Les projets de développement urbain à venir en Lituanie

Publié le et rédigé par Cyril Jarnias

En quelques années, la Lituanie est passée d’un pays en rattrapage à un véritable laboratoire urbain. Derrière les grues qui ponctuent les silhouettes de Vilnius, Kaunas ou Klaipėda, ce ne sont pas seulement de nouveaux immeubles qui s’élèvent, mais une vision très structurée de la ville de demain : plus verte, plus compacte, plus connectée et plus inclusive. Des quartiers ferroviaires transformés en hubs multifonctionnels aux ports redessinés pour l’éolien offshore, en passant par les grands programmes de mobilité durable, le pays s’est engagé dans une vague de projets sans précédent.

Bon à savoir :

Le développement urbain en Lituanie est confronté à plusieurs réalités sociales : un parc de logements vieillissant, une forte proportion de propriété privée qui ralentit les rénovations, une population vieillissante et un phénomène de dépopulation dans plusieurs territoires. C’est dans ce contexte que se construit la nouvelle urbanité du pays.

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Logement : rattraper le retard sans perdre de vue l’accessibilité

La question du logement est le fil rouge de la transformation urbaine du pays. Selon l’OCDE, de nombreux ménages lituaniens, malgré des coûts moyens de logement relativement faibles, vivent dans des appartements de mauvaise qualité et peinent à financer rénovations ou crédits immobiliers. Le taux de propriétaires dépasse 90 %, mais c’est précisément cette atomisation de la propriété qui complique les grands chantiers de modernisation des immeubles collectifs construits massivement avant 1993, souvent à l’ère soviétique.

Moderniser un parc résidentiel vieillissant

Le gouvernement a fait de la rénovation énergétique une priorité, en particulier via le programme « Multi-Apartment Building Modernisation » (MABM). Ce dispositif propose des prêts et des subventions couvrant 30 % des coûts de rénovation, sans condition de revenu, avec la possibilité pour les ménages les plus modestes d’obtenir une prise en charge intégrale. L’objectif est de moderniser 5 000 immeubles collectifs d’ici 2030, soit environ 500 par an. Entre 2013 et 2020, le rythme moyen d’exécution tournait autour de 340 rénovations par an, avec un pic à 769 en 2016, ce qui donne la mesure de l’effort à fournir dans les prochaines années.

150000

Nombre de personnes soutenues par un dispositif de compensation de loyer sur le premier semestre 2022 en Lituanie.

Rendre les grandes villes habitables pour les jeunes ménages

La flambée immobilière dans la capitale complique l’accès à la propriété. À Vilnius, seules 20 % des familles peuvent se permettre un crédit pour un appartement moyen sur le marché existant. La situation est plus confortable à Kaunas et Klaipėda (environ 60 % des ménages y parviennent), mais l’écart illustre la pression urbaine croissante sur la capitale, renforcée par l’arrivée de travailleurs étrangers, d’étudiants internationaux et de réfugiés d’Ukraine ou de Biélorussie.

Attention :

Pour contenir la tension sur le marché, l’État soutient l’accession à la propriété des jeunes familles par deux aides : une subvention sous conditions de ressources pour les ménages modestes, et une aide non conditionnée pour les achats hors des grandes agglomérations. Cette politique vise à réorienter la demande vers des villes moyennes ou petites, dont 14 sont classées par l’UE comme ‘territoires problématiques’ en déclin démographique.

En parallèle, un grand partenariat public-privé doit permettre la construction de logements pour jeunes professionnels (enseignants, pompiers, etc.) sur la base d’un modèle « Design, Build, Finance, Operate, Maintain ». Treize municipalités ont signé une lettre d’intention : les logements seront financés et exploités par le privé pendant 25 ans, puis reviendront en pleine propriété aux villes, qui devront toutefois offrir des loyers abordables durant toute la période. Ce programme, soutenu par la Banque européenne d’investissement via l’Agence nationale de l’immobilier, pourrait produire ses premiers logements d’ici trois ans et s’étendre jusqu’en 2030.

