En quelques décennies, la Corée du Sud est passée d’un pays en reconstruction à un laboratoire urbain à ciel ouvert. Smart cities, techno valleys, zones économiques spéciales, régénération de quartiers anciens, hubs ferroviaires et réaménagements portuaires composent aujourd’hui une carte du pays en profonde mutation. Derrière cette effervescence, un fil conducteur se distingue : utiliser la ville comme moteur d’innovation économique, de transition écologique et de cohésion sociale.
Cet article présente les principaux projets de développement urbain à venir, de Busan à Incheon et de Séoul au Gyeonggi, en incluant les zones autour des gares TGV et les friches ferroviaires. Il s’appuie exclusivement sur des données de recherche disponibles pour dresser un portrait précis de la prochaine génération de villes coréennes.
Busan Eco Delta Smart City : vitrine nationale de la smart city
Parmi les projets emblématiques, Busan Eco Delta Smart City occupe une place singulière. Souvent présentée comme le plus grand projet de smart city du pays, elle est l’un des deux sites désignés « National Pilot Smart City », aux côtés de Sejong.
Située à Gangseo-gu, dans le secteur riverain de Sae-mulmeori, au confluent du Nakdong, de la rivière Maekdo et du ruisseau Pyeonggang, Eco Delta Smart City est imaginée comme une ville-laboratoire où nature, habitants et technologies sont pensés ensemble.
Un territoire test pour les villes de demain
Le projet se déploie à deux échelles. D’un côté, une zone pilote de 2,8 km², comparable en surface à Yeouido, sert de démonstrateur national pour les services urbains les plus innovants. De l’autre, un développement plus large de 11,77 km², couvrant plusieurs quartiers légaux de Gangseo-gu, doit accueillir à terme entre 76 000 et près de 100 000 habitants, selon les projections.
Dans la zone pilote, la population cible est de 8 500 personnes (3 380 ménages), tandis que l’ensemble de l’Eco Delta City vise environ 30 000 foyers, dont plus de 27 000 dans un grand complexe d’appartements réparti sur 33 blocs. La ville intègre différents types de logements – appartements, maisons individuelles, commerces intégrés – afin de tester divers modèles d’habitat.
Le projet ne se limite pas à la construction de bâtiments. Il se veut un modèle de « global innovation growth city » : une ville pensée pour accueillir les technologies de la quatrième révolution industrielle, favoriser de nouveaux modèles économiques, tout en améliorant la qualité de vie. L’objectif est explicitement humain : ville « centrée sur les personnes », favorable à la santé mentale, à l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle et à la proximité avec la nature.
Des objectifs quantifiés pour une ville mesurable
Busan Eco Delta Smart City se distingue par des objectifs chiffrés très précis qui traduisent une volonté d’évaluer l’impact urbain :
| Objectif urbain | Cible annoncée |
|---|---|
| Allongement de l’espérance de vie en bonne santé | +5 ans |
| Équilibre vie professionnelle / vie privée | 50 / 50 |
| Part d’énergie renouvelable | +20 % |
| Taux de recyclage | 100 % |
| Temps gagné par habitant | 124 heures / an |
| Création d’emplois | 28 000 postes |
À travers ces indicateurs, la ville est conçue comme une plate-forme mesurable : l’économie circulaire, l’énergie, la mobilité, la gestion de l’eau, la santé, l’éducation et même le temps du quotidien deviennent des variables de projet.
Financement, gouvernance et acteurs
Derrière ce chantier titanesque, les montages financiers sont à la hauteur. Le coût total du projet Busan Eco Delta Smart City est évalué entre 5,4 et 5,6 trillions de wons (plus de 4 milliards de dollars). La seule zone pilote smart city représente 2,2 trillions de wons, dont 1,45 trillion de fonds publics et 0,76 trillion provenant du privé. Une partie des investissements doit être récupérée par la vente des logements (jusqu’à 2 trillions de wons attendus de la cession de 3 800 appartements), mais aussi par les commerces et par la monétisation de données urbaines.
K-water, l’agence publique des ressources hydriques, détient 85% du développement global de la société de projet « Smart City Busan ».
