Les erreurs à éviter lors de l’achat d’un bien immobilier au Nicaragua

Publié le et rédigé par Cyril Jarnias

Acheter un bien immobilier au Nicaragua attire de plus en plus d’investisseurs étrangers, séduits par les prix, les paysages et les perspectives de rendement locatif. Mais derrière les photos de plages paradisiaques et de maisons coloniales se cache un environnement juridique, fiscal et politique complexe. Les autorités américaines parlent sans détour de la nécessité d’« extrême prudence » pour leurs ressortissants, en raison d’un État de droit fragile, d’un historique de confiscations et d’un registre foncier souvent chaotique.

Bon à savoir :

Cet article identifie les erreurs fréquentes des investisseurs étrangers, en expliquant les pièges et comment les contourner, selon le cadre légal, les pratiques du marché et des retours d’expérience documentés. L’objectif est d’informer, non de décourager l’investissement.

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Sous-estimer la complexité juridique et l’héritage des confiscations

Beaucoup de nouveaux arrivants partent du principe que puisqu’ils ont, sur le papier, les mêmes droits de propriété qu’un citoyen nicaraguayen, la transaction se déroulera comme dans leur pays d’origine. C’est une première erreur.

La Constitution nicaraguayenne, via ses articles 44 et 27, protège la propriété privée et garantit l’égalité de traitement pour les investisseurs étrangers. La Loi de promotion de l’investissement étranger (Loi 344) renforce ce principe. En théorie, un étranger peut donc acheter et détenir un bien en pleine propriété, directement ou via une société locale, sans montant minimum d’investissement.

28000

Nombre de propriétés expropriées par le gouvernement sandiniste entre 1979 et 1990 au Nicaragua.

Ne pas intégrer cet héritage dans son analyse, c’est accepter le risque d’acheter un bien qui pourra être attaqué des années plus tard par un ex-propriétaire, ses héritiers ou un bénéficiaire d’une réforme agraire.

Titre de propriété vs « droit de possession » : une confusion fatale

Une autre source d’erreur fréquente est la confusion entre propriété titrée (titre en bonne et due forme, inscrit au registre) et simple « droit de possession ». Ce dernier est courant dans certains secteurs, notamment dans les Corn Islands ou en zones rurales. Un droit de possession peut parfois être régularisé, mais il offre nettement moins de sécurité qu’un titre pleinement enregistré.

Acheter sur la base d’un simple droit de possession, sans stratégie juridique très solide et sans vérifier la possibilité de titrisation, expose l’acheteur à voir son droit contesté ou non reconnu par les tribunaux.

Croire que le registre public apporte une sécurité absolue

Le Registre public de la propriété (Registro Público) est censé assurer la publicité foncière. Mais il est lui-même le reflet de décennies de réformes, de confiscations et de réenregistrements. Les numéros cadastraux ont changé au fil des subdivisions et regroupements, une partie des archives a été endommagée, et toutes les mutations ne sont pas enregistrées ou le sont parfois pour des montants fictifs.

Attention :

Une erreur classique est de se contenter d’un extrait récent du registre foncier. La pratique recommandée est de remonter systématiquement la chaîne de propriété : au moins jusqu’en 1979 pour la plupart des biens, et jusqu’à avant 1917 pour les propriétés côtières, en raison de l’implication fréquente de l’État à cette époque.

Un examen superficiel du registre, sans reconstitution sérieuse d’historique, laisse la porte ouverte à tous les litiges liés aux confiscations passées, aux successions mal réglées ou aux ventes effectuées sans toutes les signatures requises.

Négliger un véritable travail de due diligence

Ignorer ou bâcler la due diligence est sans doute l’erreur la plus générale et la plus coûteuse. Beaucoup de litiges auraient pu être évités avec quelques semaines supplémentaires d’enquête et quelques centaines de dollars investis dans des vérifications solides.

Une due diligence sérieuse au Nicaragua ne se limite pas à « regarder le titre ». Elle combine analyses juridiques, techniques, fiscales et de terrain : historique de propriété, absence de charges, cohérence cadastrale, contrôle des impayés, vérification de l’occupation réelle, risques environnementaux, accès routier, disponibilité des services, conformité aux lois spéciales (côtière, frontière, indigène, etc.).

