Protéger une marque, un logiciel, une formule industrielle ou une création artistique au Guatemala ne se résume pas à remplir un formulaire au registre. Le pays dispose d’un arsenal juridique relativement moderne, adossé à de nombreux traités internationaux, mais la pratique révèle des failles d’exécution, des lenteurs et un niveau de piraterie encore élevé. Pour un entrepreneur, un créateur ou une entreprise étrangère qui s’implante, la question n’est donc pas seulement “est-ce protégé ?”, mais surtout “comment le protéger concrètement, et comment faire valoir mes droits ?”.
Pour protéger vos droits de propriété intellectuelle au Guatemala, il est essentiel de connaître les outils juridiques disponibles, de suivre les démarches administratives requises et d’adopter les bons réflexes, en vous appuyant sur le cadre légal en vigueur et les retours d’expérience pratiques.
Un cadre juridique dense mais inégalement appliqué
Le Guatemala s’est doté d’un corpus de lois complet pour encadrer la propriété intellectuelle, qu’il s’agisse des créations artistiques ou des innovations industrielles. La colonne vertébrale de ce système repose sur deux grands textes.
La propriété intellectuelle au Guatemala est régie par deux lois principales distinctes. La Loi sur le droit d’auteur (Décret 33-98, modifiée par le Décret 11-2006) protège les œuvres littéraires, musicales, audiovisuelles, logicielles et photographiques. La Loi de propriété industrielle (Décret 57-2000, ajustée par les Décrets 11-2006 et 3-2013) couvre les brevets, modèles d’utilité, dessins industriels, marques, noms commerciaux, indications géographiques et secrets d’affaires. Les procédures sont précisées par des règlements d’application, notamment l’Accord gouvernemental 89-2002 pour la propriété industrielle.
Ce dispositif s’inscrit dans un environnement constitutionnel où la création intellectuelle est explicitement reconnue. La Constitution guatémaltèque considère le droit d’auteur comme un droit humain inhérent, et l’article 42 affirme les droits des auteurs et des inventeurs. En parallèle, le Code pénal (Décret 17-73) incrimine les atteintes aux droits d’auteur et à la propriété industrielle, avec un article 274 qui prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six ans et des amendes substantielles en cas de violation.
Malgré un cadre légal aligné sur les normes internationales (ADPIC/TRIPS), le Guatemala reste sur la liste de surveillance américaine (Special 301 Watch List) depuis plus de dix ans. Les défis persistent : moyens limités des autorités, coordination imparfaite entre elles, et une piraterie importante, en particulier pour les marques alimentaires, pharmaceutiques et les contenus numériques.
Qui fait quoi : registres, ministères et autorités de poursuite
Pour se repérer dans le maquis administratif, il faut d’abord identifier l’acteur central : le Registro de la Propiedad Intelectual (RPI). Ce registre national, également désigné comme Registro de la Propiedad Industrial ou rattaché au Registre du commerce (Mercantile Registry), dépend du ministère de l’Économie. Sa mission est de protéger et promouvoir les créations intellectuelles tout en assurant une sécurité juridique aux titulaires.
Le Registre de la Propriété Intellectuelle (RPI) centralise l’enregistrement des marques, brevets, modèles d’utilité, dessins industriels, droits d’auteur et de certains contrats (cessions, licences). Il propose une plateforme numérique pour le dépôt et la consultation en ligne, ainsi qu’un portail dédié à la médiation. Ces outils s’inscrivent dans la Stratégie nationale de propriété intellectuelle (ENPI), soutenue par l’OMPI, visant à faire de la propriété intellectuelle un levier de développement économique et social.
Sur le terrain répressif, plusieurs institutions interviennent. Le Ministère public (Public Ministry), équivalent du parquet, dispose d’une unité spécialisée en crimes de propriété intellectuelle, même si ses ressources restent modestes et son action tributaire de l’aide du secteur privé et de partenaires étrangers. La Superintendance des douanes agit comme première ligne de défense en ayant le pouvoir de retenir des marchandises suspectes, mais pour une durée limitée à 48 heures. Les tribunaux civils et pénaux, non spécialisés, tranchent les litiges et prononcent les sanctions.