Ce schéma associant État, collectivités et grandes entreprises illustre le recours massif aux partenariats public-privé (PPP), encadrés en Corée par la loi de 1994 sur l’investissement privé dans les infrastructures, qui a mis en place une panoplie de montages (BTO, BTL, BOO, BOT, etc.) et des mécanismes de partage de risques avec le privé.
Une ville conçue comme une plate-forme technologique
Le cœur de Busan Eco Delta Smart City est numérique. Trois grandes plates-formes organisent les services : Digital City Platform, Augmented City Platform et Robot City Platform. Elles s’appuient sur des outils comme le BIM pour la conception, les jumeaux numériques pour l’exploitation, une infrastructure souterraine intelligente et une masse de données collectées sur le terrain.
Un quartier pilote de 56 logements (environ 200 habitants) sert de banc d’essai pour plus de 40 innovations. On y trouve notamment des robots de livraison et de nettoyage, des cafés et salles de sport gérés par IA, des bracelets connectés et miroirs intelligents pour la santé, des fermes urbaines à capteurs, des systèmes automatisés de tri, des véhicules autonomes pour le nettoyage des rues et des robots livreurs de colis utilisant la géolocalisation par adresse.
Les résultats énergétiques sont spectaculaires : le village atteint un taux d’indépendance énergétique de 107 % grâce aux panneaux solaires et à l’utilisation d’énergies hydrothermales. Il a obtenu le grade 1 zéro énergie, la meilleure note d’efficacité énergétique des bâtiments (1+++) et la plus haute certification pour les bâtiments verts.
Urbanisme : 15 minutes, eau, nature et clusters
Au-delà de la technologie, la forme urbaine affiche des ambitions fortes. Eco Delta City est pensée comme une « 15-minute city » : accès aux services essentiels à pied ou en quelques minutes. Sept rues thématiques relient des pôles fonctionnels (habitat, commerce, R&D, logistique, culture), tandis qu’un maillage de « Blue & Green networks » doit garantir à chaque habitant un accès à l’eau et aux espaces verts en cinq minutes.
Cinq grands clusters d’innovation structureront l’économie locale : mobilité autonome, santé et robotique, énergie hydrothermique, science de l’eau, et un pôle New Hallyu dédié aux contenus VR/AR. Le front d’eau, au niveau de Semulmeori, accueillera un centre commercial majeur, une voie d’eau artificielle pour taxis fluviaux et des promenades le long des rivières Pyeonggang et Maekdo. Vingt-deux équipements éducatifs, dont trois lycées de grande capacité, sont également planifiés.
La dimension environnementale est centrale, avec un vaste corridor écologique de 100 m de large et 5,5 km de long le long du Seonakdong, un projet de parc marécageux pour les oiseaux migrateurs, et un programme pour améliorer la qualité de l’eau des cours d’eau (de la classe 4 à la classe 2).
Participation citoyenne et enjeux sensibles
L’un des traits marquants du projet est l’hybridation entre pilotage stratégique descendant et expérimentations ascendantes. Concours d’idées, living labs, résidents du Smart Village volontaires (logés gratuitement trois à cinq ans en échange de retours d’expérience et de collecte de données), réunions mensuelles multi-acteurs : la ville est co-construite avec ses habitants-test.
Cette approche n’évacue pas plusieurs interrogations majeures : comment éviter la fracture numérique pour les publics âgés ou modestes ? Comment garantir la protection des données dans une ville truffée de capteurs ? Quelle place pour les anciens résidents potentiellement déplacés lors des travaux ? Comment concilier la proximité de deux aéroports (l’actuel Gimhae et le futur aéroport de Gadeokdo) avec la recherche de qualité de vie, face aux nuisances sonores et environnementales ? S’ajoutent des doutes géotechniques sur la construction de tours de grande hauteur sur des sols mous, ainsi qu’une controverse symbolique sur le changement de toponyme en « Eco Delta-dong », retoqué par la justice en raison de son caractère trop anglicisé.
Busan Eco Delta Smart City se situe ainsi à la croisée de l’innovation et de la polémique : un laboratoire total, où se jouent à la fois la transition technologique et les tensions sociales et environnementales des villes du futur.
