dans les années 1930, les chanceliers Engelbert Dollfuss puis Kurt Schuschnigg tentèrent de préserver l’indépendance du pays, mais instaurèrent eux-mêmes un régime autoritaire, connu sous le nom d’austrofascisme.
En mars 1938, Adolf Hitler, lui‑même natif de Haute‑Autriche, profite de cette fragilité, de l’isolement diplomatique de Vienne et du soutien massif d’une partie de la population à l’idée d’union avec l’Allemagne. Les troupes allemandes entrent en Autriche sous les acclamations ; l’Anschluss est proclamé, et le pays disparaît de la carte comme État souverain. Le régime nazi s’efforce d’effacer toute identité distincte : drapeau, hymne, symboles sont bannis, le nom même d’« Autriche » est remplacé par « Ostmark », puis par l’appellation administrative « Reichsgaue des Alpes et du Danube ». L’éducation et la propagande poussent un nationaliste allemand exclusif.
Nombre d’Autrichiens ayant servi dans les forces armées allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale.
La Seconde République et la neutralité comme identité
À la chute du IIIᵉ Reich, les Alliés occupent l’Autriche, qu’ils divisent en quatre zones (américaine, soviétique, britannique, française), avec Vienne elle‑même quadripartite. La déclaration de Moscou de 1943 avait déjà posé un principe : l’Autriche serait considérée comme la « première victime » de l’agression nazie, même si sa responsabilité dans les crimes du régime ne serait pas ignorée. Le 27 avril 1945, le pays proclame son indépendance vis‑à‑vis du Reich ; le 5 juin, la déclaration de Berlin confirme la fin de l’Anschluss.
Le rétablissement complet de la souveraineté de l’Autriche a nécessité dix ans de négociations, retardées par la guerre froide et la volonté initiale soviétique d’en faire un État satellite. Le processus s’est débloqué après la mort de Staline et le début du « dégel » sous Khrouchtchev. En avril 1955, une délégation menée par le chancelier Julius Raab a signé à Moscou un mémorandum, base d’un futur traité. L’URSS a accepté de rétablir une Autriche indépendante à la condition expresse qu’elle adopte une neutralité permanente.
Le 15 mai 1955, le Traité d’État est signé au palais du Belvédère à Vienne par les quatre puissances occupantes et le gouvernement autrichien. Il interdit toute future union avec l’Allemagne, proscrit les organisations nazies et fascistes, garantit des droits aux minorités slovènes et croates, et règle les questions de propriété, notamment en accordant à l’URSS certaines concessions sur des champs pétrolifères et la compagnie de navigation du Danube. Il ne dit en revanche rien sur le Tyrol du Sud, ce qui nourrira un contentieux durable avec l’Italie.
Le traité entrant en vigueur le 27 juillet, les dernières troupes étrangères quittent le territoire autrichien le 25 octobre 1955. Le lendemain, 26 octobre, le Parlement adopte la Déclaration de neutralité comme loi constitutionnelle. L’Autriche s’engage ainsi volontairement à une neutralité permanente, à ne pas rejoindre d’alliance militaire et à ne pas autoriser de bases étrangères. Cette date, intégrée à la Constitution, est célébrée comme fête nationale, d’abord nommée « Jour du drapeau », puis « Jour de la neutralité ».
Ce choix de neutralité devient rapidement un élément central de l’identité de la Seconde République. Il permet à l’Autriche de se positionner comme pont entre l’Est et l’Ouest pendant la guerre froide, tout en rejoignant les grandes organisations internationales : Nations unies et Conseil de l’Europe en 1955, Organisation européenne de coopération économique, GATT, FMI, Banque mondiale… Vienne accueille peu à peu des organisations comme l’AIEA, l’OSCE, OPEP ou l’ONUDI, renforçant son rôle de forum diplomatique.
