Pendant longtemps, le Nicaragua a surtout été associé aux volcans, au café et aux conflits politiques. Mais depuis quelques années, une autre histoire est en train de s’écrire : celle d’un pays qui reconfigure ses villes, ses routes, ses réseaux d’eau et ses quartiers pour accompagner une urbanisation rapide, attirer les investissements et répondre à une pénurie criante de logements. Des grands axes routiers côtiers aux bus à haut niveau de service à Managua, des zones économiques spéciales aux programmes massifs de logements sociaux, le pays engage un portefeuille de projets urbains d’une ampleur inédite.
Cet article analyse les projets structurants, qu’ils soient planifiés ou déjà en cours, ainsi que les décisions politiques qui sont en train de remodeler les espaces urbains du pays.
Un cadre stratégique qui change d’échelle
Le développement urbain à venir ne se résume pas à une addition de projets isolés. Il s’inscrit dans un faisceau de plans, lois et stratégies qui forment une véritable feuille de route.
Le « Urban Development Master Plan for Managua City for 2040 », élaboré avec l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) et adopté en 2018, vise à réorganiser la capitale en une ville multipolaire. L’objectif est de densifier et structurer l’urbanisation face à une croissance attendue de 400 000 habitants d’ici 2040, en développant des corridors de transport collectif, en renforçant la gestion du sol et en protégeant les zones écologiquement sensibles.
Dans le même temps, un autre texte clé bouleverse le cadre d’investissement : la loi sur les Zones Économiques Spéciales (ZES) de l’Initiative « Belt and Road ». Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, cette loi (1264) crée un régime extrêmement attractif pour les entreprises opérant dans ces ZES, avec exonérations fiscales quasi totales, simplification administrative, accès à des tarifs énergétiques préférentiels et facilitation douanière. L’objectif assumé est d’attirer des capitaux, diversifier les exportations, générer des emplois et accélérer les transferts de technologies.
Ces deux instruments – plan directeur urbain d’un côté, ZES de l’autre – fournissent la trame de fond des projets à venir : infrastructures de mobilité, réseaux d’eau et d’assainissement, nouvelles centralités urbaines, grands ensembles résidentiels et plateformes logistiques.
Managua, laboratoire du nouveau modèle urbain
Managua concentre à elle seule la majorité des investissements urbains à venir. Capitale administrative et économique, ville la plus peuplée du pays, elle est aussi le cœur d’un ensemble de projets qui doivent la rendre plus fluide, plus résiliente et plus compacte.
Révolution dans les transports : BRT, contournements et métro étudié
La transformation la plus visible sera sans doute celle de l’avenue Juan Pablo II, artère historique de la ville, vouée à devenir un véritable corridor de transport de masse. Le projet consiste à reconstruire et élargir cet axe sur environ 10 km, en ajoutant une troisième voie par sens réservée aux bus d’un système de Bus Rapid Transit (BRT). Avec 17 stations prévues et une fréquentation estimée à 80 000 usagers par jour, cette ligne constitue la première pierre d’un schéma de mobilité plus large qui envisage jusqu’à quatre corridors BRT à l’horizon 2040.
Autour de cette colonne vertébrale, le projet intègre plusieurs couches d’aménagement : création d’une piste cyclable, amélioration des trottoirs et passages piétons (ponts, traversées avec feux), modernisation des réseaux de drainage, d’égouts, d’électricité et de télécommunications le long du corridor. Cinq échangeurs dénivelés doivent également être construits pour fluidifier le trafic.
Le montant total en millions de dollars des financements internationaux pour les infrastructures de transport à Managua, provenant de la BEI et de la BCIE.
Mais cette modernisation a un coût social : plus de 600 ménages – 325 foyers résidentiels et 277 entreprises, souvent familiales – devront être relogés. Conformément aux exigences de la BEI, un Cadre de politique de réinstallation et un Plan d’action de réinstallation doivent être élaborés, avec consultation des personnes affectées et compensation adéquate.