Les documents clés trop souvent oubliés

Plusieurs documents sont indispensables pour réduire le risque, mais beaucoup d’acheteurs étrangers ne les exigent pas systématiquement, par ignorance ou précipitation. Le tableau suivant résume les pièces majeures et les erreurs courantes associées.

Document / VérificationRôle principalErreur fréquente de l’acheteur
Escritura Pública (titre notarié)Acte de propriété de baseSe contenter d’une copie ancienne ou incomplète
Libertad de Gravamen (sans charges)Certifie l’absence d’hypothèques, saisies, etc. (valide 30 jours)Ne pas la mettre à jour juste avant la signature
Solvencia MunicipalAtteste du paiement des taxes municipales (valide 30 jours)Ignorer des arriérés pouvant bloquer la revente
Plan cadastral mis à jourPlan de situation officiel de la parcelleNe pas vérifier la cohérence entre plan, terrain et registre
Historique registral completRetrace toute la chaîne de propriétéSe limiter au dernier transfert uniquement
Certificación de No Objeción (PGR)Nécessaire pour certains biens « sensibles »Ne pas l’obtenir avant de payer le prix

Ne pas exiger ces pièces, ou ne pas les faire analyser par un avocat local aguerri, revient à avancer à l’aveugle dans un système notoirement complexe.

Négliger l’inspection physique et les vérifications de terrain

Une autre erreur répandue consiste à se fier uniquement aux plans et aux photos. Au Nicaragua, l’inspection physique est pourtant incontournable, pour plusieurs raisons.

Exemple :

Lors de l’inspection d’un terrain en Espagne, il est crucial de constater que les limites physiques (clôtures, murs) peuvent ne pas correspondre au plan cadastral, par exemple si un voisin a empiété de quelques mètres ou si un chemin d’accès est contesté. Cette inspection permet également de s’assurer de l’absence d’occupants non autorisés, comme des squatters, ou de locataires pouvant bénéficier du droit à indemnisation pour améliorations (« Indemnización por Mejoras »), afin de vérifier que le vendeur a bien le contrôle matériel du bien.

Par ailleurs, les « vices cachés » sont fréquents : problèmes de fondations, infiltration, termites, réseaux électriques sous-dimensionnés, pentes sujettes à l’érosion, risques d’inondation. Une expertise technique par un ingénieur ou un constructeur expérimenté permet de documenter ces aspects. La loi n’offre qu’une protection limitée au propriétaire en cas de découverte ultérieure de défauts non apparents ; mieux vaut donc les identifier avant la signature.

Astuce :

Avant tout achat, il est crucial d’évaluer précisément l’environnement du terrain. Vérifiez la qualité de la route et son accessibilité en toutes saisons (un 4×4 est-il nécessaire ?), la fréquence des coupures d’eau et d’électricité, la disponibilité d’internet, les nuisances sonores potentielles, la sécurité du quartier et les distances réelles aux services et commerces. Évitez le piège classique d’acheter un terrain « à la jungle » sans connaître le calendrier de raccordement aux réseaux ou la praticabilité des accès, notamment pendant la saison des pluies.

Mal comprendre les lois spéciales : côtes, frontières, terres indigènes

Le droit de propriété nicaraguayen comporte des zones grises et surtout des zones « sensibles » où les règles diffèrent : littoral, zones frontalières, terres communautaires indigènes. Une erreur grave consiste à ignorer ces régimes particuliers ou à se contenter d’affirmations verbales d’un vendeur ou d’un agent.

Propriétés côtières : une législation très spécifique

La Loi côtière de 2009 (souvent désignée comme Law 690 ou Ley de Costas) encadre de manière stricte l’utilisation des terres bordant plages, lacs, lagunes et rivières. Elle pose plusieurs principes clés.

La bande allant de la mer jusqu’à la ligne de marée haute, prolongée par 50 mètres à l’intérieur des terres, appartient au domaine public. Aucune propriété privée ne peut y être constituée ; seule l’usage public est admis. Au-delà des 50 mètres, jusqu’à 200 mètres de la ligne de marée haute, il est possible d’avoir des titres privés ou des concessions, mais avec des restrictions d’usage, d’accès public (droits de passage), de densité et de constructions.