Le tableau ci-dessous synthétise les principaux acteurs et leurs rôles.
| Institution | Rôle principal en PI |
|---|---|
| Registro de la Propiedad Intelectual | Enregistrement des marques, brevets, dessins, droits d’auteur, contrats ; plateforme en ligne ; médiation |
| Ministère de l’Économie | Tutelle du RPI, politique publique de propriété industrielle |
| Ministère public (Public Ministry) | Poursuites pénales pour piraterie, contrefaçon, infractions aux droits de PI |
| Douanes (Superintendencia de Aduanas) | Contrôles aux frontières, rétention de marchandises suspectes (48 heures) |
| Tribunaux civils et pénaux | Contentieux civil (dommages-intérêts, injonctions) et pénal (sanctions) |
| Institut national de médecine légale | Expertise pour déterminer si un produit est contrefait |
Ce qui peut être protégé : panorama des droits disponibles
Le système guatémaltèque couvre pratiquement toutes les catégories classiques de propriété intellectuelle. Pour bâtir une stratégie de protection, il est crucial de comprendre ce que chaque droit couvre, sa durée et son mode d’obtention.
Droit d’auteur : la protection automatique de vos créations
Le droit d’auteur s’applique à toutes les œuvres originales de nature littéraire, artistique ou scientifique, dès lors qu’elles sont fixées sur un support tangible. Sont notamment protégés les livres, articles, œuvres musicales et leurs paroles, peintures, sculptures, films, chorégraphies, œuvres dramatiques, plans architecturaux, photographies, logiciels, jeux vidéo, bases de données et œuvres dérivées comme les traductions ou adaptations.
Point crucial : la protection est automatique dès la création et la fixation matérielle de l’œuvre, conformément à la Convention de Berne dont le Guatemala est membre. Aucune formalité n’est nécessaire pour que les droits existent. En revanche, l’enregistrement volontaire auprès du RPI est vivement recommandé, car il fournit une preuve officielle de titularité et de date en cas de litige. Le traitement d’un dossier de dépôt de droit d’auteur prend en moyenne trois mois.
La protection ne porte que sur la forme d’expression, pas sur les idées, méthodes, procédures, systèmes ou simples faits. Les textes officiels (lois, décisions, règlements) et leurs traductions officielles sont exclus, tout comme le contenu informatif des nouvelles d’actualité, même si le texte ou la mise en forme graphique d’un reportage, eux, sont protégeables. Les œuvres non fixées (improvisations non enregistrées par exemple) restent hors du périmètre du droit d’auteur.
En matière de droits accordés, la loi distingue les droits moraux et les droits patrimoniaux. Les premiers – droit à la paternité, au respect de l’intégrité de l’œuvre, entre autres – sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles. Même dans le cadre d’une œuvre créée dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un film produit par un studio, l’auteur conserve ses droits moraux, tandis que les droits d’exploitation sont en principe attribués à l’employeur ou au producteur, sauf clause contraire.
Les droits patrimoniaux regroupent le droit de reproduction, de distribution, de communication au public, d’adaptation, de traduction et de licence. Ils peuvent être cédés ou concédés sous licence et constituent la base économique de l’exploitation des œuvres.
Durée de protection post-mortem des œuvres pour un auteur personne physique, ainsi que pour les œuvres anonymes, pseudonymes, audiovisuelles, photographiques ou appartenant à des personnes morales.
Le tableau suivant résume les principales durées.
| Type d’œuvre / titulaire | Durée de protection au Guatemala |
|---|---|
| Œuvre individuelle | Vie de l’auteur + 75 ans |
| Œuvre de collaboration | 75 ans après la mort du dernier auteur |
| Œuvre anonyme ou sous pseudonyme | 75 ans après la publication |
| Œuvre audiovisuelle ou photographique | 75 ans après la création ou publication |
| Œuvre appartenant à une personne morale | 75 ans à compter de la publication (ou création selon le cas) |
Pour la gestion collective, la loi autorise la création de sociétés de gestion, sous forme d’associations civiles à but non lucratif, habilitées par le RPI. Des entités comme l’Association guatémaltèque des auteurs et compositeurs (AGAYC) ou l’Association des auteurs, éditeurs et interprètes du Guatemala (AEI-Guatemala) négocient avec les utilisateurs, délivrent des autorisations et redistribuent les redevances aux ayants droit, ce qui facilite l’exploitation des catalogues musicaux ou audiovisuels.