Parallèlement, d’autres projets de mobilité complètent ce dispositif : un contournement routier figure parmi les initiatives à moyen et long terme de la municipalité, une extension de 16 km reliera Nejapa à Ticuantepe, et une étude de faisabilité, conduite par la JICA, explore la possibilité d’un métro reliant le centre‑ville, l’aéroport international Augusto C. Sandino et Ciudad Sandino. L’introduction de bus électriques et même d’un système de léger rail est également évoquée dans les plans de mobilité durable.
L’ensemble s’inscrit dans un schéma de mobilité multimodale et dans un Plan de gestion des eaux pluviales élaboré avec la Banque interaméricaine de développement (BID) pour réduire les inondations et glissements de terrain.
Eau, assainissement et résilience : des investissements massifs
Derrière les grands chantiers routiers se joue un autre volet crucial du développement urbain : la modernisation des réseaux d’eau potable et d’assainissement, notamment à Managua, mais aussi dans plusieurs villes secondaires.
Pour faire face à la croissance urbaine et réduire les pertes d’eau, l’entreprise publique ENACAL mène un programme de remplacement de ses conduites anciennes et fragiles. Ce projet est techniquement appuyé par l’agence japonaise JICA, qui intervient notamment pour le suivi de terrain et la modélisation hydraulique des réseaux.
En parallèle, un projet majeur vise à étendre la couverture du réseau d’égouts à Managua. Divisé en deux phases, il prévoit la création de 40 000 nouveaux branchements (20 000 par phase) pour atteindre une couverture d’environ 72 %. Ce projet, estimé à 66,4 millions de dollars, inclut la construction ou réhabilitation de 120 km de collecteurs. Certaines infrastructures, comme l’« Interceptor No. 2 – Second Phase », sont intégrées au paquet de travaux de l’avenue Juan Pablo II, ce qui illustre une approche intégrée des projets routiers et des réseaux d’assainissement.
L’un des maillons critiques du système est la station d’épuration des eaux usées de Managua (MWWTP), mise en service en 2009 avec une capacité de traitement de 253 000 m³ par jour, dimensionnée pour couvrir les besoins jusqu’en 2030. Afin de maintenir ses performances, un programme de mesures complémentaires a été financé par un prêt de la banque allemande KfW (6 millions d’euros) complété par 0,6 million d’euros du gouvernement nicaraguayen.
Initiatives ciblées visant à protéger les bassins versants et à réduire les risques d’inondation à Managua.
Seconde phase du projet visant à protéger les bassins versants du sud de Managua.
Amélioration du système dans le cadre du Programme de gestion des eaux de ruissellement financé par la BID.
Projets conçus pour limiter les inondations récurrentes aggravées par l’imperméabilisation et la déforestation.
Espaces publics, sports et nature en ville
Le développement urbain à Managua ne se limite pas aux routes et aux réseaux enterrés. La municipalité porte aussi un programme ambitieux de parcs urbains et d’équipements sportifs, inscrit dans le « Urban Park Development Project ». Celui‑ci a déjà permis la construction du Centre sportif Alexis Argüello, du complexe de piscines Michelle Richardson et d’un stade de baseball aux normes internationales inauguré en 2017, accompagné d’un important dispositif de drainage.
L’objectif affiché est de créer des espaces publics attractifs et sûrs, tout en structurant de nouveaux pôles d’activité dans une ville historiquement fragmentée. Des ouvrages comme le passage dénivelé de Las Piedrecitas ou les nombreux ponts piétonniers équipés d’ascenseurs témoignent d’une attention accrue à l’accessibilité et à la circulation des piétons, souvent oubliés dans les villes d’Amérique centrale.