Cette loi a été à l’origine de nombreux conflits, par exemple lorsque des acheteurs ont découvert que leur terrain – vendu comme « titre privé en bord de mer » – recouvrait en réalité tout ou partie de la zone maritime publique ou de la bande des 50 mètres. Dans certains cas, des constructions existantes sont tolérées parce qu’antérieures à la loi, mais les possibilités d’agrandissement ou de reconstruction sont limitées.

Loi sur le littoral

Autre point souvent méconnu : un certain nombre de propriétés côtières, ou de biens historiquement appartenant à l’État, exigent pour leur enregistrement une Certificación de No Objeción délivrée par le Bureau du Procureur général (PGR). Sans ce document, la transaction ne peut aboutir au registre, même si tout le reste paraît en ordre. Obtenir ce certificat peut prendre des mois, voire plus, et le faire après paiement intégral du prix est extrêmement risqué.

Zones frontalières : l’interdiction pure et simple pour les étrangers

Pour des raisons de sécurité nationale, la loi sur les frontières interdit aux étrangers de posséder des terres à moins de 5 km des frontières avec le Costa Rica et le Honduras. Entre 5 et 15 km, des autorisations spéciales peuvent être exigées et les délais d’obtention peuvent se compter en années.

Attention :

L’interposition d’une société nicaraguayenne pour contourner des limitations légales expose, sans avis juridique spécialisé, à des risques de contestation de la validité du montage ou de blocage de son enregistrement.

Terres indigènes et communautaires : un terrain miné

Les régions autonomes de la côte Caraïbe (RAAN et RAAS) abritent d’importantes terres indigènes et afro-descendantes gérées collectivement. Ces terres sont régies par des normes spécifiques, souvent consolidées par la Loi 445 et par des décisions judiciaires internationales.

Dans ces zones, les transactions classiques de type « vente de propriété privée » ne sont pas toujours possibles. On parle davantage de concessions ou de baux octroyés par les conseils communautaires. Ces droits sont parfois mal documentés, rarement inscrits dans le registre foncier classique, et les litiges sont difficiles à résoudre dans le cadre du droit civil ordinaire.

Une erreur lourde de conséquences consiste à acheter, via des contrats privés, des parcelles en territoire indigène sans avoir obtenu, noir sur blanc, la validation de l’organe communautaire compétent, ni éclairci les limites réelles de la concession. En cas de conflit, il est fréquent que les acquéreurs se retrouvent sans protection effective, même munis d’un acte signé.

Se fier à de « mauvais » professionnels ou ne pas en avoir du tout

Dans un environnement juridique complexe, le choix des professionnels fait la différence entre une opération sécurisée et un cauchemar. Une erreur majeure consiste à s’en remettre uniquement au vendeur ou à l’agent immobilier, ou à accepter l’avocat « recommandé » par l’agent sans se poser de questions.

Un avocat indépendant, local et spécialisé n’est pas une option : c’est une nécessité

Le système nicaraguayen relève du droit civil, avec des codes et pratiques très différents de la common law nord‑américaine ou de certains droits européens. Des notions clés comme « afectación familiar » (déclaration de bien familial imposant le consentement des deux époux pour la vente), « título supletorio » (titre supplétoire), servitudes non enregistrées, droits d’améliorations, etc., peuvent complètement changer la donne.

Attention :

Pour un achat immobilier au Nicaragua, il est impératif d’engager un avocat local expérimenté en immobilier et habitué aux transactions avec des étrangers. Il est périlleux de se contenter d’un juriste représentant les deux parties, ce qui crée un conflit d’intérêts évident. Des cabinets spécialisés rapportent qu’une proportion non négligeable des dossiers qu’ils refusent ou déconseillent présentent des problèmes graves détectables lors d’un examen approfondi (due diligence).

Agents immobiliers : licences récentes, mais pratiques encore disparates

Depuis 2024, les agences immobilières doivent obtenir une licence officielle auprès de l’INVUR et se soumettre à des obligations de déclaration fiscale (TVA sur les commissions) et de lutte contre le blanchiment d’argent. Sur le papier, cela professionnalise le secteur. Dans la réalité, le marché reste très fragmenté, avec beaucoup d’intermédiaires informels, y compris sur des plateformes comme Facebook Marketplace.