Expérimenter de nouveaux modèles d’habitat

À Vilnius, l’initiative « Ethical housing Vilnius », portée par un collectif d’architectes, urbanistes et sociologues, explore des modèles alternatifs comme les Baugruppen allemands ou les Community Land Trust britanniques. Le but est de concevoir un habitat abordable, reproductible et écologique, en collaboration avec la municipalité pour identifier des terrains. Cette culture de l’expérimentation complète les politiques plus classiques de subvention ou d’investissement public, et pourrait inspirer à terme des projets dans d’autres villes.

Vilnius : la capitale laboratoire, entre ville verte, smart city et grands projets

Vilnius concentre une grande partie des nouveaux projets urbains du pays. Capitale politique et premier pôle économique, la ville revendique une stratégie « Vilnius 2030 » axée sur une croissance durable, une mobilité repensée et une capitale plus « proche » de ses habitants, dans l’esprit de la ville du quart d’heure.

Une stratégie générale qui structure la croissance

Le nouveau plan général, préparé par la société municipale « Vilniaus planas », sert de boussole. Il repose sur le programme « City+ », qui met l’accent sur la modernisation des quartiers résidentiels, la création d’infrastructures sociales (écoles, équipements de santé, lieux de culture) et la préservation des espaces verts. Ce document découpe plus de 3 300 îlots urbains avec des règles précises de hauteur (6–7 étages en moyenne, plus haut seulement dans des sous-centres), de densité et d’intensité de construction.

Le plan veut corriger l’héritage d’une ville très segmentée – centre tertiaire d’un côté, grands ensembles mal desservis de l’autre – en favorisant la mixité fonctionnelle : davantage de logements au centre, plus de services et d’emplois dans les quartiers périphériques. Des secteurs comme Žirmūnai, Naujamiestis, Naujininkai ou l’axe de l’avenue Savanorių sont ciblés pour cette transformation. Environ 500 hectares d’anciennes zones industrielles sous-utilisées doivent être reconvertis.

Le projet Vilnius Connect : faire du quartier de la gare un hub métropolitain

Symbole de cette nouvelle phase de développement, le projet « Vilnius Connect » vise à métamorphoser le secteur de la gare ferroviaire en un véritable centre multimodal mêlant transports, bureaux, logements et espaces publics. Sur 32,8 hectares, entre les rues Paneriai, Geležinkelio, Stoties et Seinų, la ville veut créer un pôle qui reliera mieux les quartiers aujourd’hui coupés par les voies ferrées.

Le dessin d’ensemble s’appuie sur le projet lauréat d’un concours international remporté par Zaha Hadid Architects. Parmi les éléments phares, une structure de 9 500 m² au-dessus des voies réunira gare de voyageurs, commerces et traversée piétonne entre quartiers. Autour, plusieurs places et jardins (St Stephen’s Church, Strumila Garden, place de Pelesa) doivent être requalifiés. La démarche a donné lieu à une large consultation publique, preuve que la transformation de ce secteur stratégique est suivie de près par les habitants.

Projets de renouvellement urbain

Initiatives majeures de requalification urbaine à Vilnius, soutenues par des investissements internationaux.

Groupe RELEVEN & BERD

Le groupe RELEVEN, soutenu par la BERD, investit 50 millions d’euros dans une joint-venture pour requalifier friches et terrains sous-utilisés au cœur de la capitale.

Complexe Horizontai

Projet sur 1,3 hectare en rive droite de la Neris, comprenant six tours pour 55 000 m² de bureaux, logements, commerces et restaurants, avec une tour résidentielle de 85 mètres.

Quartier 15 minutes

Objectif de créer une nouvelle centralité où tous les services essentiels sont accessibles à pied, formant un véritable quartier ’15 minutes’.

Toutes les opérations de cette joint-venture devront au minimum atteindre le niveau « Very Good » de la certification BREEAM, ou dépasser d’au moins 10 % les exigences nationales de bâtiments à énergie quasi nulle (nZEB). Un jalon important dans un pays qui impose déjà à partir de fin 2024 l’usage d’au moins 50 % de bois et de matériaux organiques dans les bâtiments publics, avant de généraliser l’obligation de certifications environnementales à partir de 2025.