Enfin, l’Environmental Preservation Plan de Managua, qui couvre la période 2021‑2026, met à l’épreuve des solutions innovantes au sein d’une nouvelle urbanisation destinée à des ménages à faibles revenus : récupération des eaux de pluie, compostage domestique, potagers familiaux, intégration de l’agriculture urbaine et promotion de constructions verticales plus compactes. L’idée est de faire de ce quartier pilote un modèle de communauté durable où la nature – via des corridors verts, l’agroforesterie et des bandes écotouristiques – est pleinement intégrée à la trame urbaine.
Au‑delà de Managua : villes intermédiaires et corridors nouveaux
Si Managua reste le principal terrain d’expérimentation, d’autres villes et régions du pays bénéficient de projets urbains significatifs, souvent liés à la modernisation des réseaux d’eau, à la réhabilitation des espaces publics ou à l’ouverture de grands axes routiers.
León et la montée des projets urbains secondaires
Deuxième agglomération du pays, León est une ville universitaire à forte identité coloniale, engagée dans la mise à jour de son ordonnance de planification territoriale. L’enjeu : articuler son développement urbain avec le Plan national de lutte contre la pauvreté (2022‑2026) et son propre Plan de développement municipal (2020‑2024).
Plusieurs projets illustrent ce tournant : réhabilitation et extension des réseaux d’eau potable et d’égouts, assainissement des rivières Chiquito et Pochote combiné à des actions de nettoyage, de reboisement et de création d’infrastructures de loisirs le long des berges, construction d’un hôpital‑école régional (Oscar Danilo Rosales) intégrant des espaces verts, nouveau stade universitaire de baseball, skate park, réhabilitation de rues et d’espaces publics autour de la cathédrale. León teste ainsi un modèle où gestion de l’eau, loisirs et patrimoine urbain se renforcent mutuellement.
De nombreuses villes intermédiaires profitent de programmes d’eau et d’assainissement. Un programme couvrant 19 villes, financé à plus de 100 millions de dollars, était réalisé à près de 96 % en 2020, avec des dizaines de milliers de nouveaux branchements d’eau potable et d’installations sanitaires.
CABEI, BID, KfW et autres bailleurs
Autoroutes côtières et nouveaux corridors urbains
L’un des projets les plus commentés, par son impact potentiellement structurant sur le littoral pacifique, est la Carretera Costanera. Longue d’environ 355 km, cette route côtière doit relier le port de Corinto, au nord, à la station balnéaire de San Juan del Sur, au sud, en traversant plusieurs départements (Managua, Carazo, Rivas) et en desservant à terme près de 64 plages.
Le financement, d’un montant de 401,5 millions de dollars, est assuré principalement par un prêt de 382,6 millions de la CABEI, complété par 19 millions du gouvernement. La Chine s’est engagée à financer une deuxième phase dans le cadre de son rapprochement économique avec le Nicaragua. Certaines sections sont déjà en service, réduisant de 30 à 40 % le temps de trajet entre Managua et des zones comme Popoyo. Le projet comprend des normes de sécurité routière modernes et des mesures de protection environnementale pour limiter l’impact sur les écosystèmes côtiers.
Un corridor routier est en construction au sud du lac Nicaragua pour relier Cárdenas, le port de Colón et San Carlos (département de Río San Juan). Une fois achevé, il réduira le trajet entre Granada, San Juan del Sur et San Carlos à environ 2,5–3 heures. Cet axe vise à ouvrir de nouveaux flux touristiques et commerciaux vers l’Atlantique intérieur.
Ces routes, en améliorant l’accessibilité des villes et des stations balnéaires, agissent comme des catalyseurs de développement urbain : nouveaux lotissements, équipements touristiques, plateformes logistiques, mais aussi extension des réseaux d’eau, d’électricité et de télécommunications le long des tracés.
Autres infrastructures clés : ports, ponts, aéroports
La modernisation du réseau de transport ne se limite pas aux routes. Le port de Puerto Sandino, dans le département de León, a fait l’objet d’un réaménagement majeur pour 64 millions de dollars, avec des installations adaptées à un trafic croissant. Le chantier du pont Kilambé sur le río Coco, long de 25 m et financé à 2,52 millions de dollars, améliore l’accessibilité à plus de 89 000 habitants de la région de Wiwilí (Jinotega).