Propriété industrielle : brevets, modèles, dessins, marques et secrets d’affaires
La propriété industrielle regroupe plusieurs outils complémentaires. Chacun répond à un besoin spécifique : protéger une invention technique, un design, un signe distinctif ou une information stratégique.
Les brevets de produits ou procédés sont réservés aux inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle. La nouveauté s’apprécie à l’échelle mondiale : l’invention ne doit pas avoir été rendue accessible au public nulle part avant la date de dépôt ou de priorité. Sont exclus de la brevetabilité, entre autres, les méthodes de diagnostic, de traitement thérapeutique ou chirurgical pour humains et animaux, ainsi que les inventions contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Le dépôt d’un brevet en Espagne nécessite un dossier complet en espagnol, incluant notamment une requête, une description, des revendications, un résumé, des informations sur le déposant et l’inventeur, ainsi qu’un pouvoir notarié et légalisé. Pour les demandes PCT, l’entrée en phase nationale doit se faire dans les 30 mois à compter de la priorité. Après le dépôt, la demande est examinée formellement, puis publiée. Les tiers ont ensuite 90 jours pour formuler des observations. L’examen de fond doit être explicitement demandé par le déposant dans un délai précis après la publication, sans quoi la demande risque d’être rejetée.
Le processus complet, du dépôt à la délivrance, s’étale généralement entre trois et cinq ans, parfois davantage selon la complexité du dossier et la charge de travail du registre. La durée de protection accordée par un brevet d’invention est de 20 ans à compter de la date de dépôt, sans possibilité de renouvellement. En contrepartie, des annuités doivent être acquittées chaque année auprès de l’administration guatémaltèque, la première venant à échéance avant la fin de la deuxième année suivant le dépôt (avant le début de la troisième année). Un délai de grâce de six mois est prévu, avec majorations ; au-delà, le brevet tombe en déchéance et ne peut plus être invoqué en justice.
Lorsque l’invention porte sur une amélioration d’outil, un dispositif ou un mécanisme, sans atteindre le niveau inventif exigé pour un brevet, le modèle d’utilité constitue une alternative. Ce titre, valable dix ans à partir du dépôt et non renouvelable, couvre les inventions nouvelles, à utilité pratique et application industrielle. Il ne s’applique pas aux produits chimiques, méthodes ou usages.
Les dessins industriels protègent quant à eux l’aspect ornemental d’un produit, par exemple la forme d’un emballage ou le design d’un objet. Le certificat de dessin industriel offre une protection de dix ans, avec possibilité d’une seule prorogation de cinq ans. Comme pour les brevets, le dépôt entraîne publication et possibilité d’observations de tiers dans les trois mois qui suivent, sans pour autant suspendre automatiquement la procédure.
Les marques représentent l’outil le plus visible de la propriété industrielle. Le Guatemala applique un régime du “premier déposant” : la priorité revient à celui qui enregistre le signe, non à celui qui l’a utilisé en premier, même si la renommée internationale d’une marque peut, dans certains cas, fonder une protection de facto au titre des marques notoirement connues, notamment sur le fondement de la Convention de Paris. Les signes susceptibles d’enregistrement sont nombreux : dénominations, logos, combinaisons de lettres et chiffres, slogans, formes tridimensionnelles (y compris les emballages), couleurs ou combinaisons de couleurs, sons, odeurs et même hologrammes, à condition qu’ils soient distinctifs et non purement fonctionnels.
L’enregistrement se fait classe par classe selon la Classification de Nice, sans dépôt multi-classes : chaque classe nécessite une demande distincte. Toute personne physique ou morale peut déposer, mais les déposants non-résidents doivent généralement désigner un avocat local muni d’un pouvoir notarié et légalisé. Un dépôt standard comprend les coordonnées complètes du déposant, la représentation du signe (fichier numérique pour les logos), la liste des produits/services classés selon Nice, et, le cas échéant, les informations de priorité.