Repenser les rives de la Neris : ponts, plages urbaines et nouveaux quartiers

La Neris, longtemps sous-exploitée, devient le théâtre d’un vaste plan de reconquête. Le maire Valdas Benkunskas a annoncé la construction de quatre nouveaux ponts piétons et cyclables et d’un pont routier, avec à terme neuf traversées à l’échelle de la capitale. L’Albert Bridge est déjà en chantier entre les rues A. Goštauto et Upės. Suivront le pont de Kernavė (entre Šnipiškės et Naujamiestis), le pont piéton Uzvingis reliant le parc Vingis au centre d’expositions Litexpo, ainsi qu’une passerelle Antakalnis–Žirmūnai. Un pont routier doit relier les quartiers Lazdynėliai et Vilkpėdė, fortement urbanisés ces dernières années.

Le projet ne se limite pas aux franchissements : accès routiers le long de la Neris, nouvelles pistes cyclables (de Verkiai à la rue Upės, du secteur de Valakampiai à la rue P. Vileišio, et le long de Šiltnamių Street vers Uzvingis), et développement de plages urbaines sont prévus. Valakampiai, en particulier, doit être réaménagée avec un grand espace de jeux, un ponton pour bateaux et une zone de calme.

Exemple :

Le secteur du White Bridge, déjà emblématique pour les loisirs, sera réaménagé avec un parking souterrain, une esplanade repensée et des bassins de baignade à ciel ouvert. Un concours d’architecture pour ces piscines urbaines est prévu en 2026, pour une mise en service vers 2030. Parallèlement, le « port d’hiver » de Žirmūnai sera reconstruit pour accueillir plus de bateaux, grâce à un dragage du lit, de nouvelles rampes et l’ajout d’espaces commerciaux.

Ces interventions se combinent avec des projets privés de grande ampleur comme le complexe Akropolis Vingis, au sud de la ville, dans le district de Vilkpėdė. Développé par Akropolis Group – qui finance aussi d’importants travaux routiers avoisinants –, cet ensemble comprendra centre commercial, hall de concerts de 2 500 à 4 000 places, centre de conférences, multiplexe, bureaux et logements locatifs de longue durée, le tout entouré de 4 500 places de stationnement, de promenades et de pistes cyclables. L’infrastructure publique attenante (reconfiguration de l’échangeur Gerosios Vilties–Geležinio Vilko, nouveau carrefour, passage souterrain piétons/vélos) est un préalable imposé à l’ouverture du site.

Mobilité durable : capitale verte et transports électriques

Élue Capitale verte européenne 2025, Vilnius vise la neutralité climatique dès 2030. La mobilité est l’un des leviers centraux de cette ambition : aujourd’hui, la ville dispose de 140 km de pistes cyclables et de près de 1 500 km d’itinéraires piétons et zones apaisées, avec 100 km supplémentaires programmés. Un tiers des déplacements à moyen terme devrait être assuré par les transports publics, un tiers par la voiture, un tiers à pied, avec au moins 8 % pour le vélo.

Pour tenir ces objectifs, l’opérateur municipal Vilniaus Viešasis Transportas (VVT) renouvelle massivement sa flotte. Grâce à 80 millions d’euros de prêts de la BERD et de la Banque nordique d’investissement, la capitale prévoit l’achat de 73 nouveaux trolleybus et 85 bus électriques. Une commande séparée pour 145 bus électriques de différentes longueurs est en cours, pour un montant proche de 97 millions d’euros maintenance comprise. Parallèlement, 12 nouvelles lignes réservées à des bus électriques seront créées, la fréquence renforcée sur plus de la moitié du réseau, et des voies de bus prioritaires portées de 36 à 60 km d’ici 2030.

1.5

Milliards d’euros de fonds européens 2021-2027 réservés pour financer la mobilité durable dans les villes italiennes.