Dans le ciel, un nouveau projet d’aéroport international, Punta Huete, est annoncé près de Managua, censé devenir un hub clé pour les liaisons domestiques et internationales. Il complétera l’aéroport Augusto C. Sandino, déjà modernisé pour plus de 52 millions de dollars (avec participation espagnole), et répondra à la hausse du trafic aérien liée à la croissance du tourisme et des échanges.
Eau, assainissement et villes résilientes : un chantier national
Au‑delà des projets purement urbains, l’ensemble du système d’eau et d’assainissement du pays est réformé en profondeur, avec des répercussions directes sur les villes.
Entre 2007 et 2020, près de 810 millions de dollars ont été investis dans des projets urbains d’eau et d’assainissement, et environ 92 millions dans des zones rurales, grâce à une coalition de bailleurs (CABEI, BID, KfW, Fonds nordique, Fonds espagnol de l’eau, Banque mondiale, OPEP, etc.). Les chiffres de couverture témoignent d’un bond spectaculaire, même si la qualité de service reste hétérogène.
Voici une synthèse de l’évolution de la couverture en eau potable et assainissement entre 2007 et 2020 :
| Zone | Indicateur | 2007 | 2020 |
|---|---|---|---|
| Milieu urbain | Eau potable – couverture | 65,0 % | 91,5 % |
| Milieu urbain | Population desservie (eau) | – | 1 390 267 pers. |
| Milieu urbain | Assainissement – couverture | 33,0 % | 54,0 % |
| Milieu urbain | Population desservie (assain.) | – | 1 208 080 pers. |
| Milieu rural | Eau potable – couverture | 26,7 % | 55,4 % |
| Milieu rural | Ménages desservis (eau) | – | 433 869 foyers |
| Milieu rural | Assainissement – couverture | 36,1 % | 50,9 % |
| Milieu rural | Ménages desservis (assain.) | – | 398 619 foyers |
La stratégie nationale se décline notamment à travers le programme PISASH (Programme sectoriel intégré d’eau et d’assainissement humain), lancé en 2013, avec des cibles ambitieuses à l’horizon 2023 : 95 % de couverture en eau potable en milieu urbain/periurbain, 56,5 % en milieu rural, 80 % de couverture en assainissement urbain et 52 % en rural. La première phase a directement concerné 19 villes, tout en finançant des études pour une deuxième vague d’interventions dans 17 autres.
Nombre d’habitants bénéficiant d’un programme visant une couverture en égouts de plus de 90% dans sept villes du Nicaragua.
Ces chantiers techniques s’accompagnent d’un renforcement institutionnel. ENACAL reste le principal opérateur en milieu urbain, mais les comités communautaires CAPS prennent en charge de nombreux systèmes ruraux. Des instances comme CONAPAS et COMISASH coordonnent les politiques sectorielles. La modernisation des outils de gestion (cartographie digitale, systèmes d’information) et la professionnalisation des techniciens – via l’appui d’organisations comme JICA, KOICA ou des ONG spécialisées – demeurent toutefois un défi majeur.
L’un des moteurs les plus puissants du développement urbain à venir est la pression démographique sur le parc de logement. Le pays fait face à un déficit estimé à près de 957 000 logements, et environ un Nicaraguayen sur dix vivrait dans un habitat jugé inadéquat. Les capacités actuelles – publiques comme privées – ne couvriraient qu’un quart des besoins annuels.
Financement en millions de dollars de la CABEI pour le Programme national de construction de logements d’intérêt social.
Ces chiffres alimentent une progession spectaculaire : depuis 2007, l’Institut de logement urbain et rural (INVUR) affirme avoir livré plus de 126 000 habitations, et compte en ajouter 50 000 supplémentaires d’ici le milieu de la présente décennie. Un programme comme « Bismarck Martínez » ou les ensembles « Nuevas Victorias » matérialisent cette politique sur le terrain, en offrant des logements subventionnés, parfois en relogeant des familles situées en zones à risque.