Bon à savoir :

La plupart des agents représentent le vendeur, visant un prix élevé. Sans base de données publique des ventes, les étrangers risquent une ‘gringo tax’, une surcote substantielle. Se fier uniquement aux estimations de l’agent sans devenir soi-même expert des prix locaux, après plusieurs semaines de visites et de comparaisons, peut entraîner un surcoût de 20 à 30%.

Rater la marche sur la fiscalité et les coûts annexes

Une autre erreur courante est de sous‑estimer la fiscalité et les frais de transaction, ou de les répartir à son désavantage faute d’en comprendre les règles.

Confusion sur qui paie quoi à la signature

Le coût total d’un achat immobilier au Nicaragua, en additionnant taxes, frais de registre, honoraires de notaire et d’avocat, oscille globalement entre 6 et 8 % du prix du bien, parfois davantage pour les très gros montants. Le détail typique comprend :

Poste de coûtOrdre de grandeur / Taux indicatif
Taxe de transfert (Impuesto de Transmisión)Barème progressif de 1 % à 7 % selon la valeur
Frais d’enregistrementEnviron 1 % de la valeur déclarée
Honoraires d’avocatEn général 1 à 2 % du prix
Honoraires de notaireEnviron 0,5 à 1 %
Frais d’escrow, virements, certificatsEnviron 1 000 USD (variable)

En théorie, la taxe de transfert est à la charge du vendeur. Dans la pratique, il est fréquent que vendeurs et agents tentent de la faire supporter à l’acheteur, surtout étranger. Accepter cela sans le savoir, c’est augmenter son coût réel de manière significative. Une négociation claire, appuyée par un conseil juridique, permet de fixer noir sur blanc qui supporte chaque poste.

Sous‑estimer la fiscalité annuelle et les aléas du cadastre

L’impôt foncier annuel (IBI) est faible comparé à l’Amérique du Nord : environ 1 % de 80 % de la valeur cadastrale du bien, elle‑même en général très inférieure au prix de marché. Certaines petites propriétés urbaines ou agricoles sont même exonérées. Beaucoup de municipalités accordent une remise (environ 10 %) en cas de paiement anticipé en début d’année.

Attention :

Après la crise de 2018, certaines municipalités ont brutalement augmenté les évaluations cadastrales, parfois les multipliant par quatre, sans lien avec la réalité du marché. Les barèmes manquent souvent de transparence, obligeant les contribuables à contester activement des revalorisations perçues comme arbitraires.

Par ailleurs, les autorités n’envoient pas systématiquement d’avis d’imposition ; l’obligation de se renseigner et de payer incombe au propriétaire. Ne pas le faire peut empêcher l’obtention de la solvencia municipal indispensable pour vendre, développer ou renouveler certaines licences.

Ignorer l’impact du mode de détention sur les impôts futurs

La façon de détenir le bien a aussi des conséquences fiscales. Une société nicaraguayenne supporte en général un impôt sur les plus‑values d’environ 15 %, alors qu’une détention en nom propre peut exposer à un taux de 30 % relevant de l’impôt sur le revenu des personnes. De plus, vendre les parts d’une société détenant le bien plutôt que le bien lui‑même peut, dans certaines conditions, permettre d’éviter une nouvelle taxe de transfert et certains frais.

Attention :

Ne pas intégrer les aspects fiscaux dès la structuration de l’acquisition d’un bien prive d’optimisations légales et expose à une facture fiscale plus lourde lors de la revente.

Tomber dans le piège du financement et du paiement « facile »

Nombre d’investisseurs supposent qu’ils pourront financer leur achat au Nicaragua comme chez eux, avec une banque locale, ou qu’ils peuvent payer en liquide sans conséquence. Là encore, le contexte est très particulier.

Compter sur un crédit bancaire local

Les banques nicaraguayennes accordent rarement des prêts hypothécaires à des étrangers. Quand elles le font, les conditions sont exigeantes : résidence locale, preuve de revenus stables au Nicaragua, apport de 40 à 50 %, intérêts de l’ordre de 9 à 15 % sur longue durée. Autant dire que, pour la très grande majorité des acheteurs internationaux, le marché est un marché cash.

Bon à savoir :

Pour acquérir un bien à l’étranger, il est risqué de compter sur l’obtention d’un prêt local. Les solutions recommandées sont le financement dans votre pays d’origine (par exemple via le refinancement d’un crédit hypothécaire existant), l’achat au comptant, ou un financement accordé directement par le vendeur.