Une smart city qui s’appuie sur le numérique

Vilnius s’est imposée comme vitrine des technologies urbaines. Son « jumeau numérique » s’appuie sur un système d’information géographique (SIG) alimenté par drones (quatre appareils) et intelligence artificielle, capable de détecter neige non déblayée, nids-de-poule, embouteillages, stationnement illicite ou bacs à ordures saturés. Les modèles d’IA sont entraînés à partir de milliers de photographies et hiérarchisent les interventions selon la proximité des écoles, hôpitaux ou aires de jeux.

La ville exploite également des données anonymisées de téléphonie mobile pour analyser les flux de population, réajuster l’offre de transports collectifs ou identifier les quartiers sous-dotés en services. L’application citoyenne « Tvarkau miestą » permet à chacun de signaler un problème dans l’espace public, et un « Greenness Index Calculator » aide les architectes à mesurer l’empreinte écologique de leurs projets. Du wifi public aux systèmes de gestion de trafic intelligent, l’ensemble est regroupé sous la bannière « Smart Vilnius ».

Une capitale qui bâtit beaucoup, y compris en logements

Au-delà de ces grandes infrastructures, une constellation de projets résidentiels redessine de nombreux quartiers : à Šnipiškės, le quartier « Naujasis Skansenas » et les projets « Aurea home », « Trimitų namai » ou « Šnipiškių perspektyvos » transforment une ancienne zone de maisons basses en extension très dense du centre d’affaires. À Antakalnis, des ensembles comme « Šilo 23 » ou « Platinum 48 » mêlent logements, bureaux et commerces. À Pašilaičiai, Baltupiai, Justiniškės ou Lazdynai, des programmes comme « City Stories », « Taika Alley » ou « Lazdynų namai » renouvellent le parc existant, souvent en classe énergétique A ou A+.

Le projet « Vilnelės skverai », développé par Merko Būstas, illustre l’échelle de ces opérations : à terme, 26 immeubles et plus de 1 000 appartements le long de la rivière Vilnelė, dont déjà 20 bâtiments et 750 logements livrés (95 % vendus). La quatrième phase, avec six nouveaux immeubles et 318 appartements, vise une livraison partielle autour de 2026, avec un éventail de surfaces allant de 25 à 93 m², tous en A+.

Kaunas : innovation, culture et énergie verte comme moteurs urbains

Deuxième ville du pays, Kaunas s’offre un autre visage de la transformation lituanienne. Ancienne capitale provisoire, riche de plus de 6 000 bâtiments modernistes de l’entre-deux-guerres (désormais inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO), la ville entend conjuguer héritage et innovation avec son Plan de développement stratégique à l’horizon 2030.

Un Plan stratégique co-construit

Ce plan, élaboré durant plus d’un an avec plus de cent experts et de nombreux ateliers citoyens, couvre l’économie, l’urbanisme, la mobilité, l’environnement, la santé, la protection sociale, l’éducation, le sport, la culture et le tourisme. L’objectif affiché est de renforcer l’attractivité de Kaunas auprès des talents nationaux et internationaux, en capitalisant sur des infrastructures déjà bien développées.

Le document s’inspire notamment de l’expérience néerlandaise, et en particulier du plan stratégique d’Amsterdam, en mettant l’accent sur l’économie circulaire. Il pointe néanmoins un point faible : l’absence d’un système unifié de collecte et d’exploitation des données à l’échelle de la ville.

Urban HUB et Aleksotas Innovation Park : deux nouveaux pôles économiques

Parmi les projets structurants, deux grands ensembles se détachent. D’abord, le campus stock-office « Urban HUB » développé par SBA Urban à Biruliškės, dans le district de Kaunas. Sur plus de 70 000 m², en trois phases, cet ensemble multifonctionnel accueillera logistique, commerces, bureaux, restauration et loisirs, pour un investissement dépassant 100 millions d’euros. La première phase, 22 000 m², doit regrouper une cinquantaine d’entreprises, des grandes marques alimentaires aux enseignes spécialisées, cafés et espaces d’animation.

Autour, la municipalité développe les réseaux d’eau, d’assainissement et de drainage, prolonge le chauffage urbain et reconstruit les voies d’accès, notamment par la création d’une nouvelle rue des Vétérinaires. L’architecture, signée PLH Architects (Danemark), donne au site une dimension vitrine pour le modèle stock-office dans la région.