Techno Valleys et nouveaux pôles d’innovation dans le Gyeonggi
Autour de Séoul, la province du Gyeonggi construit une constellation de techno valleys, véritables campus urbains à forte intensité technologique. L’exemple le plus connu est Pangyo Techno Valley, souvent présenté comme la « Silicon Valley coréenne ». Mais de nouveaux projets viennent élargir cette galaxie : Gwanggyo Techno Valley, le futur Buksuwon Techno Valley au nord de Suwon, ou encore les deuxième et troisième Pangyo Techno Valley.
Pangyo : cœur numérique du pays
Ouvert en 2011, le premier Pangyo Techno Valley s’étend sur environ 661 000 m², dont 267 000 m² de sites de recherche et plus de 100 000 m² dédiés aux fonctions de soutien. Les chiffres économiques donnent la mesure du cluster : 77,4 trillions de wons de chiffre d’affaires dès 2017, 107,2 trillions en 2019, et 157,5 trillions de wons pour le seul premier complexe en 2022. L’ensemble des deux techno valleys atteignait 167,7 trillions de wons la même année.
En 2011, 88 entreprises y étaient installées ; elles sont plus de 1 600 en 2022, dont 86 % de PME, totalisant environ 79 000 emplois. La majorité des sociétés sont actives dans l’IT et le jeu vidéo (65 %), devant la biotech (14 %) et les industries culturelles (10 %). On y trouve des géants comme Kakao, Nexon, NCSOFT, AhnLab, NHN, SK Planet, Smilegate ou POSCO ICT, mais aussi un dense tissu de startups et de centres R&D.
Le taux de croissance des ventes dans le second Pangyo Techno Valley, passant de 1,1 trillion de wons en 2021 à plus de 10 trillions attendus en 2023.
Gwanggyo et Buksuwon : la montée en puissance de la bio et de l’IA
Plus au sud, Gwanggyo Techno Valley, à Suwon, se focalise sur la nanotechnologie (NT) et la biotechnologie (BT). Sur environ 269 000 m², il regroupe plus de 200 entreprises bio-santé et de grands équipements scientifiques : Gyeonggi Bio Center, institut de convergence technologique de prochaine génération, Korea Advanced Nano Fab Center, grands centres R&D régionaux. Ces infrastructures proposent des services intégrés pour le développement de nouveaux médicaments, la microfabrication et l’innovation des PME.
Le gouverneur de la province, Kim Dong-yeon, affiche l’ambition de faire de Gwanggyo « le meilleur complexe bio du pays ». Le plan comprend la reconversion d’un ancien site de recherche longue durée en pépinière pour startups bio, la formation de 500 chercheurs de haut niveau par an, le soutien à une quinzaine de jeunes entreprises bio chaque année et la simplification des procédures de développement foncier.
À proximité, le projet Gyeonggi Buksuwon Techno Valley (North Suwon Techno Valley) est en développement sur une superficie de 154 000 m². Il prévoit à terme 260 000 m² de plancher pour un investissement de 3,6 trillions de wons. L’objectif est d’y créer un écosystème d’innovation axé sur des entreprises leaders dans les domaines de l’intelligence artificielle (IA), des semi-conducteurs, de la mobilité et de la bio-santé.
Le site doit accueillir environ 7 000 emplois, 1 000 dortoirs, 3 000 logements locatifs (soit 5 000 foyers) et 120 000 m² d’espaces commerciaux et culturels. Il sera développé comme une ville carbone neutre de type RE100, avec des bâtiments zéro énergie. Une offre de services intégrés de soins (visites médicales, rééducation, hospitalisation courte durée, accueil de jour/nuit) est également prévue, dans le cadre de la politique « Gyeonggi Opportunity Town ».
Un maillage industriel à l’échelle régionale
Ces techno valleys ne sont pas des îlots isolés. Le Gyeonggi structure ses investissements en grands corridors sectoriels : une « semiconductor belt » reliant Hwaseong, Yongin, Anseong, Pyeongtaek, Icheon ; une « biobelt » connectant Goyang, Paju, Siheung, Suwon (Gwanggyo), Hwaseong ; une « mobility belt » entre Gwangmyeong, Siheung, Ansan, Hwaseong, Pyeongtaek ; et un « AI culture/knowledge belt » dans le nord de la province (Paju, Goyang, Yangju, Namyangju).
L’enjeu est clair : faire du Gyeonggi la « capitale de l’industrie de la connaissance en IA » du pays, en s’appuyant sur un maillage serré de villes innovantes reliées par des infrastructures de transport performantes.