La chronologie de ces jalons majeurs peut être résumée ainsi :
| Année | Événement clé pour l’Autriche contemporaine |
|---|---|
| 1955 | Traité d’État, départ des troupes d’occupation, Déclaration de neutralité |
| 1956 | Adhésion au Conseil de l’Europe, accueil de réfugiés hongrois |
| 1960 | Membre fondateur de l’AELE (EFTA) |
| 1972–1977 | Accord de libre-échange avec la CEE, suppression des droits de douane industriels |
| 1995 | Adhésion à l’Union européenne, participation à Schengen (1997) et à l’euro (1999/2002) |
De la neutralité à l’intégration européenne
La neutralité n’empêche pas l’intégration économique occidentale. Dès l’après‑guerre, l’Autriche bénéficie du plan Marshall, entre à l’OECE (future OCDE), puis joue un rôle actif dans l’AELE qu’elle contribue à fonder en 1960. Ses exportations se dirigent de plus en plus vers la Communauté économique européenne ; à la fin des années 1980, environ deux tiers de ses exportations vont déjà vers les pays de la Communauté.
À partir des années 1980, un consensus se forme progressivement en faveur d’un rapprochement politique. La Fédération des industriels autrichiens réclame une adhésion à la CEE dès 1987 ; l’ÖVP se prononce pour en 1988, suivie par des institutions clefs du partenariat social et par les gouverneurs régionaux en 1989. En juillet 1989, le gouvernement dépose officiellement une demande d’adhésion aux Communautés européennes, en insistant toutefois sur le maintien de la neutralité.
Les négociations d’adhésion débutent en 1993 et se concluent en mars 1994. Elles portent sur des dossiers sensibles : politique agricole commune, transit de poids lourds à travers les Alpes, vente de propriétés en zone alpine. Une fois les compromis trouvés, le traité d’adhésion est signé à Corfou le 24 juin 1994.
La population est appelée à se prononcer par référendum le 12 juin 1994. La participation atteint 82,4 %, et 66,6 % des votants approuvent l’adhésion (avec un pic de 77,7 % de « oui » au Burgenland). Les principaux opposants sont le FPÖ de Jörg Haider, les Verts et le Parti communiste. L’Autriche entre officiellement dans l’Union européenne le 1ᵉʳ janvier 1995, en même temps que la Suède et la Finlande, deux autres pays auparavant neutres.
L’adhésion à l’UE a conduit à amender la loi sur la neutralité pour la rendre compatible avec la politique étrangère et de sécurité commune. L’Autriche a rejoint le Partenariat pour la paix de l’OTAN en 1995, est devenue observatrice à l’Union de l’Europe occidentale, participe à des missions de maintien de la paix et s’engage dans des projets de coopération structurée permanente (PESCO) au sein de l’UE.
Aujourd’hui, l’Autriche reste officiellement neutre, mais cette neutralité est de plus en plus comprise comme « neutralité militaire » dans le cadre d’un engagement politique et économique très poussé au sein de l’Union. Elle participe à des opérations en Bosnie‑Herzégovine, contribue à une dizaine de projets PESCO et a rejoint en 2023 l’Initiative européenne de bouclier anti‑aérien (ESSI). Son budget de défense, longtemps tombé autour de 1 % du PIB, est appelé à remonter à 2 % d’ici 2032.
Les dépenses de défense illustrent bien cette évolution :
| Période approximative | Dépenses de défense (en % du PIB) |
|---|---|
| 1955–1990 | 1,3–1,7 % |
| ~2024 | 1,0 % |
| Objectif 2032 | 2,0 % |
L’Autriche actuelle : entre mémoire impériale et défis contemporains
Aujourd’hui, la République d’Autriche est un État fédéral d’environ 9,2 millions d’habitants, composé de neuf Länder, avec Vienne pour capitale. Le régime est parlementaire : un président fédéral, chef de l’État, et un chancelier, chef du gouvernement, coexistent dans un système où le Parlement bicaméral (Conseil national et Conseil fédéral) joue un rôle central. Depuis 2017, Alexander Van der Bellen, ancien leader écologiste, occupe la présidence.
Depuis 1945, l’Autriche a connu une profonde transformation. Son économie, initialement structurée autour d’un ‘partenariat social’ entre syndicats, patronat et grands partis, a été marquée par des vagues de privatisations à partir des années 1980. L’intégration européenne a accéléré cette modernisation, tout en exposant le pays à des chocs comme la crise de la zone euro. Politiquement, des périodes de grande coalition (SPÖ/ÖVP) ont alterné avec des gouvernements incluant le parti populiste de droite FPÖ. La formation d’une coalition ÖVP/FPÖ en 2000 a même conduit à des sanctions diplomatiques des autres États membres de l’UE.