Avant de déposer, il est conseillé d’effectuer une recherche d’antériorités dans la base du RPI, accessible en ligne. Les services de recherche officiels portent sur les éléments verbaux des marques et facturent des montants distincts par classe. Ils n’incluent pas les éléments figuratifs, ce qui oblige souvent à compléter par des recherches manuelles ou via un conseil spécialisé. Les résultats sont en général disponibles en quelques jours.
Une fois la demande déposée, le RPI procède à un examen de forme, puis à une analyse de distinctivité et de disponibilité. Si la demande est jugée recevable, elle est publiée au bulletin officiel. Les tiers disposent de deux mois à compter de cette publication pour former opposition. En l’absence d’opposition ou si elle est écartée, le certificat d’enregistrement est délivré, généralement entre six et neuf mois après le dépôt dans les cas simples, parfois davantage pour les dossiers litigieux. La protection dure dix ans à compter de la date d’enregistrement et peut être renouvelée indéfiniment par périodes de dix ans, à condition d’introduire la demande de renouvellement dans l’année précédant l’échéance ou, à défaut, dans un délai de grâce de six mois après expiration, contre surtaxe.
L’usage de la marque n’est pas exigé pour son enregistrement, mais il conditionne sa pérennité. L’absence d’utilisation effective et sérieuse pendant cinq années consécutives ouvre la voie à une action en déchéance par un tiers. Une déchéance partielle est possible pour les produits ou services non exploités.
Enfin, les secrets d’affaires complètent ce dispositif. La loi protège les informations commerciales confidentielles qui procurent un avantage concurrentiel – formules, procédés, listes de clients, stratégies –, pour autant que le détenteur prenne des mesures raisonnables pour en préserver la confidentialité (clausules de non-divulgation, accès restreint, politiques internes). La protection est potentiellement illimitée dans le temps, tant que le secret n’est pas divulgué.
Le tableau suivant compare les principaux titres de propriété industrielle.
| Titre de protection | Objet protégé | Durée au Guatemala | Conditions clés |
|---|---|---|---|
| Brevet d’invention | Invention technique (produit ou procédé) | 20 ans à partir du dépôt (non renouvelable) | Nouveauté, activité inventive, application industrielle |
| Modèle d’utilité | Amélioration utilitaire d’objets ou dispositifs | 10 ans à partir du dépôt (non renouvelable) | Nouveauté, utilité pratique, application industrielle |
| Dessin industriel | Aspect esthétique d’un produit | 10 ans + 5 ans (prorogation unique) | Nouveauté du design |
| Marque | Signe distinctif pour produits ou services | 10 ans, renouvelable indéfiniment | Distinctivité, absence de conflit |
| Secret d’affaires | Information confidentielle à valeur économique | Indéfinie (tant que le secret est préservé) | Confidentialité et mesures de protection |
Une architecture internationale favorable aux titulaires
Le Guatemala n’évolue pas en vase clos. Le pays a ratifié la plupart des accords multilatéraux structurants en matière de propriété intellectuelle. Outre la Convention de Berne pour les œuvres littéraires et artistiques, il est partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, au Traité de coopération en matière de brevets (PCT), au Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT), au Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), à la Convention de Rome sur les droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes, ainsi qu’à l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) pour les variétés de plantes.
En tant que membre de l’OMC, le pays applique les normes minimales de protection et d’exécution des droits de propriété intellectuelle définies par l’Accord sur les ADPIC (TRIPS). De plus, dans le cadre régional, l’accord de libre-échange CAFTA-DR, qui lie les États-Unis, l’Amérique centrale et la République dominicaine, impose des obligations supplémentaires. Celles-ci incluent notamment l’adoption de mesures spécifiques pour renforcer la lutte contre la contrefaçon et le piratage.
Pour les déposants étrangers, ces engagements se traduisent par des mécanismes concrets : possibilité de revendiquer une priorité de dépôt en vertu de la Convention de Paris dans un délai d’un an pour les brevets et de six mois pour les marques, recours à la procédure PCT pour centraliser la première phase d’une demande de brevet, reconnaissance de certaines normes internationales (séquences ST.26, dépôts de matériel biologique auprès d’autorités reconnues dans le cadre du Traité de Budapest). En revanche, l’absence d’adhésion au système de Madrid pour l’enregistrement international des marques oblige à déposer directement au Guatemala pour protéger un signe dans le pays.
