Vie LGBTQ+ à Bahreïn : droits et communautés

Publié le 16 septembre 2025 et rédigé par Cyril Jarnias

Au carrefour de traditions ancestrales et d’une modernité croissante, le Bahreïn présente un paysage complexe en matière de droits LGBTQ+. Si le royaume, réputé pour sa tolérance religieuse relative au sein de la région, offre un espace où certaines libertés individuelles peuvent s’épanouir, les membres de la communauté LGBTQ+ y naviguent néanmoins dans un environnement souvent hostile, marqué par des lois restrictives et des normes sociétales conservatrices. Cet article explore comment, malgré ces défis, un réseau de communautés résilientes et de groupes de soutien émerge pour défendre l’authenticité et les droits fondamentaux, esquissant les contours d’une société où l’inclusion pourrait être plus qu’un rêve lointain.

Analyse des droits LGBTQ+ à Bahreïn

Aperçu historique

• L’homosexualité était illégale à Bahreïn durant la période du protectorat britannique, en vertu de lois inspirées du droit colonial.
• En 1976, Bahreïn a adopté un nouveau code pénal qui a dépénalisé les relations homosexuelles consenties entre adultes.
• Depuis les années 1990, il est possible d’aborder publiquement l’homosexualité, ce qui distingue Bahreïn de nombreux voisins du Golfe.

Lois actuelles concernant la communauté LGBTQ+

Domaine	Situation à Bahreïn
Relations sexuelles entre personnes du même sexe	Légales depuis 1976 pour les adultes consentants
Mariage entre personnes du même sexe	Non reconnu
Adoption par couples de même sexe	Non autorisée
Reconnaissance de l’identité de genre	Changement de genre légalement possible dans certains cas depuis 2007, mais soumis à des critères stricts

• Les lois contre « l’indécence », la « débauche » ou « l’immoralité » sont utilisées pour cibler les minorités sexuelles et de genre, permettant des arrestations, des amendes, voire des expulsions.
• Les personnes transgenres peuvent, dans certains cas, obtenir le changement de leur genre légal, mais uniquement si cela est jugé conforme à l’interprétation religieuse dominante.

Protections légales contre la discrimination

Il n’existe aucune loi protégeant explicitement contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre.

Les personnes LGBTQ+ peuvent être licenciées, refoulées de services ou harcelées sans recours légal spécifique.

Droits existants et lacunes juridiques

• Droits :
  • Dépénalisation de l’homosexualité.
  • Possibilité limitée de changement d’état civil pour les personnes transgenres.
• Lacunes :
  • Absence totale de reconnaissance des couples de même sexe.
  • Aucun droit à l’adoption ou à la parentalité pour les personnes LGBTQ+.
  • Pas de protection contre la discrimination dans l’emploi, le logement ou l’accès aux soins.
  • Application arbitraire des lois sur la moralité pour cibler les minorités sexuelles et de genre.

Témoignages et situations vécues

• Des médias ont rapporté des cas où des personnes transgenres ont été poursuivies pour « comportement indécent » du fait de leur apparence ou de leurs vêtements non conformes au genre assigné à la naissance.
• En 2014, deux femmes ont pu changer de sexe officiellement, mais il s’agit d’exceptions très rares.
• En pratique, les personnes LGBTQ+ font souvent l’objet de stigmatisation sociale, de pressions familiales et de harcèlement policier.
• En 2022, Bahreïn a interdit un film mettant en scène des personnages homosexuels, illustrant la persistance de l’homophobie institutionnelle.

Influence des mouvements sociaux et initiatives

• Les mouvements LGBTQ+ restent discrets et informels en raison du contexte social et légal répressif.
• Des ONG internationales, telles que Human Rights Watch, dénoncent régulièrement les discriminations et pressions subies par la communauté.
• Le Parlement a débattu en 2016 et 2017 de lois visant à criminaliser la « ressemblance à l’autre sexe », mais ces projets n’ont pas été adoptés.
• Les initiatives gouvernementales récentes sont quasi inexistantes en faveur des droits LGBTQ+ ; l’accent est surtout mis sur le maintien de l’ordre moral.

Comparaison régionale

Pays du Golfe	Dépénalisation des relations homosexuelles	Changement de genre légal	Protections anti-discrimination	Criminalisation de la non-conformité de genre
Bahreïn	Oui (1976)	Possible	Non	Non explicite, mais application arbitraire
Arabie saoudite	Non	Non	Non	Oui (charia)
Koweït	Non	Non	Non	Oui (loi spécifique de 2007)
Émirats arabes unis	Non	Non	Non	Oui (loi fédérale)
Qatar	Non	Non	Non	Oui (lois morales)
Oman	Non	Non	Non	Oui (loi adoptée en 2018)

Bahreïn se distingue par la dépénalisation des relations homosexuelles et une certaine tolérance relative à la discussion publique, mais reste très en retrait sur la reconnaissance des droits civils et la protection contre les discriminations.