Incheon Free Economic Zone : laboratoire global, de Songdo à K-Con Land
À l’ouest de Séoul, l’Incheon Free Economic Zone (IFEZ) est l’autre grande scène de la mutation urbaine coréenne. Créée en 2003, cette zone économique spéciale de plus de 122 km² regroupe trois pôles : Songdo, Yeongjong et Cheongna. Sa vocation est de devenir un hub mondial de la logistique, du business, du tourisme et des loisirs pour l’Asie du Nord-Est.
Songdo : prototype de ville intelligente et durable
Songdo International Business District est la pièce maîtresse de l’IFEZ. Construite sur des terres gagnées sur la mer Jaune, à une trentaine de kilomètres de Séoul, cette ville nouvelle de 1 500 acres repose sur un masterplan de Kohn Pedersen Fox. Plus de 40 % de la surface est réservée aux espaces verts, avec un vaste parc central de 40 hectares, des canaux et un maillage de 25 km de pistes cyclables et promenades.
Le programme immobilier global atteint les 100 millions de pieds carrés, entre bureaux (40 millions), logements (40 millions), commerces et équipements publics (10 millions) et hôtellerie (5 millions). L’investissement total est estimé à 35 milliards de dollars, faisant de Songdo l’un des plus grands projets urbains privés au monde.
La ville se distingue par son approche innovante et durable, intégrant des technologies de pointe pour une gestion urbaine optimisée et une réduction significative de son impact environnemental.
Première ville « LEED city » du pays avec plus de 106 bâtiments certifiés, représentant 40 % de toute la surface LEED coréenne.
Réseau massif d’environ 500 000 capteurs et un centre de contrôle intégré pour la gestion urbaine, avec des partenariats initiaux avec Cisco pour l’infrastructure numérique.
Système pneumatique de collecte des déchets et gestion centralisée de l’énergie et de l’eau pour une efficacité optimale.
Réduction des émissions de CO₂ d’environ 40 % par rapport à un développement urbain classique.
Nouvelles phases : bio-industries, campus et tours emblématiques
Alors que Songdo est achevée à environ 80–85 %, la dynamique d’investissement se poursuit. La zone accueille déjà un cluster bio-pharmaceutique de premier plan, avec des acteurs comme Celltrion, Samsung BioLogics, SK Bioscience et des fournisseurs mondiaux de matériaux (Merck, Sartorius, Cytiva). L’État y déploie plusieurs projets stratégiques : K-Bio Lab Hub, Global Bio Campus, centre national de formation aux métiers du bio.
Lotte Biologics a ainsi lancé un « Songdo Bio Campus » dans le cluster industriel avancé, avec un investissement annoncé de 460 milliards de wons d’ici 2030. La mise en production d’une première usine est prévue à l’horizon 2027, avec une chaîne couvrant de la lignée cellulaire au produit fini. Le campus intégrera aussi des installations de petite capacité pour les substances cliniques et une initiative Bio-Venture pour les startups.
Un vaste réajustement des sections 6 et 8 de la zone Landmark City a été validé. Ce projet, longtemps bloqué, vise à transformer le secteur en un pôle international alliant affaires, tourisme et loisirs. Les mesures prévues incluent une reconfiguration des affectations foncières, un renforcement des liaisons est-ouest, une amélioration de la marchabilité et la probable construction d’une tour de plus de 100 étages. L’objectif est d’attirer des institutions telles qu’un complexe mondial du commerce, un second parc de startups et la chambre de commerce d’Incheon.
Yeongjong et Cheongna : tourisme, loisirs et K-Content
Autour de l’aéroport international d’Incheon, Yeongjong International City (138 km²) concentre les fonctions logistiques et touristiques. On y trouve déjà des équipements comme Inspire Arena, Paradise City ou le BMW Driving Center. De nouveaux projets renforcent ce positionnement : parcs de bord de mer réaménagés, équipements touristiques (sky bicycle, tours panoramiques), transformation d’un ancien site de dépôt de dragage en complexe de tourisme maritime, et stratégie d’attraction de grands groupes dans la « Yeongjong Air Complex City ».