Municipalité et PLH Architects (Danemark)

Ensuite, l’Aleksotas Innovation Park (AIP), sur le site de l’ancienne usine aéronautique, vise à devenir une « vallée de l’innovation » compacte et verte. Les réseaux de surface et souterrains ont été installés, un hangar de maintenance d’hélicoptères de 10 000 m² est en passe d’être reconverti, et une étude de faisabilité urbaine propose un découpage en 20 parcelles, pour un potentiel de plus de 200 000 m² de construction. Co-financé à hauteur de plus de 10 millions d’euros par des fonds européens, le parc se fixe des indicateurs ambitieux : au moins 1 000 emplois qualifiés, 142 chercheurs et 90 millions d’euros d’investissements privés.

L’encadré ci-dessous résume quelques chiffres-clés de ces deux projets.

ProjetSurface / CapacitéInvestissement estiméObjectifs majeurs
Urban HUB Kaunas (Biruliškės)> 70 000 m² (3 phases)> 100 M€Campus stock-office, ~50 entreprises 1ère phase
AIP – Aleksotas Innovation Park> 200 000 m² potentiels> 10 M€ fonds européens≥ 1 000 emplois, 142 chercheurs, 90 M€ privés

Rebond démographique et boom résidentiel

Contrairement à d’autres villes lituaniennes, Kaunas a vu sa population croître d’environ 5,8 % sur cinq ans, gagnant près de 16 800 résidents. Le marché immobilier s’adapte : en 2023, plus de 1 500 nouveaux appartements étaient programmés, après un pic de 1 020 logements livrés en 2022, niveau inédit depuis 2008. Derrière ces chiffres, plusieurs tendances : retour d’habitants des banlieues vers le centre, demande accrue pour des surfaces spacieuses (plus de 120 m²), et arrivée d’investissements étrangers depuis l’Estonie, la France, la Norvège, le Danemark, la Finlande ou les États-Unis.

Astuce :

Des groupes immobiliers développent activement de nouveaux quartiers à Kaunas. YIT Lietuva construit les quartiers « Piliamiestis » et « Matau Kauną » en bordure de la rivière Neris et dans le secteur d’Aleksotas. Parallèlement, SBA Urban étend son projet résidentiel « Nemunaičiai » à Žemoji Freda, avec l’ambition de créer un nouveau quartier sur la rive. Ce développement est soutenu par la construction d’un pont vers l’île de Nemunas, le futur centre de concerts M.K. Čiurlionis et la réhabilitation de la rue H. et O. Minkovskių.

Culture et patrimoine comme leviers urbains

Kaunas mise aussi sur la culture. Après avoir été Capitale européenne de la culture en 2022, la ville poursuit l’effort : plus de 100 millions d’euros ont été engagés ces dernières années dans les infrastructures culturelles. À l’horizon proche, la construction du Centre de concerts M. K. Čiurlionis – un bâtiment de 23 000 m² en verre sur la rive gauche du Niémen, près du pont Vytautas le Grand – doit doter la ville d’une salle de musique classique de 1 500 places et d’un auditorium multifonction de 700 places. Le projet, fruit d’un concours international ayant attiré 119 projets de 36 pays, est dessiné par Paleko Archstudija et Baltic Engineers.

1300000

L’enveloppe budgétaire allouée à la modernisation de l’école des arts Mikas Petrauskas pour en faire un pôle d’enseignement moderne.

Dans le même temps, le programme « Modernism for the Future » valorise l’architecture de l’entre-deux-guerres, désormais labellisée par l’Union européenne (Label du patrimoine européen en 2015, inscription UNESCO en 2023). La municipalité a fortement accru son soutien financier à ce patrimoine, passant de 30 000 € en 2015 à 400 000 € en 2016 puis 1 million d’€ en 2017, parallèlement à 800 000 € par an pour d’autres programmes culturels et à 12 millions d’€ alloués à « Kaunas 2022 ».