La question de la neutralité reste un sujet de débat vif, surtout depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022. Les sondages montrent toutefois une attache très forte de la population à ce principe : en 2022, environ 76 % des Autrichiens souhaitent la maintenir, contre 18 % seulement favorables à une adhésion à l’OTAN. En 2025, près de 78 % disent encore y être attachés. Dans le même temps, une majorité se dit inquiète du niveau de protection du pays et réclame un débat « honnête » sur l’avenir de la neutralité.
Le tableau simplifié de l’opinion publique récente sur la neutralité ne présente aucun chiffre spécifique à mettre en avant.
| Question (sondages récents) | Résultat approximatif |
|---|---|
| Faut‑il conserver la neutralité ? | ~75–80 % « oui » |
| L’Autriche devrait‑elle rejoindre l’OTAN ? | ~13–18 % « oui » |
| La neutralité est‑elle aujourd’hui contournée ou érodée ? | ~50 % « oui » |
| L’Autriche est‑elle suffisamment protégée contre une agression ? | ~75 % « non » |
Ces chiffres illustrent un paradoxe : la neutralité est perçue comme un pilier identitaire, mais aussi comme un dispositif à réexaminer face à un environnement sécuritaire plus hostile, où des voisins autrefois neutres comme la Finlande et la Suède ont choisi d’entrer dans l’OTAN.
Dans le même temps, l’Autriche exerce une politique étrangère active, notamment vers l’Est, dans la lignée de sa tradition de « pont » entre blocs. Elle offre un soutien important à l’Ukraine depuis 2022, essentiellement sous forme d’aide humanitaire (environ 822 millions d’euros), et reste une plateforme diplomatique majeure. Des défis nouveaux apparaissent aussi : Vienne est régulièrement décrite comme un « hub » pour les services de renseignement, notamment russes, révélant les vulnérabilités d’un pays où la neutralité n’a pas empêché les ingérences.
Un fil conducteur : le centre de l’Europe
Si l’on prend du recul, l’histoire du pays Autriche apparaît traversée par un fil rouge : sa position centrale, à la croisée des mondes germanique, slave, latin et balkanique. Qu’il s’agisse du royaume celte du Norique marchandant son fer avec Rome, de l’archiduché habsbourgeois contrôlant les cols alpins, de la double monarchie gérant une mosaïque de peuples, de l’État tampon de la guerre froide ou du membre neutre mais intégré de l’Union européenne, l’Autriche demeure un pivot.
Malgré l’évolution de ses formes politiques (marche, empire, république, État neutre, membre de l’UE), l’Autriche a conservé une fonction centrale d’interface. D’ancienne puissance dominatrice, elle est devenue un État moyen prônant la coopération multilatérale, portant l’héritage de sa grandeur impériale, de sa responsabilité dans les guerres mondiales, et de sa réinvention en démocratie neutre qui contribue aujourd’hui à façonner l’Europe.
Un retraité de 62 ans, avec un patrimoine financier supérieur à un million d’euros bien structuré en Europe, souhaitait changer de résidence fiscale pour optimiser sa charge imposable et diversifier ses investissements, tout en maintenant un lien avec la France. Budget alloué : 10 000 euros pour l’accompagnement complet (conseil fiscal, formalités administratives, délocalisation et structuration patrimoniale), sans vente forcée d’actifs.
Après analyse de plusieurs destinations attractives (Autriche, Grèce, Chypre, Maurice), la stratégie retenue a consisté à cibler l’Autriche pour son cadre fiscal stable, son réseau de conventions internationales évitant les doubles impositions et la sécurité juridique de la zone euro, combinant qualité de vie élevée (Vienne classée parmi les meilleures villes au monde) et accès UE. La mission a inclus : audit fiscal pré‑expatriation (exit tax ou non, report d’imposition), obtention de la résidence via location ou achat de résidence principale, affiliation au système de santé autrichien et coordination avec CPAM, transfert de résidence bancaire, plan de rupture des liens fiscaux français (183 jours/an hors France, centre des intérêts économiques…), mise en relation avec un réseau local (avocat, fiscaliste, agents immobiliers germanophones/francophones) et intégration patrimoniale (analyse, éventuelle restructuration et préparation de la transmission).
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