Défis à venir pour la communauté LGBTQ+ à Bahreïn

• Renforcer les protections légales contre la discrimination.
• Obtenir la reconnaissance des couples et familles LGBTQ+.
• Lutter contre la stigmatisation sociale et l’exclusion.
• Encourager le développement d’organisations communautaires capables d’agir publiquement.
• Surmonter la pression régionale et religieuse qui freine toute avancée significative.

La communauté LGBTQ+ à Bahreïn bénéficie d’une dépénalisation historique, mais demeure confrontée à une absence quasi totale de droits civils et de protections, ainsi qu’à une forte stigmatisation sociale. Le contexte régional demeure particulièrement hostile, rendant les avancées futures incertaines et dépendantes d’une évolution tant juridique que sociétale.

Communautés LGBTQ+ locales et leur rôle

Aperçu des principales communautés LGBTQ+ à Bahreïn

La communauté LGBTQ+ à Bahreïn se compose principalement de réseaux informels, souvent créés en ligne ou dans des espaces privés. Leur formation s’est accélérée après les soulèvements arabes, avec une volonté accrue de visibilité et d’entraide malgré la clandestinité imposée par le contexte légal et social. L’initiative Ahwaa, fondée en 2010 par une militante bahreïnie, est emblématique de cette évolution : elle vise à connecter les personnes LGBTQ+ du Golfe via une plateforme numérique sécurisée, favorisant la discussion et l’organisation d’événements discrets.

• Groupes de soutien en ligne
• Rencontres informelles dans des lieux sûrs
• Plateformes numériques régionales comme Ahwaa

Rôle quotidien des communautés pour les personnes LGBTQ+

Les communautés locales jouent un rôle crucial pour :

• Soutien émotionnel : Création d’espaces où il est possible d’exprimer ses expériences sans crainte.
• Organisation sociale : Mise en place de petites réunions privées (cafés isolés, appartements) permettant aux membres de se retrouver hors du regard public.
• Sensibilisation discrète : Échange d’informations sur la santé mentale, les droits humains et l’actualité régionale.

Rôle principal	Exemple concret
Soutien émotionnel	Forums anonymes sur Ahwaa
Événements sociaux	Rencontres dans cafés privés
Sensibilisation	Campagnes virtuelles sur réseaux sociaux

Initiatives pour l’acceptation et la visibilité

Malgré le risque élevé, quelques initiatives marquent la vie communautaire :

• Organisation discrète de groupes de parole autour du coming-out ou des questions identitaires.
• Diffusion anonyme ou pseudonymisée sur Instagram/Twitter pour promouvoir l’inclusion.
• Participation indirecte à des campagnes régionales (exemple : déclarations communes lors d’arrestations injustes).

Exemples spécifiques :
Rencontres physiques organisées via Ahwaa
Partage collectif lors de crises sociales ou politiques

Défis rencontrés par ces communautés

Les principaux obstacles sont :

• Restrictions légales sévères interdisant toute forme publique d’expression LGBTQ+
• Risques sociaux majeurs (ostracisme familial, violence physique)
• Surveillance numérique accrue

Face à cela :
Recours massif aux pseudonymes et chiffrement digital
Solidarité transnationale avec autres pays du Golfe

• Lois criminalisant l’homosexualité
• Pressions familiales
• Stigmatisation sociale
• Peur constante liée au manque de protection

Réponses communautaires :

• Utilisation exclusive de plateformes sécurisées
• Sélection très stricte lors des rencontres physiques
• Appui moral mutuel renforcé

Témoignages locaux

« Il y a encore beaucoup trop peur pour afficher qui je suis. Mais savoir que nous sommes plusieurs connectés chaque soir me donne le courage nécessaire. » – Membre anonyme

« Grâce au groupe WhatsApp secret créé par mon ami·e·s bahreïni·e·s, j’ai pu parler librement après mon coming-out. » – Témoignage recueilli via plateforme régionale

« Sans ce réseau discret que j’ai trouvé grâce aux réseaux sociaux, je n’aurais jamais osé vivre ma vraie identité. » – Activiste local·e sous pseudonyme

Impact du numérique et médias sociaux

La communication digitale a révolutionné l’organisation communautaire :

• Accès facilité à un réseau régional élargi
• Anonymat préservé grâce aux messageries cryptées (Signal/Telegram)
• Mobilisation rapide lors d’incidents graves (arrestations/discriminations)
• Partage instantané de ressources éducatives ou juridiques

Le développement technologique permet ainsi une solidarité inédite malgré un environnement hostile.