Des projets pilotes comme « KuNa » (maisons en bambou) et les opérations de Habitat for Humanity (noyaux de maisons extensibles avec panneaux solaires et récupération d’eau de pluie) proposent des solutions durables et adaptées au climat tropical. Bien que marginaux en volume, ces modèles inspirent l’innovation dans le secteur.
Le marché privé n’est pas en reste, tiré par la hausse de la classe moyenne urbaine et par les investissements étrangers, notamment dans les zones côtières et les quartiers aisés de Managua. Le développement de communautés planifiées comme Gran Pacifica, Rancho Santana ou des lotissements sécurisés dans la capitale (Villa Fontana Sur, Mirador de Santo Domingo) montre comment la croissance urbaine se segmente socialement, avec des offres allant de la résidence de luxe à la maison familiale « clé en main » sous les 150 000 dollars.
Zones Économiques Spéciales et nouveau cycle d’industrialisation urbaine
La création des Zones Économiques Spéciales de l’Initiative « Belt and Road » ouvre un nouveau chapitre dans l’urbanisation nicaraguayenne. La loi 1264 offre un paquet d’incitations impressionnant : exonération totale de l’impôt sur le revenu et sur les dividendes pendant dix ans, renouvelable indéfiniment si les conditions sont respectées, exemption de droits de douane, TVA, taxes de consommation et municipales, mise à disposition de services administratifs en guichet unique, simplification des procédures environnementales et migratoires, tarifs préférentiels pour l’énergie et le foncier.
Nombre d’emplois directs générés par les zones franches en 2015, principalement dans le textile, la confection, l’agro-industrie et les services.
Les emplacements envisagés pour ces ZES indiquent une urbanisation plus polycentrique à l’échelle nationale : régions caraïbes, Río San Juan, île d’Ometepe, communautés du Pacifique, zones le long de la nouvelle autoroute côtière. On évoque aussi des pôles autour de villes comme Jinotega, Matagalpa ou Estelí (capitale du cigare), ou encore des secteurs proches des grands projets routiers et portuaires.
Les investissements étrangers sont régis par la loi 1240, qui les oriente en fonction des priorités de développement humain et de lutte contre la pauvreté. Concrètement, les investisseurs chinois sont très actifs dans des secteurs clés comme les infrastructures (routes, énergie, télécoms), la construction de logements, la modernisation des ports du Pacifique et les projets d’énergies renouvelables.
Partenariats public‑privé et financement : une mécanique sophistiquée
Pour soutenir cette avalanche de chantiers, le Nicaragua s’appuie sur un arsenal juridique spécifique : la loi sur les partenariats public‑privé (PPP). Adoptée au milieu des années 2010, elle encadre l’ensemble du cycle de vie des projets – de la conception à l’exploitation – et distingue les projets « auto‑soutenus » (financés par les redevances des usagers) de ceux nécessitant des subventions de l’État.
La Direction générale des investissements publics (DGIP) du ministère des Finances lance des appels annuels à projets privés, nécessitant des études de préfaisabilité. Les projets retenus suivent un calendrier d’appels d’offres aboutissant à des contrats approuvés par le Parlement via une loi spécifique. Ces contrats incluent des clauses de règlement alternatif des différends, assurant une sécurité juridique aux investisseurs.
L’autre pilier de financement réside dans les banques multilatérales. Depuis 2009, la BEI a engagé environ 410 millions d’euros dans le pays pour l’énergie, l’eau et les infrastructures. La CABEI, de son côté, appuie 24 projets publics représentant près de 1,9 milliard de dollars, couvrant routes, ponts, eau potable, assainissement, logements sociaux et énergie. La BID, la KfW, le Fonds nordique, la Banque mondiale et d’autres apportent des crédits et subventions complémentaires.