Cheongna, de son côté, se spécialise dans la finance et les loisirs. Un projet phare y est en débat : « K-Con Land », un complexe culturel dédié aux contenus coréens. Cette initiative, alignée sur la stratégie gouvernementale de devenir l’une des quatre grandes puissances culturelles mondiales, doit rassembler académies, centres de création, studios de tournage, musées et festivals. Plusieurs sites, à Yeongjong comme à Cheongna, sont à l’étude pour accueillir ce parc à thème du K-Content.
C’est le nombre de millions de visiteurs annuels visés par le projet d’ampleur décrit.
IFEZ 2040 Vision : d’une zone franche à un hub d’innovation globale
L’IFEZ a présenté une vision 2040 visant à devenir un « global business innovation hub ». Le plan repose sur deux axes majeurs : montée en valeur et croissance innovante. Sur le plan sectoriel, la bio-santé doit passer de la production à la R&D (avec un accent sur la découverte de nouveaux médicaments), tandis que l’industrie médicale de pointe s’étendra aux biomatériaux, à l’équipement et à la santé numérique.
L’IFEZ cherche aussi à renforcer son rôle dans les réseaux internationaux du commerce, à densifier son offre MICE, et à étendre le périmètre des zones franches en y intégrant par exemple le sud de Ganghwa comme cluster « green bio ». Une attention particulière est portée à la connexion avec les centres-villes originels d’Incheon (Ganghwa, Jemulpo, Namdong), notamment via la requalification du port intérieur de Naehang, afin d’éviter la création d’enclaves déconnectées du reste de la métropole.
Gares TGV, intermodalité et urbanisme autour du rail
Le développement urbain coréen récent est indissociable de l’essor du réseau ferroviaire à grande vitesse (KTX) et de la montée en puissance des opérateurs ferroviaires comme acteurs urbains. La Korea Rail Network Authority (KR) et Korail ont ainsi multiplié les projets de valorisation des emprises ferroviaires et des gares.
De la haute vitesse aux « villes de gare »
Depuis le lancement du KTX en 2004, sur les lignes Séoul–Busan (Gyeongbu) puis Séoul–Mokpo (Honam), les gares TGV sont devenues des nœuds d’urbanisation majeure. Des pôles comme Gwangmyeong, Cheonan-Asan ou Dongdaegu ont vu émerger centres commerciaux, hôtels, bureaux et plateformes de correspondance de grande envergure. La notion de « one-day living zones » et de « half-day living areas » s’est imposée, rendant possible des mobilités quotidiennes à l’échelle du pays.
Une étude indique que l’accessibilité du territoire national à moins d’une heure d’une gare TGV est passée de 48,1 % en 2004 à 74,5 % en 2018. Cette amélioration a favorisé une concentration de population et d’activités autour de Séoul, parfois contrairement aux attentes initiales. Elle a également permis la revitalisation de certains centres-villes historiques, comme Iksan ou Gwangju Songjeong, grâce à un renouveau du commerce, du tourisme et des services.
Les projets d’aménagement autour des gares
KR pilote aujourd’hui 21 projets de développement et en a une vingtaine d’autres en chantier ou en préparation, souvent via des sociétés de projet mixtes (SPC) bénéficiant de droits d’exploitation sur 30 ans. L’enjeu est double : capter les plus-values foncières issues des investissements ferroviaires et réparer les coupures urbaines créées par les voies.
Parmi les exemples récents ou en cours :
| Gare / site | Surface / programme | Coût estimé | Fonction principale |
|---|---|---|---|
| Gwangmyeong Station Transit Center | 76 216 m² de site, terminal bus + commerces | 48 M$ | Pôle d’échange et retail |
| Suseo Station influence area | 386 390 m² | 453 M$ | Centre intermodal, bureaux, logistique, logements publics |
| Hongik University Station | 20 844 m² de site, 53 978 m² construits | 130 M$ | Commerces, bureaux, hôtel |
| Gongdeok Station (2 projets) | 15 840 m² + site voisin, ~95 000 m² construits | 205 M$ | Bureaux, hôtel, équipements de quartier |
| Incheon-Nonhyeon Station | 16 639 m² de construction | 20 M$ | Commerces de proximité |
Le projet de Suseo est particulièrement structurant : la zone d’influence de la gare, vaste de près de 0,4 km², doit être transformée en nouveau quartier mixte avec centre de transit, centre de distribution, logements publics et bureaux. KR escompte 300 millions de dollars de bénéfices sur cette seule opération.