Utiliser un financement vendeur sans encadrement juridique strict

Le financement vendeur (seller financing) est courant, souvent avec 30 à 50 % d’apport, des durées de 3 à 7 ans et des taux de 5 à 10 %. Bien structuré, avec un contrat clair sur les intérêts, les échéances, les pénalités de retard et les modalités de reprise en cas de défaut, c’est un outil utile.

Bon à savoir :

De nombreux contrats, rédigés à la hâte, omettent des clauses essentielles : la non-transférabilité de la dette, l’articulation entre le paiement et l’enregistrement du titre, et les conséquences si la propriété ne peut être enregistrée. Ces omissions génèrent des contentieux, exposant l’acheteur à une perte du bien en cas d’impayés et le vendeur à un titre immobilier bloqué et impossible à transférer correctement.

Payer sans escrow dans un marché partiellement informel

Les transactions au Nicaragua se concluent encore souvent avec des paiements en cash, parfois en valise, ou par chèques de banque et virements peu encadrés. L’usage d’un compte séquestre (escrow) n’est pas systématique, ni encore totalement entré dans les habitudes. Pourtant, c’est l’un des rares « filets de sécurité » à la disposition des acheteurs et des vendeurs pour s’assurer que le transfert de fonds n’intervient qu’en parallèle d’un transfert de titre juridiquement valable.

Ne pas utiliser un service d’escrow fiable – souvent opéré par un cabinet d’avocats disposant de sa propre société de séquestre – augmente le risque de fraude, de disparition de fonds ou de conflit sur les conditions de libération de l’argent.

Vouloir tout faire à distance et se faire piéger par l’information en ligne

La tentation est grande d’acheter à distance : visites virtuelles, promesses d’aubaine, offres « off‑market » relayées sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’étrangers commettent l’erreur de signer une promesse de vente, voire de solder un achat, sans avoir mis les pieds sur place.

Attention :

Les annonces en ligne pour l’immobilier, notamment sur des plateformes comme Facebook Marketplace, sont souvent approximatives, dupliquées ou mensongères (prix fantaisistes, surfaces inexactes, statut juridique maquillé). Dans un marché encore très informel où la transaction repose souvent sur le bouche-à-oreille, tenter d’acheter un bien depuis l’étranger uniquement sur la base de ces annonces expose directement aux arnaques.

Même si un pouvoir spécial (Poder Especial) permet de déléguer la signature à un représentant, il est fortement déconseillé de l’utiliser sans avoir réalisé personnellement une phase d’exploration sur place : visites multiples, rencontres d’avocats, discussions avec des expatriés sur les forums ou associations (ANID, AMCHAM, etc.), repérage de plusieurs villes et quartiers.

En revanche, éviter absolument les procurations générales (Poder General ou Poder Generalísimo), qui confèrent à un tiers des pouvoirs très étendus, y compris la capacité de vendre vos biens sans limites claires. De nombreux contentieux tiennent à des abus de telles procurations.

Mal relier l’investissement immobilier et la résidence / les incitations

Beaucoup d’étrangers combinent achat immobilier et projet de résidence au Nicaragua, soit via le statut d’investisseur, soit via des régimes pour retraités (pensionado) ou rentiers (rentista). Une erreur répandue est de croire qu’acheter une maison de 30 000 USD suffit mécaniquement à obtenir une résidence d’investisseur.

Bon à savoir :

Pour obtenir un visa via le programme d’investisseur, il faut créer une entreprise locale (souvent une S.A.), présenter un plan d’affaires sur 5 ans, démontrer la création d’au moins deux emplois pour des Nicaraguayens, et obtenir l’approbation du ministère (MIFIC) qui peut effectuer des inspections. Un simple achat immobilier pour y vivre ou le louer occasionnellement n’est pas suffisant.

L’erreur stratégique ici est double. D’une part, certains investissent dans un bien inadéquat (résidentiel pur, ou mal placé pour un usage commercial), pensant qu’il sera accepté comme « investissement éligible ». D’autre part, ils ne montent pas correctement la structure juridique (achat en nom propre au lieu de la société, flux financiers non formalisés), ce qui complique grandement la reconnaissance de l’investissement par les autorités.