Ce montage complexe permet de financer une enveloppe d’au moins 500 millions de dollars pour le plan directeur urbain de Managua (drainage, voirie, transport public), et des centaines de millions supplémentaires pour les autoroutes, les réseaux d’eau, les systèmes de transport et les ZES. Mais il expose aussi le pays aux aléas des coûts de construction, à la volatilité des matières premières, aux retards administratifs et aux contentieux éventuels.
Défis environnementaux et sociaux : concilier croissance et durabilité
Derrière l’ambition des plans et l’alignement des financements, plusieurs défis majeurs pourraient conditionner le succès réel de ces projets urbains.
Sur le plan environnemental, la croissance des villes nicaraguayennes s’est souvent faite au détriment des écosystèmes : déforestation des bassins versants, encroachment sur des zones de recharge des nappes, pollution des lacs et rivières par des eaux usées non traitées et les ruissellements agricoles. Autour de Managua, la dégradation des lagunes de Nejapa et Tiscapa, chargées de sédiments et de déchets solides, illustre ces tensions.
Le pays compte 76 aires protégées, incluant des réserves de biosphère UNESCO et des zones clés pour la biodiversité.
Les autorités affichent leur volonté de renforcer la résilience urbaine : mise à jour des cartes de risques, création d’unités permanentes de gestion des catastrophes, formation des techniciens municipaux, intégration de la gestion des eaux pluviales dans les projets urbains. Mais l’application concrète des études d’impact environnemental, la lutte contre l’urbanisation informelle dans les zones à risque et la protection effective des « corridors verts » autour des villes restent des chantiers ouverts.
Les grands projets d’infrastructure comme les axes routiers, les BRT et les ZES peuvent remodeler les opportunités économiques, mais ils comportent aussi des risques sociaux. Ils peuvent entraîner des déplacements forcés et exacerber les inégalités spatiales. Le cas de la réinstallation de centaines de foyers à Managua pour un projet BRT est un test crucial. Sa réussite, conditionnée par une participation réelle, des compensations justes et un meilleur accès aux services, pourrait établir un précédent positif. À l’inverse, un échec renforcerait la méfiance envers ce type de grands aménagements.
Les programmes de logements sociaux et de régularisation foncière, de leur côté, peuvent contribuer à réduire la fracture urbaine, à condition que les nouveaux quartiers soient bien connectés aux emplois, aux transports publics et aux équipements collectifs, et pas seulement construits comme des enclaves périphériques.
Un urbanisme nicaraguayen en transition
Les projets de développement urbain à venir au Nicaragua dessinent ainsi un paysage paradoxal : d’un côté, une accélération inédite des investissements, soutenue par des partenaires internationaux et une panoplie de lois incitatives ; de l’autre, un ensemble de défis institutionnels, environnementaux et sociaux qui exigent plus que des infrastructures – une vraie culture de planification et de gouvernance urbaine.
Le Nicaragua, avec Managua comme laboratoire régional, mène une transformation métropolitaine à travers son plan 2040, des BRT, des parcs et des expérimentations en urbanisme durable. Cette dynamique s’étend au-delà de la capitale, touchant León, Granada, les villes moyennes et les corridors routiers côtiers. L’État lie directement aménagement urbain, stratégie industrielle et politique sociale via des zones économiques spéciales, des programmes massifs de logements sociaux et de grands chantiers d’eau et d’assainissement.
Le résultat final dépendra de la capacité des institutions à coordonner leurs actions, à faire respecter les cadres environnementaux, à former suffisamment de techniciens et à maintenir la participation des citoyens. Mais une chose est sûre : le visage urbain du Nicaragua dans les décennies à venir n’aura plus grand‑chose à voir avec celui du pays du début des années 2000. Les chantiers sont ouverts ; c’est maintenant leur mise en œuvre, dans toute sa complexité, qui dira si ce pari urbain sera réellement gagnant pour la population nicaraguayenne.
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