Importance stratégique pour le progrès régional

Ces micro-réseaux constituent aujourd’hui un pilier essentiel :

Effet local	Effet régional
Brise isolement	Renforce mobilisation transnationale
Favorise entraide	Inspire initiatives similaires au sein du Golfe

L’existence même — bien que fragile — contribue lentement mais sûrement au débat public sur les droits humains dans toute la région golfo-arabe. Les succès modestes obtenus influencent positivement les mouvements voisins et sensibilisent progressivement certains segments progressistes locaux.

La vie des expatriés LGBTQ+ à Bahreïn

Les expatriés LGBTQ+ vivant à Bahreïn font face à des défis importants liés à la législation locale et à la perception sociale de la diversité sexuelle et de genre.

Principaux défis quotidiens :

• Les lois de Bahreïn n’interdisent pas explicitement l’homosexualité, mais il n’existe aucune protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Les lois sur la décence publique ou l’indécence restent vagues et peuvent être utilisées pour cibler les personnes LGBTQ+.
• Il n’est pas possible de se marier, d’adopter ou de changer officiellement de genre pour les personnes transgenres. Les droits des personnes LGBTQ+ sont donc très restreints.
• La société bahreïnienne demeure largement conservatrice. La visibilité LGBTQ+ est faible, et la peur du rejet, de l’ostracisme ou du harcèlement pousse la plupart des expatriés à rester discrets sur leur identité.
• L’absence de médias indépendants et la censure rendent la visibilité et l’activisme LGBTQ+ quasiment impossibles.

Perception sociale et adaptation du mode de vie :

Les expatriés LGBTQ+ adoptent souvent une attitude très prudente : discrétion sur leur vie privée, évitement des démonstrations publiques d’affection, et adaptation de leur discours en fonction du contexte.

Certains expatriés témoignent que leur statut d’étranger leur offre une forme de distance ou de tolérance, mais cela ne garantit pas l’absence de risques.

Plusieurs expatriés expliquent que l’intégration passe par une forme de pédagogie et d’adaptation : « N’ayant pas un style revendicatif en imposant mon homosexualité aux autres, mes relations ont toujours été très apaisées avec les populations locales… »

Beaucoup choisissent de préserver leur identité en privé et de segmenter leur vie sociale : vie professionnelle et sociale « conforme » en public, expression de soi dans des cercles sûrs ou en ligne.

Ressources et réseaux de soutien :

Ressource	Description
Communautés en ligne	Groupes fermés sur les réseaux sociaux, forums privés, applications de rencontre sécurisées
Groupes de soutien informels	Rencontres discrètes entre expatriés LGBTQ+, souvent par cooptation ou via le bouche-à-oreille
Organisations internationales	Human Rights Watch, ILGA, consulats étrangers pouvant fournir information et aide d’urgence

• L’accès à ces ressources reste limité et nécessite une grande vigilance afin d’éviter toute dénonciation ou infiltration.
• Les réseaux sociaux sont utilisés avec précaution, et les expatriés privilégient les plateformes sécurisées ou anonymes.

Témoignages personnels :

Plusieurs expatriés relatent que la discrétion est une nécessité quotidienne :

« Ici, je ne parle jamais de ma vie privée à mes collègues. Je n’utilise pas mon vrai nom sur les applis de rencontre. Tout doit rester très cloisonné. »

Pour d’autres, la vie d’expatrié permet paradoxalement une forme de liberté relative, à condition de s’adapter :

« Mon statut d’expat m’offre une certaine protection, mais je fais très attention à qui je me confie. Je retrouve des amis LGBTQ+ dans des cercles fermés, mais jamais en public. »

Liste des stratégies d’adaptation :

• Être discret sur son identité dans les espaces publics et professionnels.
• Utiliser des pseudonymes ou des profils anonymes en ligne.
• Se renseigner régulièrement sur la législation et les évolutions sociales.
• Maintenir un réseau de confiance avec d’autres expatriés ou contacts internationaux.
• Recourir aux services consulaires ou ONG en cas de problème sérieux.

Vivre à Bahreïn en tant qu’expatrié LGBTQ+ impose une vigilance permanente, une adaptation culturelle forte et l’appui sur des réseaux informels pour préserver à la fois sécurité et identité.