Le budget prévu pour le projet de développement de la zone de la gare de Chuncheon, visant à en faire un modèle durable pour les villes moyennes.
Réutiliser les anciennes voies : parcs ferroviaires et tourisme
Parallèlement aux projets autour des gares actives, KR valorise aussi des tronçons ferroviaires désaffectés en équipements touristiques, souvent en partenariat avec les collectivités. High-One Choo Choo Park, sur un ancien itinéraire en switchback dans une région minière déclinante, propose rail-bike, petites lignes touristiques et hébergement, avec un effet positif sur l’emploi local.
Des projets analogues existent sur l’ancienne ligne Yongdong (près d’un million de m² de site, 16,5 km d’infrastructures touristiques) ou dans la région de Gangchon (plus de 400 000 m², 8,2 km de rail-bike, tunnels et ponts), ou encore à Haeundae (Busan), où les anciennes voies de la ligne Donghae-Nambu ont été transformées en promenade touristique (Haeundae Blueline), mêlant trains panoramiques, sky-bikes et belvédères.
Ces projets montrent comment la Corée du Sud articule très étroitement infrastructures de transport et production urbaine, au point que gares et anciennes voies deviennent des moteurs de développement à part entière.
Séoul : de la régénération urbaine à la smart city globale
Capitale de près de 10 millions d’habitants (25 millions dans l’aire métropolitaine), Séoul incarne une autre facette du développement urbain coréen : celle de la régénération et de la sophistication des politiques de planification.
Une ville passée du « tout développement » à la régénération
Après plusieurs décennies de grands projets de rénovation et de construction, souvent marqués par la démolition et le déplacement massif de populations, Séoul a opéré un tournant en 2013, en remplaçant une logique de « développement » par une approche de « régénération ». Cette inflexion s’inscrit dans le cadre national de la loi sur la régénération urbaine (2013) et du programme « Urban Regeneration New Deal » lancé sous la présidence Moon Jae-in en 2017, qui a multiplié les investissements dans des centaines de quartiers en déclin.
La ville de Séoul a élaboré un plan directeur, le « 2030 Seoul Plan », et procède à son actualisation vers un « 2040 Seoul Plan ». Ces documents stratégiques, co-construits grâce à une large participation citoyenne (incluant 100 citoyens tirés au sort, plus de 200 experts et des comités thématiques), définissent une vision de « ville amicale fondée sur la communication et le care ». Le plan est structuré autour de cinq grands enjeux : l’égalité des chances, les emplois et l’industrie, la culture et l’histoire, l’environnement et la sécurité, ainsi que la stabilité résidentielle et la mobilité.
Une innovation majeure est la réforme de la structure spatiale : l’ancien schéma centré sur un centre-ville unique entouré de cinq sous-centres et onze centres régionaux est remplacé par un modèle polycentrique avec trois centres urbains, sept centres métropolitains et douze centres régionaux. En parallèle, la ville est découpée en cinq « sphères de vie » (centre, nord-est, nord-ouest, sud-ouest, sud-est), qui servent de base à des plans détaillés centrés sur la qualité de vie.
Projets emblématiques de régénération
Cette stratégie se traduit par une multitude de projets sur le terrain : 131 opérations de régénération urbaine sont en cours, depuis la transformation de viaducs autoroutiers en parcs suspendus jusqu’à la revitalisation de rues commerçantes anciennes.
Parmi les initiatives les plus marquantes :
Trois projets emblématiques de transformation urbaine à Séoul, illustrant des approches innovantes de préservation, de reconversion et de création d’espaces publics.
Ancienne bretelle autoroutière transformée en promenade surélevée de 1,2 km avec 24 000 plantes. Fruit de 615 réunions avec les riverains, le site a accueilli plus de 10 millions de visiteurs et 32 festivals.
Complexe commercial des années 1960 préservé et régénéré. Une passerelle piétonne relie les bâtiments et accueille des ‘Makers Cubes’ pour jeunes entreprises. Le projet devrait générer 34 000 emplois.
Quartier populaire sauvé d’un projet ‘New Town’ et intégré en 2014 à un programme de régénération. Investissements publics pour l’habitat, l’industrie locale de la couture et des lieux culturels comme le mémorial Nam June Paik.