Les incitations fiscales sectorielles (par exemple la Loi 306 pour les projets touristiques) fonctionnent aussi sur des critères précis : nature du projet, localisation, taille, retombées économiques. Penser qu’un simple bungalow en bord de mer bénéficiera automatiquement d’exonérations d’impôts sur le revenu et de droits de douane est illusoire si le montage n’est pas calibré aux exigences du texte.

Ignorer les risques politiques, judiciaires et de sécurité

Même un dossier parfaitement monté ne met pas totalement à l’abri des risques propres au contexte nicaraguayen. Les analyses d’organismes internationaux et les avertissements du Département d’État américain convergent sur plusieurs points.

Les institutions judiciaires et administratives manquent de moyens et sont exposées aux influences politiques. Les procédures sont lentes : un litige foncier peut durer des années, et même une décision favorable ne sera pas toujours appliquée sur le terrain. La police ou les autorités locales peuvent se montrer réticentes à expulser des occupants illégaux, surtout s’ils invoquent des droits d’améliorations ou une protection politique.

Attention :

Dans les zones rurales et sur certains sites convoités, des intrusions de squatters et des ‘retenues’ de propriété sont signalées, parfois avec la complicité des gardiens ou employés. Engager un vigile sans encadrement approprié peut aggraver le risque, ces employés pouvant se retourner contre le propriétaire.

Enfin, des mégaprojets annoncés, comme le canal interocéanique, ont à une époque généré de fortes incertitudes sur de larges corridors fonciers, avec des expropriations annoncées ou craintes. Même si ces projets semblent au point mort, le spectre d’expropriations ou de réaffectation de zones stratégiques demeure un facteur de risque à prendre en compte dans le choix d’un emplacement.

Conclusion : investir au Nicaragua sans se brûler les ailes

Le marché immobilier nicaraguayen recèle de vraies opportunités : droits de propriété théoriquement ouverts aux étrangers, fiscalité foncière modérée, rendements locatifs potentiels intéressants sur certains segments, coûts de construction et de main‑d’œuvre compétitifs, dynamique touristique, ainsi qu’un cadre juridique d’investissement (Loi 344, dispositifs pour retraités et investisseurs) plutôt favorable sur le papier.

Mais ces atouts s’accompagnent d’un ensemble tout aussi réel de risques : titres compliqués par l’histoire des confiscations, registres lacunaires, lois spéciales (côtes, frontières, terres indigènes) mal comprises, pratiques de marché opaques, financement bancaire difficile, justice lente et parfois politisée, présence de squatters et conflits sociaux.

Attention :

La plupart des erreurs graves au Nicaragua proviennent d’illusions tenaces : croire que le système fonctionne comme chez soi, penser qu’un titre récent et un agent souriant suffisent, sous-estimer l’importance d’un avocat indépendant et d’une due diligence exhaustive, vouloir tout faire à distance, négliger les textes spéciaux applicables au terrain, et considérer la fiscalité et les formalités comme des détails secondaires.

À l’inverse, ceux qui prennent le temps de venir sur place, de comprendre le marché, de multiplier les avis d’avocats et de techniciens, de structurer intelligemment leur détention et leur financement, réduisent considérablement leur exposition. Dans un pays où la règle de base reste « acheter en connaissance de cause ou s’abstenir », la prudence, la patience et le professionnalisme ne sont pas des options, mais les seuls vrais remparts contre les écueils de l’immobilier au Nicaragua.

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A propos de l'auteur
Cyril Jarnias

Cyril Jarnias est un expert indépendant en gestion de patrimoine internationale avec plus de 20 ans d'expérience. Expatrié, il se consacre à aider les particuliers et les chefs d'entreprise à construire, protéger et transmettre leur patrimoine en toute sérénité.

Sur son site cyriljarnias.com, il développe son expertise sur l’immobilier international, la création de société à l’étranger et l’expatriation.

Grâce à son expertise, il offre des conseils avisés pour optimiser la gestion patrimoniale de ses clients. Cyril Jarnias est également reconnu pour ses interventions dans de nombreux médias prestigieux tels que BFM Business, les Français de l’étranger, Le Figaro, Les Echos ou encore Mieux vivre votre argent, où il partage ses connaissances et son savoir-faire en matière de gestion de patrimoine.

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