Comment enregistrer vos droits : stratégies et démarche pratique
Dans la pratique, protéger sa propriété intellectuelle au Guatemala implique de combiner plusieurs couches de protection et de respecter scrupuleusement les formalités locales. Trois principes émergent.
En premier lieu, il est fortement conseillé d’enregistrer ses actifs, même lorsqu’une convention internationale ou la loi nationale assure une protection sans formalité, comme pour le droit d’auteur. L’inscription au RPI de vos marques, brevets, dessins et contrats de licence fournit un ancrage juridique indispensable en cas de contentieux et constitue souvent une condition pour faire valoir vos droits contre des tiers (par exemple à la frontière).
En deuxième lieu, le recours à un avocat local spécialisé en propriété intellectuelle est quasiment incontournable, notamment pour les déposants étrangers. Les procédures exigent des pouvoirs notariés et légalisés, des traductions assermentées, une connaissance des délais et des voies de recours, ainsi qu’une capacité à interagir avec les autorités et, le cas échéant, à instruire des enquêtes privées en amont.
Une entreprise technologique doit combiner plusieurs titres de propriété intellectuelle pour protéger ses actifs de manière efficace. Par exemple, elle peut utiliser un brevet ou un modèle d’utilité pour protéger son innovation technique, le droit d’auteur pour son logiciel, une marque pour son signe distinctif, et le secret des affaires pour ses informations sensibles. Elle doit également mettre en place une surveillance active des marchés physiques et en ligne.
Enregistrement des droits d’auteur
Même si la loi ne l’impose pas, le dépôt volontaire d’une œuvre au RPI suit un schéma relativement simple : formulaire, exemplaire de l’œuvre, pièce d’identité ou document de représentation, paiement des droits. Le délai typique d’enregistrement est de trois mois. Les contrats de cession ou de licence peuvent et devraient être inscrits au registre pour renforcer leur opposabilité.
Pour les créateurs (musique, cinéma, logiciel, édition), adhérer à une société de gestion collective simplifie la perception des droits auprès des diffuseurs comme les radios, plateformes en ligne, salles de spectacle ou établissements publics.
Dépôt de brevet, modèle d’utilité ou dessin industriel
Pour les brevets, l’exigence de nouveauté mondiale impose souvent de procéder à une recherche d’antériorités avant de déposer. Des cabinets spécialisés peuvent réaliser ces recherches et produire un rapport en une quinzaine de jours, ce qui permet d’ajuster les revendications. Le dossier, rédigé en espagnol, devra être conforme aux formats exigés, notamment pour les séquences biologiques, et inclure les justificatifs de priorité le cas échéant. Le suivi des échéances – réponse aux notifications, demande d’examen, paiement des annuités – est essentiel pour éviter une perte de droits.
Les modèles d’utilité et dessins industriels suivent une logique comparable, avec des exigences moindres en matière d’activité inventive pour les premiers et un accent mis sur la représentation graphique pour les seconds. Pour les dessins, toutes les variantes doivent se rapporter à la même classe de produits selon la classification de Locarno.
Enregistrement de marque
Pour sécuriser une marque au Guatemala, une approche par étapes s’impose : d’abord la recherche, ensuite le choix stratégique des classes, enfin le dépôt avec une liste de produits et services calibrée. Compte tenu de l’absence de multi-classe, il peut être plus économique de concentrer les premiers dépôts sur les classes directement exploitées, quitte à étendre ensuite.
Pour un signe composé (mot + logo), la protection ne couvre que l’ensemble enregistré. Pour protéger le nom et le logo séparément, des dépôts distincts sont nécessaires. Pour une forme tridimensionnelle, le dépôt doit inclure des vues graphiques sous au moins trois angles différents, et la forme ne doit pas être uniquement fonctionnelle.
Les déposants étrangers doivent prévoir le temps et le coût de la légalisation des pouvoirs et documents de priorité, ainsi que la traduction en espagnol. Les délais globaux – entre six et neuf mois pour un dossier sans opposition – incitent à anticiper, notamment lorsque le lancement d’un produit est programmé.