L’appareil institutionnel nécessaire à cette politique est lourd : une division dédiée à la régénération avec 200 agents, un centre de soutien disposant de 23 antennes locales et 187 employés, 73 conseils de résidents impliquant près de 2 700 citoyens, et plus de 1 000 milliards de wons alloués par la ville, complétés par des fonds de 92 institutions (universités, entreprises).
Séoul, smart city de référence
En parallèle, Séoul renforce sa stature de ville intelligente. La capitale s’est dotée d’un cadre stratégique « Smart Seoul Vision Framework » articulé autour de neuf axes, et consacre environ 1 % de son budget à ces politiques (un montant quadruplé entre 2012 et 2022). Elle figure régulièrement parmi les villes les mieux classées dans les indices mondiaux de smart city.
La ville de Séoul s’appuie sur un écosystème technologique dense et interconnecté pour optimiser ses services urbains et améliorer la qualité de vie de ses citoyens.
Réseau de fibre optique maillant la ville et le métro (e-Seoul Net puis u-Seoul Net) et plus de 21 000 bornes Wi-Fi publiques.
Plus de 50 000 capteurs IoT programmés pour collecter des données en temps réel, intégrés dans des modules d’éclairage, de vidéosurveillance et de services urbains connectés (S-Dot, S-Net).
Plateformes de données centralisées (S-Data) et systèmes de cartographie 3D avancés (S-Map) pour une gestion urbaine précise.
Algorithmes d’IA (S-Brain) dédiés à l’analyse et à l’optimisation des flux urbains (trafic, énergie, services).
La ville a aussi innové tôt dans les transports (réforme du système de bus en 2003, ITS, cartes de paiement intégrées) et dans la gestion de l’environnement (centre d’appels unifié 120 Dasan, usines de valorisation énergétique des déchets, système de collecte des déchets payant au sac, certifications de bâtiments verts). Elle affiche un taux de transports publics supérieur à 60 % depuis trois décennies et une surface de vert par habitant passée de 5,73 m² en 1975 à 18,74 m² aujourd’hui.
Au-delà de la technique, Séoul diffuse son expérience à l’international : visites d’étude de nombreuses villes asiatiques, programme de formation à l’université de Séoul pour des fonctionnaires étrangers, rôle actif au sein d’ICLEI, organisation de tournées d’étude sur les smart cities avec la Banque mondiale.
Politiques nationales : New Deal, smart cities et verdissement du bâti
Les projets évoqués plus haut s’inscrivent dans un cadre national puissant, combinant relance économique, transition écologique et transformation numérique.
Le Korean New Deal et la régénération urbaine
Face aux effets de la crise du COVID-19, la Corée a lancé en 2020 un « Korean New Deal », porté par le ministère de l’Économie et des Finances, visant notamment à accélérer le télétravail et l’éducation en ligne, verdir l’industrie, développer les énergies propres et améliorer les villes. La version 2.0, annoncée en 2021, a porté l’investissement total prévu jusqu’en 2025 de 160 à 220 trillions de wons, dont 75,3 trillions en dehors du Grand Séoul.
Le plan se structure autour de trois axes majeurs pour un développement durable et inclusif, combinant transition numérique, écologique et renforcement des communautés.
Focalisé sur les données, les réseaux, l’IA, le métavers, la blockchain et la modernisation des infrastructures scolaires numériques.
Engagé pour des villes à énergie quasi nulle, des smart grids, une mobilité propre, la restauration des écosystèmes et le développement de 25 villes vertes intelligentes. Inclut la rénovation de bâtiments publics, le déploiement de plus d’un million de véhicules électriques et de 200 000 voitures à hydrogène, ainsi que la création de 100 usines propres et l’accompagnement de 1 750 sites industriels pour réduire leurs émissions.
Axé sur l’amélioration de l’employabilité, le renforcement des filets de sécurité sociale et le soutien aux projets de développement locaux.
Dans le champ urbain, l’Urban Regeneration New Deal – programme lancé dès 2017 – a prévu de sélectionner environ 100 zones par an, pour un investissement public annuel d’environ 10 trillions de wons. De 2017 à 2019, plus de 280 districts ont été choisis, auxquels s’ajoutent des projets antérieurs pour un total de plus de 320 opérations partout dans le pays, avec des typologies variées (rénovation de l’habitat, activation commerciale, requalification d’axes centraux, soutien à l’économie locale).