Transition énergétique et smart city

La transition énergétique est un autre volet central. Le concept de planification des énergies renouvelables pour la municipalité, élaboré dans le cadre du projet Interreg BEA-APP, vise à bascule le chauffage urbain de Kaunas – autrefois dépendant à 96 % du gaz naturel en 2010 – vers une alimentation 100 % biomasse et énergies renouvelables. Un incinérateur de déchets municipaux (CHP) opéré par Fortum, en chantier pour une mise en service autour de 2020, devait jouer un rôle structurant dans ce basculement, avec un objectif de 85 % de biomasse dans le mix annuel.

La société Kauno energija, qui gère 410 km de réseau de chaleur pour 120 000 habitants et 3 500 bâtiments commerciaux, expérimente par ailleurs une infrastructure IoT à base de réseau LoRaWAN, avec des passerelles TEKTELIC, pour suivre en temps réel les paramètres de chaleur et d’eau chaude. À terme, cette couche numérique doit être étendue à d’autres services urbains : eau potable, éclairage public, gestion des déchets ou stationnement.

Klaipėda et les ports : la mer comme nouveau front urbain

À l’ouest, Klaipėda incarne un autre type de développement : celui d’une ville-port qui se veut plate-forme régionale de l’énergie verte et de la logistique. Le port, resté libre de glace toute l’année, manipule plus de 47 millions de tonnes de marchandises et plus d’un million de conteneurs par an, et s’insère dans le corridor central du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).

Un plan d’investissement massif pour un port vert

Entre 2025 et 2028, l’Autorité du port de Klaipėda prévoit d’investir 308 millions d’euros, avec l’appui de la Banque européenne d’investissement. Au programme : la création d’une nouvelle zone de 100 hectares au sud, avec un chenal d’entrée élargi (200 m), un bassin de retournement, 1,3 km de quai et l’ensemble des réseaux techniques. Les quais de la presqu’île de Smeltė seront renforcés pour supporter jusqu’à 40 tonnes par m², condition sine qua non pour accueillir les composants lourds des parcs éoliens en mer.

3.7

C’est la longueur totale, en kilomètres, des quais qui seront reconstruits, allongés ou approfondis pour le nouveau projet portuaire.

L’éolien offshore et l’hydrogène vert comme catalyseurs

Klaipėda se positionne comme base arrière de deux futurs parcs éoliens offshore, d’une capacité combinée d’environ 1,4 GW et susceptibles de produire jusqu’à 6 TWh par an, soit la moitié de la consommation électrique actuelle du pays. Une première concession de 700 MW a été attribuée à une coentreprise entre Ignitis Renewables et OW Offshore S.L. Une enveloppe de 115 millions d’euros a été annoncée en 2023 pour adapter les infrastructures portuaires à ces projets, dont une partie sur la presqu’île de Smeltė via un accord d’investissement avec la société de manutention Klasco.

Bon à savoir :

Le port déploie un électrolyseur PEM pour produire environ 500 kg d’hydrogène vert par jour. Cet hydrogène alimentera le premier navire de collecte de déchets à hydrogène du pays et des locomotives de fret via un partenariat avec LTG Group. De plus, des bornes d’alimentation à quai pour ferries seront installées pour fournir de l’énergie propre à la flotte.

Ces choix engagent profondément la ville elle-même : ils structurent de nouvelles zones d’activités, modifient le front d’eau, attirent des compétences industrielles et des emplois qualifiés, et imposent des contraintes environnementales fortes (respect des directives européennes EIE, cadre sur l’eau, habitats et oiseaux).

Une politique nationale de mobilité durable structurée

L’ensemble de ces dynamiques locales s’inscrit dans un cadre national très normatif. Le ministère des Transports et des Communications a adopté dès 2015 des lignes directrices pour les Plans de mobilité urbaine durable, mises à jour en 2022 pour intégrer le Pacte vert européen et le nouveau cadre européen de mobilité urbaine. Le texte couvre dix thématiques, de la sécurité routière aux carburants alternatifs, en passant par la logistique urbaine, les systèmes de transport intelligents ou les infrastructures d’échange du RTE-T.

Un tableau permet de situer l’ampleur des investissements programmés autour des SUMP.