Faire respecter ses droits : recours civils, pénaux et douaniers
Une fois vos droits enregistrés, la vraie question est celle de leur effectivité. Au Guatemala, le cadre légal prévoit plusieurs voies d’action, mais leur mise en œuvre se heurte à des contraintes matérielles. Adopter une stratégie proactive est donc essentiel.
Voies civiles : injonctions, saisies et dommages-intérêts
En matière civile, le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle peut saisir les tribunaux pour obtenir des injonctions, la saisie des marchandises contrefaisantes et une indemnisation des préjudices subis. Les procédures exigent de présenter dès l’introduction de l’instance les éléments de preuve, ce qui renforce l’importance de la documentation préalable (copies de certificats, constats, achats test, captures d’écran, rapports d’experts). Les actions en concurrence déloyale peuvent également compléter l’arsenal lorsque des comportements trompeurs affectent le fonctionnement du marché.
Le système judiciaire en matière de PI n’est ni particulièrement oral ni expéditif, et la formation des magistrats sur les aspects techniques reste inégale. La médiation, via le Centre de médiation du RPI, peut constituer une alternative plus rapide pour les litiges techniques ou contractuels.
Voies pénales : piraterie et contrefaçon comme crimes
Pour les atteintes graves, en particulier lorsque la contrefaçon ou la piraterie est organisée à grande échelle, la voie pénale est souvent privilégiée. La procédure commence par une plainte adressée au Ministère public, qui ouvre une enquête. Des opérations peuvent être menées avec la police pour saisir des produits, fermer des points de vente, collecter des preuves. L’Institut national de médecine légale intervient pour analyser les marchandises et déterminer leur caractère contrefaisant. Des mécanismes de conciliation peuvent intervenir à divers stades de la procédure, avant un éventuel procès.
Les amendes pour contrefaçon peuvent atteindre des dizaines de milliers de dollars, bien que les condamnations effectives restent limitées par divers obstacles pratiques.
Mesures aux frontières : une fenêtre de 48 heures
Les douanes jouent un rôle critique en interceptant les produits contrefaisants à l’importation ou à l’exportation. La loi guatémaltèque leur confère un pouvoir discrétionnaire pour retenir les marchandises suspectes, mais cette rétention est strictement limitée à 48 heures. Dans ce laps de temps, le titulaire de la marque ou du droit doit être alerté, réagir et enclencher les démarches judiciaires nécessaires, ce qui, en pratique, est souvent difficile. Un mécanisme de mesures aux frontières existe également en droit, mais il suppose d’agir dans un délai de 24 heures devant le tribunal compétent du lieu de la frontière, ce qui s’avère peu réaliste.
Pour pallier ces contraintes, les entreprises sont encouragées à développer des relations directes avec les services douaniers, à les former à reconnaître leurs produits authentiques et contrefaits, et à mettre en place des protocoles de communication rapide. Une surveillance du marché, physique et en ligne (y compris sur des plateformes comme Facebook Marketplace, Instagram ou TikTok, régulièrement citées comme vecteurs de contrefaçons), devient aussi incontournable.
Défis structurels et pistes de renforcement
Malgré un cadre normatif complet et des initiatives respectables – digitalisation des services du RPI, lancement de l’ENPI, campagnes de sensibilisation dans les universités et centres d’entrepreneuriat –, la protection de la propriété intellectuelle au Guatemala se heurte à plusieurs obstacles.
Le manque de ressources humaines et matérielles dans les institutions concernées ralentit le traitement des dossiers et limite la capacité d’intervention rapide face aux réseaux de piraterie. La coordination entre les acteurs – douanes, parquet, police, RPI, ministère de la Culture – reste perfectible, ce qui se traduit par des interventions parfois incohérentes ou irrégulières. La sensibilisation du public à la valeur de la propriété intellectuelle demeure insuffisante, alimentant la demande pour des produits piratés dans le commerce informel.
Pour les petites entreprises et les créateurs indépendants, l’accès à un conseil spécialisé en propriété intellectuelle peut être difficile en raison de contraintes financières ou d’un manque de connaissance des ressources. Bien que des cabinets spécialisés proposent des services complets (dépôt, gestion, contentieux, surveillance, formation), ces prestations sont principalement concentrées dans la capitale et les grands centres urbains, ce qui peut limiter leur accessibilité en région.