Une stratégie nationale des smart cities
Sur le volet smart city, la Corée s’appuie sur des plans quinquennaux successifs. Après une première génération de projets « ubiquitous city » à partir de 2009, le troisième plan (2019–2023) a consacré le terme de smart city, et le quatrième (2024–2029) fixe des objectifs plus ambitieux, avec un budget central passé de 4,5 milliards de wons en 2017 à près de 290 milliards en 2021. Le nombre de collectivités impliquées a triplé (de 50 à 150) et plus de 400 solutions ont été développées dans une soixantaine de catégories.
Depuis 2018, la Corée du Sud a lancé deux sites pilotes nationaux (Sejong 5-1 et Busan Eco Delta) comme démonstrateurs de ville intelligente. Elle soutient également des programmes comme le Smart City Challenge, les Town Challenge pour les petites villes et les Campus Challenge pour les universités, qui encouragent des consortiums locaux à développer des services innovants (mobilité à la demande, gestion intelligente de l’énergie, santé connectée, etc.). Ces initiatives sont facilitées par un « bac à sable réglementaire » (regulatory sandbox) permettant de tester des innovations en assouplissant temporairement certaines règles.
La Corée exporte aussi son modèle via le programme K-City Network, qui soutient des projets de smart cities dans 26 pays, et positionne ses entreprises (NAVER Cloud, KT, LG CNS, constructeurs) sur des marchés comme le Moyen-Orient, l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique latine.
Conclusion : une urbanisation devenue politique d’innovation
Les projets de développement urbain à venir en Corée du Sud ne se résument pas à des skylines spectaculaires ou à des gadgets technologiques. Ils révèlent une stratégie plus profonde où la ville est considérée comme un instrument d’innovation systémique : économique (clusters high-tech, zones franches, techno valleys), technologique (IA, jumeaux numériques, robotique de service), environnementale (zéro énergie, verdissement des cours d’eau, réemploi d’emprises ferroviaires) et sociale (régénération des quartiers, participation citoyenne, attention à la qualité de vie).
Le développement urbain sud-coréen est marqué par des tensions telles que la gentrification, les fractures numériques, la protection des données et la pression sur les milieux naturels. Il constitue néanmoins un laboratoire unique, intégrant des projets comme la Busan Eco Delta Smart City, les techno valleys de Gyeonggi, l’IFEZ d’Incheon, la régénération des gares TGV et la revitalisation des quartiers anciens de Séoul.
À mesure que les échéances approchent – ouverture d’un nouvel aéroport à Busan, montée en puissance des hubs bio de Songdo, sortie de terre de nouveaux techno valleys, généralisation des bâtiments zéro énergie –, la Corée du Sud continuera d’être observée comme l’un des pays où se joue, en temps réel, la question suivante : à quoi ressemblera la ville du XXIᵉ siècle lorsqu’elle devient le cœur assumé de la politique industrielle, numérique et climatique d’un État ?
Un chef d’entreprise français d’environ 50 ans, avec un patrimoine financier déjà bien structuré en Europe, souhaitait diversifier une partie de son capital dans l’immobilier résidentiel en Corée du Sud pour chercher du rendement locatif et une exposition au won coréen. Budget alloué : 400 000 à 600 000 dollars, sans recours au crédit.
Après analyse de plusieurs marchés (Séoul, Busan, Incheon), la stratégie retenue a consisté à cibler un appartement résidentiel dans un quartier en croissance comme Gangnam ou Songdo, combinant rendement locatif brut cible d’environ 7–8 % – en rappelant que « plus le rendement est grand, plus le risque est important » – et potentiel de valorisation à moyen terme, avec un ticket global (acquisition + frais + mise aux normes) d’environ 500 000 dollars. La mission a inclus : sélection du marché et du quartier, mise en relation et prise en charge par un réseau local (agent immobilier, avocat, conseil fiscal coréen), choix de la structure la plus adaptée (propriété directe ou société locale) et définition d’un plan de diversification dans le temps, afin d’intégrer cet actif dans une stratégie patrimoniale globale maîtrisant les risques juridiques, fiscaux et locatifs.
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