Élément de politique SUMPIndicateur principal
Villes dotées d’un SUMP approuvé20
Villes en cours de préparation de SUMP5
Coût de préparation des 18 premiers SUMP1,5 M€
Coût estimé des mesures de mobilité durable1,5 Md€ (18 villes) / 2,2 Md€ (national)
Financement UE 2021–2027 (mobilité urbaine)Programme dédié « Sustainable Urban Mobility »

Le ministère fixe aussi des objectifs précis pour les transports publics : d’ici 2029, tout le transport routier public devra fonctionner aux carburants alternatifs, avec une proportion croissante de véhicules zéro émission. D’ici 2026, tous les véhicules achetés via des appels d’offres publics devront être à carburant alternatif, dont au moins la moitié sans émissions de CO₂. Quatre stations à hydrogène sont programmées d’ici 2026, dix d’ici 2030, et 300 points de recharge pour véhicules lourds électriques doivent être installés.

51

Nombre de bus électriques achetés entre 2014 et 2020 parmi les 189 bus publics financés par des fonds nationaux et européens.

PPP, équipements et villes moyennes : diffuser la transformation

Au-delà des grandes métropoles, la Lituanie mise sur les partenariats public-privé (PPP) pour moderniser ses infrastructures dans tout le pays. Fin 2024, cinquante contrats PPP étaient en cours, avec une montée en puissance notable des projets liés à la défense nationale et aux équipements sportifs, éducatifs ou de loisirs.

Parmi les opérations programmées pour 2025, on trouve : les projets d’infrastructure majeurs, l’extension du réseau de transport en commun, et l’amélioration des services publics.

Projets d’investissement public en Lituanie

Un aperçu des principaux projets d’infrastructure et de développement prévus, couvrant les domaines militaire, routier, sportif, culturel et énergétique.

Infrastructures militaires

Modernisation de grands ensembles à Rūdninkai et Kairiai (près de Klaipėda), avec un budget estimé entre 900 millions et 1,2 milliard d’euros.

Réseau routier

Amélioration d’axes structurants comme la nationale 130 Kaunas–Prienai–Alytus et création de la déviation de Zarasai.

Complexes sportifs et aquatiques

Construction de nouveaux équipements à Vilkaviškis, Rudamina et dans le district de Šiauliai.

Culture et patrimoine

Création d’un musée d’art moderne à Nida et rénovation du zoo national.

Efficacité énergétique

Projets d’optimisation énergétique et de modernisation de l’éclairage public à Šilalė, Rokiškis et Telšiai.

La logique est toujours la même : confier au partenaire privé la conception, la construction, le financement et parfois l’exploitation, avec un transfert progressif de l’actif à la collectivité. Dans le champ des transports, la modernisation de l’éclairage de rue à Klaipėda a par exemple été confiée à un consortium de deux entreprises pour une durée de quinze ans, tout comme la rénovation du stade S. Darius et S. Girėnas et du Kaunas Sports Hall.

Des villes qui s’appuient sur la participation citoyenne

Le développement urbain lituanien ne se joue pas uniquement dans les cabinets d’architectes ou les conseils municipaux. Alytus, ville de 51 856 habitants, a mis en place depuis 2018 une procédure permettant à tout groupe de 16 résidents au moins de proposer des projets d’aménagement (aires de jeux, parcs canins, espaces verts). Entre 2019 et 2023, 55 propositions ont été soumises au vote, dont 13 réalisées pour plus de 700 000 € : une sculpture monumentale « Alytus-Myliu » à l’entrée de la ville, une aire de jeux pour adolescents, une place de concerts dans le jardin municipal, un espace de loisirs « Jasmine Park » ou encore un coin grill dans le parc de la Jeunesse.

Bon à savoir :

À partir de 2024, les écoles pourront décider elles-mêmes de l’aménagement de leurs espaces. Cette initiative s’inscrit dans les stratégies de développement durable et les plans d’action de la ville, et fait partie d’un mouvement plus large de participation citoyenne, comme en témoigne l’exemple de Vilnius où les consultations pour le plan général ont recueilli 1 200 contributions puis 330.