Les recommandations qui émergent des analyses et rapports sont claires : renforcer les effectifs et la formation des équipes au RPI et au sein du Ministère public, poursuivre la digitalisation des procédures pour réduire les délais et les charges de gestion, développer des politiques publiques d’incitation à l’innovation (y compris des incitations fiscales à la protection des inventions), multiplier les campagnes de sensibilisation et de formation auprès des tribunaux, des entrepreneurs et des forces de l’ordre, et favoriser la coopération entre secteur public, secteur privé et milieu universitaire.
Bonnes pratiques pour les entreprises et créateurs
Face à cette réalité, les titulaires de droits ne peuvent se contenter de s’en remettre au texte de la loi. Quelques lignes de conduite se dégagent pour maximiser la protection de leur propriété intellectuelle au Guatemala.
D’abord, cartographier systématiquement les actifs immatériels : innovations techniques, logiciels, marques, designs, contenus, savoir-faire. Chaque actif doit être associé au mode de protection le plus adapté – brevet, droit d’auteur, marque, secret d’affaires – et aux enregistrements nécessaires auprès du RPI.
Dans un système de premier déposant pour les marques, un dépôt tardif risque de permettre l’usurpation de votre signe par un tiers local. Pour les brevets, une divulgation prématurée avant le dépôt peut anéantir la nouveauté de l’invention et rendre toute protection ultérieure impossible. Il est donc crucial d’anticiper et de déposer vos droits de propriété intellectuelle le plus tôt possible.
Parallèlement, sécuriser les contrats : clauses de confidentialité robustes pour les partenaires, licences clairement rédigées et, idéalement, enregistrées, politiques internes de gestion des secrets d’affaires, accords de cession en bonne et due forme lorsque les créations proviennent de sous-traitants.
Pour se protéger efficacement, il est crucial de surveiller les registres officiels pour détecter tout dépôt conflictuel, d’instaurer des veilles sur les plateformes e-commerce et les réseaux sociaux, de former ses équipes à reconnaître les signes de contrefaçon, et de constituer un réseau de partenaires (avocats locaux, associations, conseillers consulaires) pour une réaction rapide.
Au Guatemala, la propriété intellectuelle bénéficie d’un socle juridique solide et d’une reconnaissance internationale, mais son efficacité dépend dans une large mesure de la vigilance et de la proactivité des titulaires. En combinant une stratégie d’enregistrement rigoureuse, une gestion contractuelle soignée et une approche offensive (mais structurée) de l’exécution des droits, il est possible de sécuriser durablement ses créations et ses innovations, malgré un environnement encore marqué par la piraterie et la contrefaçon.
Un chef d’entreprise français de 45 ans, expérimenté, avec un patrimoine financier bien structuré en Europe, souhaitait diversifier ses activités en créant une société au Guatemala pour optimiser sa fiscalité internationale et développer une activité de holding ou de services numériques (IT/tourisme) tournée vers l’Amérique centrale.
Budget alloué : 50000 à 100000 €, couvrant capital, frais de création, installation opérationnelle, sans recours au crédit. Après analyse de plusieurs juridictions latino-américaines (Panama, Costa Rica, Guatemala), la stratégie retenue a consisté à opter pour une Sociedad de Responsabilidad Limitada (SRL), forme souple et adaptée aux non-résidents, avec une fiscalité territoriale (imposition essentiellement sur les revenus de source guatémaltèque) et un cadre favorable aux exportations de services IT. La mission a inclus : choix du secteur (IT, immobilier touristique, BPO), vérification du nom et rédaction des statuts en espagnol, dépôt du capital sur un compte bancaire local, enregistrement au Registre du commerce et à la SAT (TVA/ISR), mise en relation avec un réseau local (avocat, comptable, domiciliation ~2500 €/an), et structuration de la gouvernance (gérant français ou local).
Ce type d’accompagnement permet de bénéficier des coûts opérationnels compétitifs (salaires et charges significativement inférieurs à la France) tout en maîtrisant les risques juridiques, linguistiques et fiscaux (conventions internationales, substance économique) et en intégrant la société guatémaltèque dans une stratégie patrimoniale globale de diversification géographique.
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