Défis persistants et pistes d’évolution

Malgré cette profusion de chantiers, la Lituanie fait face à plusieurs défis majeurs. Le premier relève de l’accessibilité du logement. Dans un contexte de hausse des loyers (jusqu’à +26,7 % en 2022 et +10,2 % en 2023 à Vilnius) et de forte demande locative, notamment dans les quartiers d’affaires, le gouvernement est poussé à repenser ses aides à l’accession, jugées trop centrées sur la demande. L’OCDE recommande d’orienter davantage les ressources vers l’offre (construction de logements abordables, mobilisation du foncier public, incitations fiscales pour les bailleurs).

Attention :

La Lituanie affiche un taux de mobilité résidentielle parmi les plus bas de l’OCDE, entravant l’ajustement au marché du travail. Plus de 40% des seniors vivent seuls dans des logements énergivores. La solution passe par le développement de services de proximité (ville du quart d’heure) et l’amélioration du parc immobilier existant, sans contraindre au départ.

Le troisième tient aux capacités municipales. Les grandes villes comme Vilnius, Kaunas ou Klaipėda disposent de services d’urbanisme solides, capables de piloter de grands projets et de dialoguer avec les investisseurs. Mais nombre de petites municipalités, notamment parmi les 14 territoires en déclin démographique, manquent d’ingénierie technique et financière pour lancer des opérations complexes. Le renforcement de ces compétences est explicitement identifié comme une priorité, de même que la création, à l’échelle de l’État, d’un ministère chef de file pour le logement et d’un mécanisme de financement de long terme pour le logement social et abordable.

Une trajectoire contrastée, mais assumée

En filigrane de tous ces projets se dessine une stratégie claire : utiliser la ville comme levier de transformation économique, environnementale et sociale. À Vilnius, cela se traduit par une capitale verte et numérique, qui recompose ses friches ferroviaires et ses berges. À Kaunas, par une alliance entre modernisme patrimonial et nouvelles industries innovantes. À Klaipėda, par la volonté de faire du port un hub d’énergie verte qui bénéficie aussi à la ville. Dans les petites et moyennes villes, par des programmes de mobilité, de PPP et de participation citoyenne qui visent à maintenir la qualité de vie malgré la pression démographique.

Le pari est ambitieux : atteindre la neutralité climatique dès 2030 pour la capitale, transformer en profondeur un parc de logements en grande partie hérité de l’époque soviétique, et rééquilibrer un pays très polarisé autour de quelques centres urbains. À la lumière des investissements déjà engagés et des cadres stratégiques adoptés, la Lituanie semble avoir choisi d’avancer vite, en acceptant d’expérimenter – que ce soit via des modèles d’habitat alternatifs, des jumeaux numériques ou des portails de participation – plutôt que d’attendre des solutions toutes faites venues d’ailleurs.

Ce qui se joue aujourd’hui sur les rives de la Neris, dans les hangars d’Aleksotas ou sur les quais de Klaipėda dépasse largement la seule question du bâti : c’est une nouvelle façon de faire la ville, où l’énergie, le climat, la culture, la mobilité et le logement sont pensés comme un tout cohérent. Le succès de cette approche dépendra autant de la capacité à financer et livrer ces projets que de celle à en faire des lieux vivables pour tous, y compris les ménages les plus modestes et les territoires les plus fragiles.

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A propos de l'auteur
Cyril Jarnias

Cyril Jarnias est un expert indépendant en gestion de patrimoine internationale avec plus de 20 ans d'expérience. Expatrié, il se consacre à aider les particuliers et les chefs d'entreprise à construire, protéger et transmettre leur patrimoine en toute sérénité.

Sur son site cyriljarnias.com, il développe son expertise sur l’immobilier international, la création de société à l’étranger et l’expatriation.

Grâce à son expertise, il offre des conseils avisés pour optimiser la gestion patrimoniale de ses clients. Cyril Jarnias est également reconnu pour ses interventions dans de nombreux médias prestigieux tels que BFM Business, les Français de l’étranger, Le Figaro, Les Echos ou encore Mieux vivre votre argent, où il partage ses connaissances et son savoir-faire en matière de gestion de patrimoine.

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